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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 1- Prologue La vallée Oubliée

Cendre et la Vallée Oubliée


La douleur était cuisante. Elle la ressentait dans tout le corps et n’arrivait plus à bouger. Elle avait fait un interminable trajet dans le coffre de cette voiture et avait fini, au bout d’une heure, par perdre tout sens de l’orientation.

Puis le véhicule s’était arrêté, le coffre s’était ouvert et les deux comparses l’avaient jetée brutalement au sol, tel un paquet encombrant. Elle s’était efforcée de ne pas émettre un son et de se faire lourde, pour les conforter dans leur idée qu’elle avait quitté ce monde. Elle les avait alors entendus rire : « Au moins, on lui aura passé l’envie de voler ! C’est le patron qui va être content ! »

Elle se sentait très faible. Les portières claquèrent et la berline démarra en trombe.


Elle ouvrit alors les yeux et chercha ses lunettes. Quelle chance, malgré ce qu’elle venait de subir, elles étaient intactes.

En les chaussant, il lui sembla que, de l’autre côté de la rue, quelqu’un l’observait. Elle essaya d’appeler au secours mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il lui sembla que la personne s’était approchée mais ses paupières s’étaient refermées laissant la place à une nuit sans rêve.


Lorsqu’elle rouvrit les yeux, la personne qu’elle avait aperçue plus tôt n’était plus là. Elle puisa dans le peu de forces qui lui restait pour se relever et marcher péniblement jusqu’à la maison d’en face.


Elle frappa à la porte mais la douleur de ce geste fut si violente qu’elle s’affaissa contre le mur. Est-ce que quelqu’un viendrait l’aider ?



Alors qu’elle commençait à désespérer, une femme brune vint lui ouvrir. Il lui semblait vaguement se souvenir que la personne qui avait observé son calvaire avait la même tenue. Ce jaune, elle s’en rappelait.

Elle essaya de se tenir droite devant l’inconnue qui s’adressa à elle mais ce fut peine perdue : « Ça alors ! La petite blondinette ! Mais que fais-tu chez moi ? »

Elle s’effondra sur le sol.

- « Tu n’as pas l’air en forme.

- Aidez-moi... ».


La blonde s’était écroulée à ses pieds. Il ne manquait plus que ça, il allait falloir qu’elle s’occupe de cette humaine imbuvable. Elle aurait dû lui briser la nuque mais la curiosité était la plus forte. Elle la porta donc jusqu’à sa chambre et la déposa sur son lit.

Elle resta là, à l’observer, pendant qu’elle dormait d’un sommeil agité. La petite avait l’air de souffrir et elle était couverte de bleus. Elle lui fit avaler un calmant sans qu’elle ne se réveille.


Cendre se réveilla quelques heures plus tard.

- « Tu as bien dormi ?

- Oui. Merci. Merci de m’avoir accueillie chez vous.

- Tu as dormi douze heures. Tu te sens mieux ? Tu ne tenais même pas debout.

- Oui, j’ai moins mal.

- Tu as eu de la chance, tu n’as rien de cassé, seulement quelques contusions. Comment t’appelles-tu ?

- Cendre.

- Cendre ? C’est un prénom, ça ? Moi, je m’appelle Lilith. »


Lilith l’avait alors conviée à venir prendre un repas. En descendant l’escalier, Cendre avait entendu de la musique, une musique merveilleuse, un son envoûtant qu’elle ne connaissait pas. Elle en fit la remarque à son hôtesse. « C’est mon frère, il est en train de jouer de l’orgue », lui dit-elle simplement, puis elle lui servit un petit bol de salade.

- « Vous avez vu ce qui s’est passé, n’est-ce-pas ?

- Deux malabars t’ont balancée d’une voiture. Oui, j’ai vu.

- Et vous ne me demandez pas ce qui m’est arrivé ?

- Ce ne sont pas mes affaires, si tu as envie d’en parler, fais-le ».


Mais Cendre n’avait pas envie de raconter sa mésaventure à cette femme qui, de toute évidence, n’aurait pas pu la comprendre. Elle plongea le nez dans sa salade, ignorant que Lilith était intriguée par bien autre chose, et qu’elle était en train d’apporter de l’eau à son moulin, sans même le vouloir, en cherchant juste à être polie.

- « Elle est très bonne, votre salade.

- J’en suis ravie. Je ne suis pas très bonne cuisinière, même pour la salade.

- Moi, j’adore cuisiner. Tenez, dans votre salade, j’aurais rajouté un petit peu d’ail, pour la relever un peu.

- Tu manges de l’ail ?

- Oui j’adore ça ! J’en rajoute dans chacun de mes plats. Vous n’aimez pas ça ? »


Lilith n’avait pas répondu. Elle s’était subitement excusée et avait quitté la pièce. La musique envoûtante avait cessé et Cendre entendit une conversation à voix basse.

Elle s’était alors approchée pour écouter ce qui se disait.

- « Elle mange de l’ail à tous les repas, c’est pour ça que je n’ai pas pu me nourrir d’elle. Je savais bien qu’il y avait une raison logique !

- Et bien, nous nous occuperons d’elle dans deux ou trois jours. Je pense qu’elle sera décontaminée. Et nous ferons un bon festin ! »

Cendre n’en croyait pas ses oreilles. Elle avait à faire à des cannibales qui détestaient l’ail ! Heureusement il lui restait quelques gousses dans sa poche. Il fallait qu’elle quitte cet endroit.


Elle retourna vite s’asseoir en voyant Lilith et son frère se diriger vers la cuisine.

Lilith : « Cendre, je te présente mon frère, Caleb Vatore. »

Caleb : « Enchanté, Cendre. Lilith m’a dit que tu étais en difficulté en ce moment. Tu peux rester quelques temps avec nous, si tu veux. Tu es la bienvenue. »

Et puis quoi encore ? Pour servir de dîner ? Non merci. Elle répondit le plus calmement possible à Caleb : « Cela aurait été avec plaisir mais il faut que je rentre chez moi, maintenant. »


A sa grande surprise, le frère et la sœur la laissèrent partir sans difficulté. Elle se retrouva seule dans les rues de cette petite ville étrange dont elle ne connaissait même pas le nom mais dont elle devait absolument s’éloigner, elle le sentait.


Elle observa un instant l’immense statue qui trônait au milieu de la place principale. « Il n’a pas l’air commode, celui-là », se surprit-elle à penser puis elle se mit en route pour partir.


Alors qu’elle avançait péniblement, elle se rendit compte qu’elle n’était pas au mieux de sa forme. Ses contusions étaient encore douloureuses. Ses vêtements déchirés et maculés de peinture lui rappelaient qu’elle était en train de peindre la mer lorsque ces brutes avaient débarqué, et, ses pieds la faisaient souffrir également à force de marcher sans chaussures... Elle n’avait pas réussi à les retrouver.


Et malheureusement, elle ne pouvait pas rentrer chez elle. Le Patron avait dû mettre des gardes devant sa maison. Elle le connaissait bien. Il voudrait s’assurer qu’elle était bien morte et ne se contenterait pas de la parole de ses deux acolytes qui n’avaient rien dans le cerveau.

Rien dans le cerveau mais déterminés tout de même... Ils avaient réussi à tout lui faire avouer. Elle avait pourtant résisté un moment mais leurs méthodes très persuasives avaient fini par avoir raison d’elle et de ses dernières forces.

Ils lui avaient tout pris, jusqu’au dernier centime, et l’avaient ensuite laissée pour morte dans cette bourgade paumée.


Les deux jours qui suivirent, Cendre chercha un moyen de quitter la ville mais, à sa grande déconvenue, force était de constater qu’elle ne parvenait pas. Elle empruntait chaque route et chaque sentier qui semblaient mener vers l’extérieur mais se retrouvait chaque fois face à un cul-de-sac.


Elle rebroussait alors chemin, bredouille et complètement désemparée. Elle avait même réussi à se perdre dans la forêt en empruntant ce joli petit pont de bois qui l’avait, lui aussi, conduite nulle part.


A la fin du deuxième jour, elle s’était résignée et baissa complètement les bras. La solitude et le désespoir prirent le dessus. A part Lilith et Caleb, elle n’avait croisé personne dans cette ville fantôme. Elle était épuisée, elle avait faim et froid... Comment avait-elle pu tomber si bas ? Et pourquoi ne pouvait-elle pas sortir de cette maudite ville ?


Elle se laissa tomber, frigorifiée, sur un banc. Finalement, elle allait sûrement mourir ici... C’était assez ironique quand on y pense. Elle sentit le sommeil l’envahir. Elle partirait donc ainsi, engourdie par le froid glacial, sans chaussures aux pieds, telle une pauvrette.


Son corps pourtant sembla se réchauffer d’une douce chaleur qui montait et l’envahissait peu à peu. Le banc lui sembla moins dur et, dans le lointain, elle entendit des voix.


Elle émergea tout doucement, se demandant où elle était puis vit Lilith en grande conversation avec cet étrange personnage au nez crochu. Il ressemblait énormément au type de la statue.

La présence de Lilith en ce lieu ne la rassurait pas du tout mais elle décida de n’en rien montrer.


L’homme ordonna à Lilith de prendre congé, et elle s’exécuta sans mot dire. Cendre en profita alors pour jauger son environnement. La décoration des lieux était plutôt macabre et lugubre mais il y avait ici, des toiles inestimables.


Nez Crochu vint ensuite s’asseoir près d’elle. Il l’impressionnait mais, là encore, elle s’efforça de ne rien laisser paraître. Elle préféra alerter l’homme au sujet de Lilith.

- « Vous savez que cette femme est cannibale ? Vous ne devriez pas l’inviter chez vous !

- Lilith Vatore n’est pas un cannibale. C’est un vampire. ».


Le visage de Cendre s’était décomposé. Elle n’arrivait plus à faire bonne figure. Nez Crochu avait l’air très sérieux.

Il la regarda un instant puis lui proposa un repas chaud. Elle aurait voulu refuser et s’en aller tout de suite mais elle mourait de faim et avait besoin de reprendre des forces. Et elle ne savait pas quand elle pourrait manger à nouveau. Aussi, malgré les circonstances alarmantes, elles se laissa séduire par la proposition.


Son hôte lui servit un plat de haricots aux saucisses ! Pouah ! C’est le genre de plat qu’elle aurait laissé de côté quelques jours en arrière, car elle ne l’aurait pas trouvé assez raffiné, et pourtant, elle se régala. C’était délicieux et surtout, c’était chaud.

Nez Crochu la regarda dévorer son assiette sans l’interrompre. Elle faisait plaisir à voir et il espérait qu’il ne s’était pas trompé sur son compte.


Lorsqu’elle eut fini son repas, il l’envoya prendre un bain et lui demanda de le retrouver ensuite sur son balcon. Lilith l’y conduirait et il lui assura que la brune vampire ne lui ferai rien de mal.

Ce bain chaud était une bénédiction. Elle s’assoupit même un petit instant et ses pensées volèrent vers ces personnes étranges qu’elle avait rencontrées depuis deux jours. Lilith, tout comme Nez Crochu étaient vraiment avares de paroles. Elle se rendit compte qu’elle avait à peine échangé deux mots avec chacun d’entre eux. Nez Crochu aussi, était peut-être un vampire et si c’était le cas, il ne faudrait pas qu’elle s’éternise ici.


Lorsqu’elle sortit de la salle de bain, Lilith l’attendait avec un visage amical.

- « Le Comte t’attend sur le balcon. Ne le fais pas attendre ».

Et elle ouvrit la petite porte qui se trouvait à sa droite.


« Le Comte ? », pensa-t-elle. « Nez Crochu a donc des lettres de noblesse ».

- « Arrêtez de m’appeler Nez Crochu, Mademoiselle Valrose. Je m’appelle Vladislaus Straud. Venez plutôt prendre un siège. ».

« Bon sang ! Je n’ai quand même pas parlé tout haut ? »


- « Vous êtes comte, c’est ça ? Mais comment connaissez-vous mon nom ? »

- J’ai fait mes petites recherches. Vous êtes portée disparue depuis deux semaines. La police a retrouvé vos chaussures à plus de deux cents kilomètres d’ici, sur un viaduc, avec des traces de sang, du sang qui était le vôtre. Ils en ont conclu que vous aviez été lestée et jetée du haut du pont suite à des représailles mafieuses. Seul votre corps n’a pas été retrouvé. La déduction était donc aisée. Vous êtes Cendre Valrose.


- J’ai aussi appris que vous étiez peintre et critique d’art de renom, mais que vous étiez soupçonnée depuis fort longtemps de travailler avec la Pègre locale. Les forces de l’ordre n’ont jamais eu de preuves contre vous mais vous avaient à l’œil. Vous auriez volé pour plus de huit millions de simflouz de tableaux et les auriez remplacés par des faux. Tout cela est-il vrai, Mademoiselle Valrose ? »


Elle n’essaya même pas de lui mentir car elle sentit que sa question n’était que pure formalité.

- « Vous êtes drôlement bien renseigné, Monsieur le Comte mais qui me dit que vous n’irez pas me donner à la police si je vous raconte mon histoire ?


- Ce n’est pas dans mon intérêt, Mademoiselle Valrose.

- Bien sûr que si. Vous avez une collection impressionnante de toiles. Vous n’avez certainement pas envie qu’une voleuse de mon envergure vienne vous les dérober. Votre intérêt est donc de me livrer.

- Vous regarderez ces toiles de plus près à l’occasion. Elles sont uniques, et dans ma famille depuis des siècles. Vous ne les déroberez pas car vous n’aurez pas envie de le faire.


- Je n’ai malheureusement aucune raison de le faire. Je veux juste partir d’ici, quitter votre ville... Comment s’appelle-t-elle d’ailleurs ? Je ne sais même pas où je suis.


- Vous êtes à Forgotten Hollow, la Vallée Oubliée, ma vallée. Et j’ai le regret de vous dire que vous ne repartirez jamais d’ici. On entre dans la vallée mais on en ressort pas.


- Vous essayez de me faire peur, n’est-ce pas ?

- Et de ce que je vois, j’y arrive très bien.

- Deux personnes au moins en sont ressortie, celles qui m’ont abandonnée ici, deux grands costauds.

- Ils ne sont pas repartis, ma chère. Ils ne sont plus.


- Maintenant, racontez-moi un peu votre histoire, je vous prie.

- Vous savez déjà presque tout. J’adore peindre. La peinture a toujours été une passion, depuis toute petite.

Mes parents sont morts dans un accident d’avion alors que j’étais encore adolescente et j’ai été ensuite adoptée par un homme puissant, le parrain de la mafia newcrestoise. Il a parfait mon éducation pour ce qu’il voulait faire de moi.

J’ai ensuite grandi et suis devenue critique d’art pour un grand magazine. Mes critiques sont rapidement devenues légion. J’étais invitée dans les plus grands vernissages, je menais la belle vie et je possédais une maison de luxe à vingt-deux ans à peine.


- Mais votre vie ne ressemblait pas qu’à cela, n’est-ce pas ? Vous voliez aussi pour votre père.

- Oui, je volais dans les plus belles galeries pour lui et je remplaçais les toiles par des faux. Je suis un bon peintre, je peux reproduire n’importe quel original. Et je suis devenue aussi maîtresse dans l’art de la substitution.

- Vous avez été beaucoup plus loin que cela, Mademoiselle Valrose. Vous avez volé votre père adoptif.


- La plus grosse erreur de ma vie. Cela fait un peu plus d’un an que je récupérais un ou deux tableaux par-ci, par-là, pour mon compte. J’avais un réseau qui me permettait d’écouler les marchandises et de récolter un maximum d’argent. Tout se passait bien et le Patron ne se doutait de rien. J’ai été trahie par mon amant. Les confidences sur l’oreiller, vous savez ce que c’est... bref, il a tout balancé au Patron, tout ça pour avoir de l’avancement et la suite, vous la connaissez.


- Et le Patron ? C’est votre père, j’imagine ?


- Ce n’est pas mon père, il n’est rien pour moi. C’est un mafieux très dangereux. J’espère sincèrement qu’il me croit morte. Il s’appelle Oba-san. Il pourrait vous réduire en bouillie, et moi avec.


- Ma chère, je peux vous assurer que cela n’arrivera jamais. J’ai un marché à vous proposer. Êtes-vous prête à l’entendre ?


- J’avoue qu’en l’état actuel des choses, je suis prête à tout. Si je ne peux pas quitter cette ville, autant que j’y vive bien et que je m’y intègre. »


Le comte changea alors d’apparence et bizarrement, Cendre ne s’en inquiéta pas. Elle se préoccupait davantage de la teneur de ce marché qu’il allait lui proposer, car en marché, elle s’y connaissait et le comte ne lui paraissait guère plus honnête qu’Oba-san. Mais était-elle honnête elle-même ?



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