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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 37 - Une vie après les votes

Cendre et la Vallée Oubliée


Il fallut le temps de tout organiser, comme créer de parfaits isoloirs mais tout fut prêt dans les temps. La salle était prête pour accueillir les votants.


Cendre avait une idée de ce qu’était un pays ou une nation, et elle rêvait que la Vallée Oubliée s’ouvrit à ces usages qu’elle avait connus autrefois en tant qu’humaine, de beaux usages aussi appelés démocratie mais Lucas avait raison, il fallait être très prudents quant à ces usages.

Le peuple vampire s’était senti concerné par cet appel au vote, une première dans la vallée, et tous tenaient à faire entendre leurs voix.


Ils étaient arrivés nombreux des quatre coins des catacombes et de la forêt, tous présents pour voter, les fidèles amis comme les inconnus. Lilith et Jessie, qui avaient toutes deux accouché à quelques mois d’intervalle, étaient aussi présentes.

Cendre, assise sur son trône, soutenait Francis qui supervisait les votes de son lointain.


Samuel avait été désigné président du bureau de vote et ses deux sœurs l’assistaient en tant qu’assesseurs.

Les votes eurent lieu cette nuit-là entre vingt heures et quatre heures du matin. Le bureau de vote ne désemplissait pas.


Les votants se succédaient à vitesse phénoménale et il était difficile de deviner quels seraient leurs choix.


Les trois aînés de la fratrie n’ignoraient pas que leur sort dépendait de chacun des vampires qui se présentaient devant eux mais ils savaient aussi que, peu importe ce qui arriverait, ils devraient un jour se combattre.


Certains membres de la communauté vampire se réunirent peu avant la clôture des votes afin d’assister au dépouillement. Les retardataires étaient encore en train de choisir leurs bulletins dans les isoloirs...


C’est ce moment-là que choisit le Duc Lestat de Riverview pour faire son entrée, après six ans d’absence.

Samuel était béat de stupéfaction et interpella ses sœurs :

- Regardez qui vient nous rendre visite...


Le Duc s’était avancé vers le bureau d’un pas assuré. Tous les vampires présents avaient cessé leurs conversations et n’avaient d’yeux que pour lui.

- Que nous vaut cet honneur ? avait demandé Samuel.

- C’est un bureau de vote, il me semble. Je viens voter, répondit Lucas tout en regardant Cendre sur son trône.


Cendre avait également capté le regard de Lucas mais Isaure le détourna d’elle. Elle paraissait complètement exaltée :

- Oh mais bien sûr que vous pouvez voter ! Les isoloirs sont juste là et, après, vous pourrez glisser votre vote dans la petite fente de l’urne située juste devant mon frère !

- Merci Mademoiselle Valrose, avait simplement dit le Duc.


Lucas était allé voter puis avait rejoint la Grande Maîtresse sur l’estrade. Tous les vampires avaient reconnu en lui le Grand Maître dont Francis leur avait annoncé qu’il était l’Unique de leur Grande Maîtresse. La liesse était palpable dans l’assemblée.


Cendre murmura à Lucas :

- Tu es fou... Il va falloir que je leur parle, maintenant...

- Tu es douée pour ça. Je te fais confiance.


Elle s’approcha donc de l’assemblée, Lucas à ses côtés. Tous connaissaient le Duc Lestat de Riverview, et tous avaient espéré qu’on le retrouve. L’espoir et la joie pouvaient se lire sur tous les visages.


Cendre confirma à son peuple que le Duc était son Unique et qu’elle l’épouserait, selon la tradition, après les combats des héritiers.

Il leur faudrait encore patienter un peu mais tous envisageaient la fin proche de leur autarcie.


Le dépouillement de l’urne était à présent terminé et le résultat des votes allaient bientôt être connu.

Isaure regarda Samuel avec appréhension et se saisit de sa main. Elle la sentit trembler. Malgré son sourire, son frère était aussi anxieux qu’elle.


Cendre se tourna vers Clotaire et lui donna le feu vert. Le résultat des votes devait maintenant être annoncé.


Selon le protocole mis en place, le chef de la milice, qui avait également veillé au bon fonctionnement des votes, était le seul à pouvoir les annoncer. Clotaire s’avança donc vers lui pour lui soumettre les résultats.


Francis se tourna ensuite vers l’assemblée et proclama le résultat :

- Avec 66,7% des voix, le peuple a choisi que les premiers combats devraient avoir lieu lorsque les deux premiers descendants auraient atteint leur majorité vampirique. Il en sera donc de même pour les descendants suivants.


Isaure sembla assommée par la nouvelle et fixa Francis comme s’il avait le pouvoir de changer ce qui avait été dit. Samuel vit sa mère fermer les yeux avant de reprendre son souffle et de déclarer :

- Qu’il soit fait ainsi.

L’assemblée de vampires était mitigée ; certains paraissaient heureux tandis que d’autres s’attristaient du résultat, surtout parmi les amis de Cendre.


Samuel tenta de rassurer sa sœur :

- Ne t’en fais pas, ça va aller.

- Non, ça n’ira pas. L’un de nous deux va mourir, et nos anniversaires approchent. Ça n’ira plus jamais.


Les proches de Cendre étaient restés dans la crypte après le départ des votants.

Cendre avait pris Bella dans ses bras et avait murmuré à son oreille :

- Heureusement, tu es là...


La vampire avait compris ; il n’y avait pas besoin d’en dire plus. Elle savait qu’elle pouvait compter sur elle et que son dévouement n’était plus à prouver.


Après le départ de ses amis, et alors que Samuel s’entretenait avec Lucas, Cendre se rapprocha de la table où Francis s’était évertué à recompter les bulletins un par un.


Il lui confirma qu’il n’y avait aucun doute possible. Clotaire et Blanche avaient parfaitement pourvu au dépouillement, et aucune erreur n’avait été commise. Samuel et Isaure devraient donc se combattre une fois jeune adultes.


Au lever du jour, les quatre aînés de la fratrie restèrent un moment discuter dans leur crypte avant d’aller se coucher.

Ils partagèrent leurs émotions et leurs inquiétudes face à ce que seraient ces combats, et ils savaient tous que rien ne serait plus jamais pareil...


 

Deux mois plus tard...

Bien qu’il ait retrouvé sa forme physique d’autrefois, les nuits de Lucas étaient encore très agitées et ponctuées d’effroyables cauchemars qui glaçaient les os de Cendre.

Depuis qu’elle pouvait à nouveau ressentir les pensées de son Unique, elle mesurait aussi l’horreur qu’il avait subi après cinq ans d’enterrement.


Elle avait alors abandonné l’idée de le convaincre de dormir dans un cercueil. Lucas refusait de s’y régénérer. Il avait développé une phobie sévère de l’enfermement et elle ne le comprenait malheureusement que trop bien même si elle était persuadée que le cercueil lui aurait été bénéfique.


Il rejetait cette idée de tout son être et elle ne pouvait l’en blâmer.

Bizarrement, il n’était jamais contre l'idée de s'envoyer en l'air dans le cercueil, mais elle supposait que c’était parce qu’elle était avec lui. De ce fait, elle l’encourageait dans cette voie, espérant que ses cauchemars finiraient par cesser.


Lucas faisait dorénavant partie intégrante de la famille et passait beaucoup plus de temps dans la chapelle que chez lui, au désespoir de Louise.

Il apportait un nouveau souffle dans la crypte en racontant sa vie passée et ses exploits de vampire. Les plus grands étaient passionnés par ses aventures et les prouesses qu’il avait accomplies pour faire de Riverview une contrée sereine.

Isaure était sans nul doute celle qui était le plus séduite par les récits du Duc.


Lucas avait aussi apporté de l’apaisement aux enfants en partageant avec eux sa vision des combats des héritiers. Il mit des mots sur ce qui leur paraissait injuste et leur expliqua que les vampires de leur rang se devaient de montrer l’exemple en accomplissant leur devoir.

Cette notion de devoir leur permit de mieux accepter les duels qui les attendaient mais surtout, les décidèrent à profiter de leurs vies tant qu’ils le pouvaient encore. Lucas avait chassé la déprime ambiante de la crypte.


Clotaire était ravi car il avait trouvé en lui un partenaire digne de ce nom pour jouer aux échecs.


Samuel et Lucas avaient fini par s’apprivoiser et passaient de longues heures à discuter. Samuel s’était aventuré à lui poser des questions sur son enterrement et Lucas s’en était ouvert à lui. Extérioriser ainsi ce qu’il avait vécu lui faisait beaucoup de bien.


Samuel fut le seul à qui il raconta les méfaits qu’il avait commis lorsqu’il était Lestat le Sanguinaire. Il n’épargna rien au jeune vampire, aucun détail cruel sur le malheur qu’il avait causé aux humains.


Lucas prenait un gros risque car Samuel aurait pu ressentir une certaine envie à vouloir la même existence, mais ses réactions ne laissèrent aucun doute. Le fils aîné de Cendre était horrifié par ce qu’il entendait et le Grand Maître espérait bien qu’il ne commettrait jamais les mêmes actes que lui.


Lucas apprit également quelques astuces de jardinage auprès d’Isaure...


Et il découvrit que la jeune fille aimait beaucoup écrire. Elle avait déjà écrit cinq livres pour enfants et travaillait sur un sixième livre, de fantaisie, cette fois.

Toutes ses histoires contaient, jusqu’à présent, les aventures de petits vampires.

Lucas était impressionné et lui demanda l’autorisation d’emprunter un de ses livres afin de mieux apprécier le travail qu’elle avait fourni. Isaure était enchantée.


Blanche avait fait de Lucas son confident. Elle lui avait raconté combien son enfance avait été difficile auprès de Samuel. Le Grand Maître prêtait une oreille attentive mais se gardait bien d’émettre le moindre jugement.


- Heureusement, il a changé ! Mais vous rendez-vous compte, à un moment, j’étais persuadée qu’il voulait me tuer !

Lucas rit avec Blanche sur le fait que les enfants pouvaient parfois être cruels entre eux, et tous deux convinrent que cette période-là était belle et bien révolue.


Lucas s’était pris d’affection pour Mélusine qui, très tôt, avait commencé à l’appeler Papa. Il séchait ses larmes...


... jouait avec elle...


... et ils passaient tous deux du temps au jardin, chose que Cendre ne pouvait faire à cause de son intolérance au soleil.


Elle enviait ces moments qu’il partageait avec ses enfants, des moments qu’elle ne pourrait jamais vivre...


Lucas lui avait dit qu’il apprenait à Mélusine à canaliser son énergie. La bambinette semblait en vouloir au monde entier et seul, Lucas parvenait à l’adoucir.


Pourtant, à la nuit tombée, elle avait toujours besoin de sa maman. C’est à elle qu’elle voulait raconter sa journée palpitante...


... et c’est contre elle aussi qu’elle s’endormait après des heures de babillage.


Lucas jouait beaucoup avec Alaric. À son contact, Cendre trouvait que le petit garçon s’épanouissait de jour en jour. Lui aussi avait laissé échapper quelques « Papa » en s’adressant à Lucas mais il s’était chaque fois repris comme s’il avait commis un impair.


Lucas emmenait souvent les plus petits se promener dans la Vallée. Il leur contait son histoire, ses légendes, et surtout la plus belle de toutes, celle qui verrait un jour ses portes se rouvrir. Mélusine et Alaric étaient émerveillés.


Cendre guettait souvent leur retour à l’ombre du porche.

La promenade leur faisait du bien. Alaric était rayonnant et Mélusine, aux petites jambes fatiguées, s’assoupissait régulièrement sur l’épaule de Lucas.

Comment faisait-il ? Les enfants étaient tous épanouis à son contact.


- Tu as une famille merveilleuse, lui avait-il dit un soir. Je suis vraiment heureux de savoir qu’un jour, j’en ferai partie.


- Tu fais déjà partie de cette famille. Les enfants t’adorent et je t’en aime que davantage. Comment fais-tu pour savoir ce qu’il faut faire et ce qu’il faut dire ? Je peux ressentir que tu les aimes vraiment. Je suis tellement touchée.


- Bien sûr que je les aime ! Ils font partie de toi ! Quant à deviner comment il faut agir, j’ai eu une fille, rappelle-toi ! J’ai tout de même un peu d’expérience.

- Tu es merveilleux ! J’en ai eu onze, et six à élever, mais je crois que je n’ai jamais eu ta fibre parentale.

- Tu as des obligations mais tu es une bonne mère, Cendre, n’en doute pas.


 

Ce mois-là, Mélusine fêta son anniversaire.


Très peu de temps après, Alaric grandit à son tour. L’horloge tournait, impitoyable...


Alaric était heureux, entouré de sa mère, de ses frères et sœurs, et de Lucas qu’il considérait depuis longtemps comme son père. Ils formaient tous une belle famille mais elle n’était pas complète...


Quelqu’un manquait à l’appel, et il savait maintenant qu’il s’agissait de sa jumelle. Au moment où il avait soufflé ses bougies, il lui avait semblé entendre le rire d’Aliénor.

Elle aussi avait fêté son anniversaire et il ressentait qu’elle était aussi bien entourée que lui pour partager cet instant. Elle était heureuse et paraissait s’amuser.


 

C’est ce même soir que Cendre entreprit de demander à Lucas pourquoi il ne lui avait jamais dit qu’il était un Grand Maître.


- Je ne pouvais pas te le dire, Cendre...


- Si. Tu aurais pu me le dire. A maintes reprises.

- Vladislaus était mon ami...


- Ce n’est pas une excuse, ça ! Tu aurais pu me dire que tu étais un Grand Maître mais que, par égard pour cet idiot, tu ne voulais pas m’épouser ! Tu aurais pu le dire ! Juste la vérité !

- Tu n’aurais pas accepté... dit Lucas d’une voix douce.


- Et il y a plus que ce cela... La loi vampire défend un Grand Maître d’en trahir un autre. Cette loi ne devait pas être bafouée.

De toute façon, je doute sincèrement que tu accepterais mieux la situation si elle se reproduisait aujourd’hui.


- Et qu’en sais-tu ?

- Je te connais bien. Et puis, tu viens de penser si fort que j’avais raison... Il n’y avait pas d’autre solution, ma douce, je te le promets.


- Et bien maintenant, il y en a une !

- Il y en a une parce que tu as tué le Comte.

- Et tu m’en veux ?

- Non, mais mon ami est mort et j’en suis attristé.


- Comment peux-tu dire cela après de qu’il t’a fait subir ?

- Je lui en ai voulu. J’ai souhaité sa mort aussi...


- Mais aujourd’hui, je vais mieux et je lui ai pardonné. On ne peut pas rayer plusieurs siècles d’amitié ainsi. Et c’est moi qui l’ai trahi, ne l’oublie pas. Pas l’inverse.

- Peut-être mais tu ne méritais pas cela...


Lucas avait embrassé Cendre puis l’avait prié de l’excuser.

- J’ai quelque chose à faire.


Cette nuit-là, il était allé se recueillir sur la tombe du Comte Vladislaus Straud, le quatrième. Il avait fait la paix avec ses cinq années d’enfer, et ses cauchemars avaient presque disparu.

Il était temps de faire aussi la paix avec Vlad et d’avancer enfin.

- Repose en paix, mon ami, murmura-t-il.



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