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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 10 - Un comte à la maison

Cendre et la Vallée Oubliée


Jesminder était profondément anéantie. Peu de temps après la réintégration de sa chambre, elle avait entendu des hurlements en provenance des cellules, puis plus rien. Elle imaginait le pire et elle savait que si le pire s’était produit, c’était à cause d’elle.

Madame l’avait prévenue : « à la moindre tentative de complot, je les tue tous les trois et je te confine dans tes quartiers. » Voilà, on y était. Au lieu de les sauver, elle les avait voués à leur perte. Elle aurait tellement voulu mourir elle aussi.


Cendre avait laissé ses amis s’occuper des prisonniers. Elle devait tenir la menace qu’elle avait faite à Jesminder quelques mois plus tôt, mais, était-ce dû à son état actuel, elle ne se sentait pas de la mettre en pratique elle-même. Caleb, Lilith et Timothée avaient donc été ravis de l’aider.

Un peu plus loin, dans leurs cellules, Jess et Dirk avaient entendu les cris des autres détenus. Jesminder avait tenté de dissimuler son désespoir et Dirk s’était demandé comment une célébrité telle que lui avait pu se fourrer dans un tel pétrin.


Ce soir-là, Cendre avait enterré numéros six, sept et huit, en compagnie de ses amis qu’elle avait absolument tenu à avoir à ses côtés.


Elle se sentait accablée mais ne savait mettre des mots sur cette tristesse envahissante. Caleb la rassura en lui affirmant que la grossesse pouvait parfois jouer ce genre de tours. Et elle acquiesça même si elle supposait qu’il y avait autre chose. Elle n’avait pas voulu la mort prématurée de ces trois-là et elle en voulait à Jess.


Cette nuit-là, Cendre partit à la recherche de nouveaux humains pour garnir son garde-manger. Elle rencontra alors deux femmes et un homme : Eliza Pancakes,...


... Dina Caliente,...


... Et Erwin Pries. Celui-là semblait très bizarre et un peu paranoïaque sur les bords.

Mais comme les deux femmes, il suivit Cendre. Aucun d’entre eux ne s’était méfié de la jeune femme enceinte qui leur proposait un toit pour la nuit.


Après avoir enfermé numéro douze dans sa cellule, Cendre s’apprêta à aller dans sa crypte. En entrant dans le vestibule, elle eut la surprise de voir que Vladislaus l’y attendait.

- Vladi ! Je suis heureuse de vous voir. Que me vaut cette visite ?


- Je viens m’installer chez vous ma chère. Timothée est passé me voir et m’a informé que votre servante vous avait trahie.

La nouvelle n’enchantait pas Cendre...

- Vous vous installez chez moi ? Mais je n’ai même pas de cercueil à vous proposer.


- Je me moque royalement du cercueil ! Dans votre état, vous avez autre chose à gérer que les extravagances de votre servante. Je vais donc y veiller. D’ailleurs, qu’avez-vous fait d’elle ?


- Rien ! Elle est consignée dans ses quartiers et j’irai lui parler quand bon me semble. Il s’agit de ma servante et je ne veux pas que vous vous mêliez de mes affaires avec elle. J’y perdrai toute crédibilité.

- Je le conçois mais n’avez-vous pas peur qu’elle récidive ? J’ai vu que vous n’aviez pas perdu votre temps pour regarnir votre garde-manger.


- Elle pourrait, oui, mais elle ne le fera pas. Si vous restez chez moi, j’aimerais aussi que vous me fassiez confiance. C’est possible, ça ?

- C’est tout à fait possible.


Cendre avait laissé Vladislaus pour descendre dans sa crypte. Cette journée l’avait éprouvée. Trois décès... Tout cela parce que Jess n’avait pas écouté ses consignes.

Cendre savait que sa servante n’aspirait qu’à une chose, revoir son mari et son fils, mais elle ne pouvait pas le lui accorder et les portes de la ville étaient heureusement toujours fermées.

Elle ne voulait aucun mal à Jess et avait même une petite idée pour apaiser ses souffrances. Mais ce ne serait pas pour tout de suite.


Privée de sa « fidèle » servante, Cendre dut donc se remettre à préparer elle-même les repas des prisonniers et à les leur apporter, y compris ceux de Jess et Dirk.


Chaque fois qu’elle lui amenait son repas, Jesminder la regardait avec ce petit air triste au fond des yeux. Elles ne se parlaient pas mais les regards en disaient parfois plus long que les mots, et ses pensées étaient noires.


Cendre avait cependant décidé de ne pas lâcher. Jess avait fauté et, même si elle la considérait comme une humaine courageuse, comme l’humaine qu’elle avait elle-même été autrefois, elle devait aussi lui faire comprendre que lorsqu’elle faisait une promesse, il ne s’agissait pas de paroles en l’air. Alors elle devrait plier, même si le cœur de Cendre en était bouleversé.


 

Le comte s’était donc installé chez Cendre pour son troisième trimestre de grossesse et elle profitait de ce qu’il soit là pour bénéficier de ses leçons captivantes et passionnantes.


Ils pouvaient parler pendant des heures de l’histoire des vampires, et Cendre, enthousiaste, ne cessait d’apporter des théories incroyables dont Vlad semblait se délecter.


En contrepartie du gîte et du couvert (Cendre partageait aussi son garde-manger avec le Comte), elle lui demanda d’apporter ses repas au premier géniteur qu’elle avait de plus en plus de mal à supporter.

Vladislaus était ravi car cela lui procurait une bien sympathique distraction, trois fois par jour. Il adorait voir la star mondiale tapoter sur son téléphone pour essayer d’obtenir un réseau qui n’existait pas dans la Vallée Oubliée.


Comment Cendre avait-elle pu choisir un humain aussi primitif pour sa future descendance ? Celui-là passait son temps à faire des pompes ou à s’admirer devant un miroir, quand il ne luttait pas inutilement avec son téléphone portable. Qu’il pouvait être futile, ce Dirk ! Mais bon, Cendre clamait qu’il était beau et musclé, et qu’il faisait un parfait géniteur, alors, pourquoi pas ?


En attendant, le Comte profitait de ses instants uniques auprès de sa protégée et lui enseignait, tel l’organiste qu’il était, la beauté du son qui sortait de cet instrument qu’il encensait.


Et Cendre semblait lui en être toujours reconnaissante. Elle aimait apprendre et elle posait toujours les bonnes questions, questions qu’elle posait déjà lorsqu’elle n’était qu’une humaine : pertinentes et perspicaces. Cette femme était décidément très intelligente et il s’enorgueillissait qu’elle soit sa promise.


Elle avait même réussi à le faire rire en le convaincant de faire un concours de bonhomme de neige. Et elle avait aussi ri de bon cœur en décrétant que son rire à lui était vraiment démoniaque.


Durant la journée, Cendre prêtait son cercueil à Vladislaus pour qu’il puisse de reposer tranquillement et, pendant ce temps, elle recevait ses amis.


Elle recevait aussi certaines personnes qu’elle avait rencontrées dans les catacombes comme Francis Caron, qui tenait une galerie d’art et grâce à qui, elle avait vu les ventes de ses toiles grimper en flèche.


Ou encore Bella Swan, cette vampire en mal d’enfants qui souffrait de ne pas encore avoir connu l’Unique qui aurait pu lui donner ces petits êtres qu’elle attendait tant.

Bella avait toujours l’air tellement triste...


Cendre et elle se rencontrèrent de plus en plus souvent et elles finirent par sympathiser. Trouvant une oreille compatissante, Bella s’épancha alors auprès de la future maîtresse vampire en lui avouant qu’elle regrettait sa vie humaine.


- Tu regrettes ? Mais depuis quand es-tu vampire ?

- Une vingtaine d’années, à quelque chose près. J’avais à peine vingt-six ans lors de ma transformation. Je vous envie, vous savez.

- Je ne vois pas pourquoi. Ma position n’est pas enviable, tu peux me croire.


- De mon point de vue, elle l’est. Vous allez pouvoir mettre au monde tous les bébés que vous souhaitez et fonder une grande famille. C’est cela que je vous envie.

- Tu ne devrais pas


- Je vais devoir tuer tous mes bébés, s’ils naissent humains. C’est le prix à payer pour sauver la Vallée Oubliée et devenir Maîtresse Vampire, un bien lourd tribu que je ne souhaiterais à personne. Tu vois, Bella, tu n’as vraiment rien à m’envier.

- Ces bébés humains... vous pourriez les transformer à l’adolescence... Ainsi, ils pourraient vivre.

- Malheureusement, la tradition est stricte, je dois m’en séparer.

- C’est une bien lourde croix à porter et je vois aussi de la souffrance dans votre regard, Maîtresse, je me trompe ?


Cendre ne répondit pas. Elle devait aller de l’avant.

A une semaine de la fin de sa grossesse, elle devint vampire majeur et choisit d’organiser une fête dans la crypte pour fêter l’évènement. Elle avait même invité Francis et Bella, contre l’avis du Comte qui ne les trouvait pas assez « racés », à son goût. « Ce sont de petits vampires de seconde zone », avait-il déclaré.


Mais elle s’en moquait bien car ces deux-là étaient ses amis à présent et elle les voulait auprès d’elle pour ce grand jour. Après tout, c’étaient les catacombes qui faisaient vivre la vallée, même si Vladi semblait parfois l’oublier.

Caleb était un véritable lien entre les deux et il sauva la soirée avec ses blagues vampiriques un peu lourdes au goût de tous.


C’est aussi Caleb qui transforma la salle de combat en piste de danse. Il avait ramené un phonographe et réussit à persuader tout le monde de le suivre sur la piste, y compris Vlad qui prit une moue sérieuse de grand danseur. Comme quoi, les vampires aussi savaient s’amuser !

Cendre se tourna alors vers son ami :

- Tu ne m’avais pas dit qu’il y aurait de la musique !

- C’était une surprise ! J’espère qu’elle te plait !

Bien sûr qu’elle lui plaisait. Elle fêtait son nouveau rang de vampire en dansant, chose qu’elle n’avait pas fait depuis longtemps. Et, en plus, son nouveau rang allait lui permettre de s’occuper du cas de Jess.


Alors, oui, elle était ravie.

Au lever du jour, elle convia ses invités à rentrer chez eux. Elle avait besoin de se reposer et de se retrouver un peu seule.


 

Le Comte avait tenu à installer un berceau dans sa crypte mais elle trouvait que c’était prématuré.

Ce soir, ses pensées allaient vers Jesminder. Cela faisait trois mois qu’elle ne l’apercevait que brièvement, lorsqu’elle lui apportait ses repas. Et Jess semblait dépérir. Elle devait faire quelque chose pour elle.


Elle se leva, bien déterminée à aller lui parler et à faire ce qu’elle avait à faire car, après tout, depuis cette tentative d’évasion, les deux femmes ne s’étaient plus parlé.


Malheureusement, le destin en décida autrement.

Cendre ressentit les premières douleurs de l’accouchement et n’eut d’autre choix que faire marche arrière pour s’approcher du berceau que Vlad avait judicieusement placé dans sa crypte. Mais pourquoi avait-elle autant dansé ce soir ?


Elle se préparait à faire naître son enfant seule lorsqu’elle sentit la présence de son vieil ami à ses côtés. Il s’était installé derrière elle sans mot dire, mais il était là.


Le premier bébé de Cendre naquit donc le jour où elle devint vampire majeure. Elle espéra secrètement que ce jour lui porterait bonheur et que sa fille Amandine serait un petit vampire.

Malheureusement, Cendre n’en aurait pas la certitude avant les trois ans de la fillette et le Comte sut lui rappeler, sans ambages, la dure réalité.

- Vous devez la laisser à son père. Une maîtresse vampire ne peut pas s’occuper de sa progéniture tant qu’elle n’est pas sûre de sa race. Et nous ne savons pas si votre bébé est un humain ou un vampire.


Cendre reposa alors immédiatement la petite Amandine dans son berceau. Le regard sans pitié de Vlad veillait à ce qu’elle fasse tout dans les règles, sans pleurnicherie. Alors, c’est ce qu’elle ferait.

- Vous êtes parfaite, ma chère. Je vais pouvoir vous laisser à présent. Je m’en retourne dans mon manoir. Tenez-moi informé de l’évolution de cette petite.


Lorsque Cendre se fut assurée que Vladislaus était vraiment parti, elle reprit sa fille dans ses bras.

- Dis-moi que tu seras un petit vampire ! Tu ne peux pas être humaine, tu es la chair de ma chair !


Elle se changea puis amena le bébé à son père, lui expliquant qu’il lui faudrait s’occuper d’elle jusqu’à ce qu’on sache si elle était ou non un vampire.

- Mais je ne sais pas m’occuper des bébés, moi !

- Tu apprendras ! Comme tout le monde.


- Ce bébé sent mauvais ! Déjà que ma cellule n’est pas grande, je vais finir par être intoxiqué par ses odeurs.

- Il ne tient qu’à toi qu’elle reste propre dans ce cas. Tu auras chaque jour tout ce qu’il te faut pour prendre bien soin d’elle. En attendant, je te laisse quelques couches, des biberons et du lait. Je te conseille de bien t’occuper d’elle, sinon tu auras à faire à moi, et tu sais que je ne plaisante pas.


Elle était alors ressortie de la cellule de Dirk, laissant sa fille derrière elle. Un vrai déchirement. Comme elle comprenait mieux Jess à présent. Et il lui faudrait attendre trois ans avant de savoir...



 


Cendre traversa la place. Elle avait besoin de parler à Lucas. Alors, elle installa un fauteuil près de son cercueil et commença à lui raconter ce qu’elle ressentait.


Il n’y a qu’avec lui qu’elle se sentait libre d’exposer ainsi son cœur et son âme et, après sa discussion avec Caleb, elle était persuadée que Lucas l’entendait, ou du moins, qu’il savait qu’elle était là. Elle resta ainsi auprès de lui, entamant un long monologue qui dura quelques heures.


Cela lui fit un bien fou de pouvoir vider son sac.

Puis, quand elle en vint au sujet de Jess, elle décida qu’il était temps pour elle de rentrer. Tout était clair dans sa tête. Elle devait agir maintenant.


Lorsque Cendre arriva dans la chambre de Jesminder, celle-ci dormait. Elle entreprit immédiatement de la réveiller.

- Jess, il faut que je te parle. Lève-toi.


La jeune servante avait alors allumé les lumières puis s’était assise au bord de son lit. Cendre la rejoignit et entra, sans perdre de temps, dans le vif du sujet :

- Jess, je ne supporte plus de te voir malheureuse et tu as assez payé cette tentative d’évasion. Alors, je lève ta punition. Tu pourras sortir de tes quartiers et reprendre ta vie dans la crypte ainsi que tes cours de mixologie avec moi. Mais avant, je veux te permettre d’être plus heureuse.


- Plus heureuse ? Vous vous fichez de moi ? Comment pourrais-je être heureuse en restant ici ?

- Laisse-moi t’hypnotiser. Je ne sais pas si ça marchera mais, au moins, ça ne peut pas te faire de mal et tu te sentiras mieux quelques temps.


Jesminder était fort tentée par la proposition de Madame. Après tout, sa situation ne pouvait pas être pire que ce qu’elle vivait à présent. Alors, pourquoi pas ?

- D’accord, hypnotisez-moi...


Cendre l’avait donc hypnotisée, oui, mais ce que Jesminder ignorerait à tout jamais, c’est que la vampire l’avait également vidée de son esprit de vie, de sa mémoire et de tous ses souvenirs.


Lorsqu’elle eut terminé, Jess s’était complètement affaiblie.


Cendre savait que sa servante aurait besoin de longues heures de sommeil récupérateur et que lorsqu’elle se réveillerait, elle aurait oublié toutes les personnes qui avaient fait partie de sa vie jusqu’à présent, y compris elle-même. Il faudrait refaire connaissance avec Jess et lui inventer une nouvelle vie mais dans celle-ci, elle n’aurait ni mari, ni enfant et elle pourrait désormais être heureuse.





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