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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 2 - Le pacte

Cendre et la Vallée Oubliée


Le comte se rassit en lui disant qu’il était grand temps pour lui d’aller dormir car le jour se levait. Mais qu’elle se rassure, Lilith resterait auprès d’elle pour lui tenir compagnie. Il lui donna rendez-vous à dix-sept-heures pour lui exposer les termes du marché.


Il l’avait laissé seule en proie à de terribles doutes et à une inquiétude grandissante. Elle prenait pourtant sur elle pour adopter une attitude naturelle et faire comme si la situation était normale mais la réalité était qu’il n’y avait rien de normal dans cette ville.


Elle redoutait de connaître la nature de ce marché sordide qu’elle allait accepter tant cette histoire de vampires la mettait mal à l’aise, mais avait-elle d’autre choix que d’y consentir ? Elle n’avait aucun moyen de sortir de la vallée.



Lilith apparut alors sur le balcon, l’empêchant d’aller plus loin dans ses réflexions. Elle se serait bien passé de sa compagnie.

- Alors qu’est-ce que tu veux faire ? Ça te dit, un tour du propriétaire ?

- Pourquoi pas ?

- Super ! On va commencer par le jardin !


Le jardin en question n’en avait que le nom. Le terrain du comte était en réalité un vaste cimetière orné de pierres tombales de styles et d’époques différentes, certaines très anciennes et d’autres plus récentes. L’endroit faisait froid dans le dos.

« Tu vois toutes ces tombes ?», en rajouta Lilith, « Ce sont les tombes des humains dont Vladislaus s’est abreuvé. Ils n’ont pas fait long feu, crois-moi ! », ricana-t-elle.

A ses paroles, Cendre sentit tout son corps se glacer, ou peut-être était-ce simplement que l’air ambiant devenait de plus en plus froid.



Elle décida de provoquer la brune.

- Alors, comme ça, tu veux boire mon sang, Lilith Vatore ? Pourquoi ne le fais-tu pas ? Nous sommes seules ici.

- J’aurais bien voulu mais le Comte me l’a interdit. Il te réserve à de plus grands projets. Je suis donc là pour faire amie-amie avec toi et, accessoirement, te surveiller.



- Parfait ! Dans ce cas, je crois que je préfère aller dormir. J’en ai assez vu de toutes façons et je suis épuisée. Je suis sûre que tu ne m’en voudras pas.

- J’en serais ravie, tu veux dire ! Je vais pouvoir rentrer chez moi avant que le soleil se pointe. Et puis, j’ai horreur de jouer les gardes-chiourmes !

Elle avait alors quitté le manoir, laissant Cendre seule.


La jeune femme avait tenu bon devant Lilith en revêtant un visage serein et impassible mais tout cela devenait bien trop pour elle.

Une fois seule, elle se laissa tomber à terre et évacua sa peur et son angoisse en pleurant à chaudes larmes. Elle resta ainsi plusieurs heures, prostrée, dans la plus grande détresse.



Des vampires, des tombes partout, une ville dont on ne pouvait pas sortir... et en plus, elle venait d’avaler sa dernière gousse d’ail, sa seule et unique protection contre ces créatures d’épouvante.

Elle se ressaisit et prit la décision de quitter le manoir. Elle était en danger en ces lieux et il fallait s’en éloigner. Tant pis pour le marché !


Sa détermination était telle que rien n’aurait pu la faire changer d’avis, sauf peut-être la neige qui avait recouvert le sol de la vallée et qui n’était pas prévue au programme. Il ne manquait plus que ça ! Sans chaussures, elle ne risquait pas d’aller bien loin...


« Et bien voilà ! Je suis coincée ici avec cette bande de suceurs de sang ! Chouette perspective ! »

« Vous n’êtes coincée nulle part. », dit une voix derrière elle. « Vous êtes libre d’aller où bon vous semble. »

- Vous lisez dans les pensées ?

- Je lis dans les pensées humaines et les vôtres m’ont réveillé. Vos jérémiades, votre envie de partir, que de bruit !



- Oh mais vous m’en voyez sincèrement navrée, Monsieur le Comte.

- N’utilisez pas ce ton caustique avec moi. Avez-vous oublié que nous avions rendez-vous à dix-sept heures ? Je me demande si j’ai bien fait de croire en vous.

- Il n’est pas dix-sept heures

- Allons-nous asseoir. Je vais vous raconter pourquoi nous ne pouvons pas quitter la Vallée Oubliée, si tant est que cela vous intéresse, bien sûr. »


Evidemment que cela l’intéressait. Cendre emboîta immédiatement le pas au Comte. Il avait alors commencé son récit :

- Forgotten Hollow est un monde qui appartient depuis toujours aux créatures de la nuit. Les humains y venaient autrefois dans la journée et en repartaient sans encombre puisque nous dormions. De même, nous, vampires, pouvions sortir de la vallée et nous rendre où nous voulions. A l’époque, nous ne prenions jamais de vie humaine sur le sol de Forgotten Hollow. Cela aurait attiré l’attention sur nous et nous tenions à ce que cet endroit reste notre repaire et notre refuge.

Malheureusement, il y a cent-soixante-seize ans, les choses ont changé et si la vallée est toujours accessible de l’extérieur, personne ne peut plus en repartir.


- Que s’est-il passé ?

- Mon épouse est décédée. C’est sa mort qui nous a enfermés ici.

- Je suis navrée pour votre épouse...

- C’était il y a bien longtemps...

Le comte avait tout de même interrompu son récit quelques secondes avant de continuer :

- Ingrid était partie chasser à San Myshuno mais elle est tombée dans un traquenard. Deux humains l’ont prise à revers et l’ont aspergée d’un liquide dont nous ignorions jusque-là l’existence, une véritable arme pour détruire notre race. J’ai appris plus tard qu’il s’agissait d’une potion visant à rendre les vampires humains.


Cendre écoutait attentivement. Si cette potion pouvait guérir les vampires, elle avait un petit espoir de pouvoir s’en servir sur Lilith et le Comte. Encore fallait-il que cette potion existât dans ce monde...

« N’y songez même pas », invectiva le Comte en coupant net au déroulement de sa pensée. « Voulez-vous connaître la suite de mon histoire ou préférez-vous partir, Demoiselle Valrose ? ».

Cendre s’excusa platement et le pria de continuer :

- Mon épouse est donc redevenue humaine et elle est morte une semaine après. Ce qu’il vous faut savoir, c’est que lorsque j’ai transformé Ingrid, elle était atteinte d’une maladie incurable en phase terminale. En la transformant, je l’ai guérie. Mais lorsqu’elle a retrouvé son humanité, la maladie est réapparue et l’a emportée très rapidement.

- Votre histoire est très triste, Monsieur le Comte, mais je ne vois toujours pas le rapport avec le fait que nous ne puissions pas quitter la Vallée Oubliée.


- J’y viens.

Les portes de la vallée se sont fermées le jour où Ingrid est redevenue humaine et est retombée malade. Il faut que vous sachiez, Demoiselle Valrose que le destin de Forgotten Hollow est étroitement lié au couple de Grands Maîtres qui en sont les souverains, comme nous l’étions Ingrid et moi.

- Vous êtes un grand maître de quoi ?

- Je suis un grand Maître vampire. J’ai atteint le rang ultime que tout vampire rêverait d’atteindre. J’ai la force, la puissance et tous les pouvoirs. Nul en ce monde n’est plus puissant que moi.

- Impressionnant, Monsieur le Comte ! Et donc, votre femme était aussi un grand maître vampire ?


- Oui. Une grande Maîtresse vampire, pour être plus exact. Et lorsqu’elle est redevenue humaine, elle a forcément perdu ce privilège.

- Et c’est pour ça que nous ne pouvons plus sortir de Forgotten Hollow ?

- Vous avez tout compris. Il faut une nouvelle grande maîtresse vampire à cette vallée pour qu’elle réouvre ses portes, mais l’ennui est que je ne l’ai pas encore trouvée et lorsque ce sera le cas, il faudra encore que je la forme.

- Et pourquoi pas Lilith ? Elle a l’air d’être à votre botte, il me semble.

- Lilith est déjà vampire et ce n’est pas moi qui l’ai transformée.


Le comte arrêta alors de parler et plongea son regard indéchiffrable dans celui de Cendre.

- Est-ce que vous comprenez ce que je viens de dire, Demoiselle Valrose ?


Cendre avait blêmi. Elle était malheureusement persuadée de n’avoir que trop bien discerné ce qui se cachait derrière la dernière phrase de Vladislaus Straud.

- Ha, non, non, non ! Vous ne ferez pas de moi votre grande maîtresse vampire !


Elle était pourtant consciente que, consentante ou pas, il ferait bien ce qu’il voudrait.

- Voilà qui nous amène au marché que je veux vous proposer, ou plus exactement au pacte que je veux vous proposer.

- J’ai besoin de prendre l’air.


Vladislaus l’avait conduite à l’étage, sur une terrasse couverte.

- Le marché, le pacte... tout cela me fait peur, Monsieur le Comte... et je ne suis pas femme à avoir peur, d’ordinaire.


- J’en suis bien conscient, ma chère mais laissez-moi vous éclairer sur la teneur de notre pacte.


- Oh mais je vois très bien où vous voulez en venir ! Vous voulez me transformer, faire de moi une grande maîtresse vampire et m’épouser. Mon avenir semble tout tracé ! Est-ce que je me trompe ?


- Dans les grandes lignes, oui. Vous devriez vous sentir flattée au lieu de me prendre de haut. Combien auraient voulu que je les choisisse pour ce grand destin ? Elles se seraient senties honorées.


- Cent-soixante-seize ans ! Les portes de la vallée se sont refermées il y a cent-soixante-seize ans et vous n’avez choisi aucune prétendante ? Vous avez attendu que j’arrive ? Pourquoi moi, Monsieur le Comte ?


- Parce que je sens que vous réussirez. J’en ai la certitude. Je me trompe rarement sur les humains. Réfléchissez un peu, vous ne pouvez pas sortir d’ici, vous n’avez pas d’argent et je sais que vous n’avez plus d’ail sur vous. Votre odeur pestilentielle se dissipe et bientôt, vous servirez de repas aux vampires de Forgotten Hollow ou pire encore, vous mourrez de froid dans la forêt. Le pacte que je vous propose est des plus honnêtes. Je vous offre l’éternité.


- L’éternité à vos côtés, vous voulez dire. Quelle joie immense ! Je suis encore jeune, moi ! Je n’ai pas envie de me marier avec un vieillard de plus de cent ans ! J’aspire à autre chose, figurez-vous.


- Allons donc ! Et qu’elle est votre aspiration ? Nous sommes tous coincés ici. Ne vous méprenez pas, mais le plus important dans ce pacte n’est pas notre mariage. C’est votre aptitude à réussir toutes les épreuves qui vous mèneront au rang de maitresse vampire. Ensuite seulement, nous nous marierons et vous pourrez prétendre à être Grande maitresse vampire, mais seulement à certaines conditions que je vous révèlerai en temps utile. En attendant, il y a du boulot, et cela risque de prendre des années, excusez mon langage.


- Vous voulez dire que ce mariage n’aura pas lieu tout de suite ?

- Non, il va falloir d’abord faire vos preuves, vous entraîner, connaître toutes nos coutumes et réussir. Ensuite seulement, vous pourrez prétendre être mon épouse. Et si, à ce terme, vous ne le voulez pas, je me verrai dans l’obligation de vous faire griller en place publique.

- Charmante menace. En gros, je vous épouse ou je grille...

- Je ne pourrais pas me permettre de recevoir un tel affront sans réagir. Mon peuple ne comprendrait pas. Mais voyez le bon côté des choses : il sera toujours impossible de sortir de la Vallée Oubliée mais vous aurez gagné quelques dizaine d’années de vie supplémentaire.

- Evidemment ! Quel bonheur...

- Par contre si vous décidez de continuer, nous nous marierons et vous pourrez prétendre au titre de Grande Maîtresse Vampire. Une fois, que vous aurez obtenu ce rang, les portes de Forgotten Hollow pourront de nouveau s’ouvrir. Voilà le pacte que je vous propose.


- Ce qui me chiffonne, c’est cette histoire de mariage. Je ne vous aime pas et vous ne m’aimez pas, je le sais. Et pour moi, un mariage, c’est l’amour, et vous avoue ne pas encore l’avoir trouvé. Et je ne suis pas sûr que vous soyez mon prince charmant.


- A vous de voir alors, Demoiselle Valrose. Vous avez toutes les données en main. (La voix du Comte s’était durcie.)

- Et sachez que notre mariage sera platonique, uniquement pour ouvrir les portes. Je vous donne une semaine pour réfléchir. Je vous offre le terrain de la Fledermaüs, celui-là même où vous avez atterrie le jour de votre arrivée dans la vallée. Vous vous débrouillerez là-bas. Dans une semaine, nous nous retrouverons et vous me direz quelle décision vous avez prise. Une semaine. Il vous faudra survivre d’ici là. Sachez que nous avons ici de formidables réseaux marchands. Il vous suffit pour cela de prendre contact avec les vampires de la forêt.


- Les vampires de la forêt ? Je n’ai vu que quatre ou cinq habitations dans le coin et très peu de monde.


- Seuls les plus grands vampires ont une maison sur la place. Les autres vivent dans la forêt et mettent tout en œuvre pour nous permettre de faire vivre notre économie autarcique : commerces et boutiques diverses et variées. Leurs demeures ne sont pas visibles à l’œil nu mais si vous cherchez bien, vous trouverez des entrées ici et là. La Vallée Oubliée est un sous-sol immense empli de catacombes habitées et de commerces. Une vraie petite ville souterraine.


- Je n’ai pas un sou en poche, vous savez. Alors, je ne vois pas très bien ce que je pourrais acheter dans vos commerces.

- Vous n’êtes pas obligée d’acheter, vous pouvez aussi vendre pour vous faire de l’argent ou échanger des objets. Il y a plein de petites astuces. Vous savez jardiner ? Vous vendez les fleurs que vous récoltez. Vous pêchez ? Vous vendez votre poisson. Vous voyez où je veux en venir ?


- Utilisez ce que vous savez faire pour vivre.

- Je crois que j’ai compris.

- Alors, je crois qu’il est temps de vous laisser partir. Profitez de ce qu’il fasse jour pour repérer les lieux et faites un tour derrière cette petite maison rouge qui se trouve sur la place. Il y a quelques plants d’ail, par-là.


Cendre se leva pour prendre congé.

- Ah j’oubliais ! Lilith a laissé une paire de chaussures pour vous dans l’entrée. Il y a également un canne à pêche. Servez-vous. On se revoit dans une semaine.


Le Comte avait permis à Cendre de prendre une douche et de se nourrir avant de partir. Elle avait ensuite franchi les portes du manoir, chaussée des savates « confortables » que Lilith avait « gentiment » laissées pour elle, trop heureuse de s’éloigner du maître des lieux.


Elle savait qu’elle ne devait pas perdre de temps car la nuit tombait très vite sur Forgotten Hollow. Vladislaus lui avait donné quelques conseils pour l’aider à survivre et il lui faudrait les mettre en pratique si elle souhaitait tenir une semaine entière. La dernière fois qu’elle avait été livrée à elle-même, elle avait failli mourir au bout de deux jours.

Elle tiendrait le coup, elle y arriverait. Quant à ce pacte, il était hors de question de l’accepter. Une éternité avec Vladislaus Straud, le quatrième ! Et puis quoi encore ? Elle chercherait plutôt cette potion qui permet de rendre les vampires humains...








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