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Chapitre 56 - Décisions

Cendre et la Vallée Oubliée


- Je vais prendre cette potion, celle qui permet de rajeunir mais n’empêche pas de vieillir, la potion de jeunesse. Je la prendrai toutes les fois qu’il le faut jusqu’à ce que nous mourrions ensemble.


- Ce que tu dis est très beau, Gabin, mais avant que je te la donne, je dois d’abord te dire quelque chose.


- Non ! Moi d’abord ! Je veux que tu fasses tes valises. On va quitter cette vallée maudite. Je vais t’emmener loin d’ici.


- Ce n’est pas possible, Gabin. C’est justement ce dont je voulais te parler. Je suis une servante et je vais là où va mon Maître.


- Bon sang, Louise ! Nous sommes au vingt-et-unième siècle ! C’est exactement pour ce genre de choses que je veux quitter cette ville. Fais tes bagages et dis au revoir au Duc Lestat.


- Je ne peux pas et lui n’y peut rien non plus. Cette marque sur mon bras n’est pas un tatouage ordinaire. Elle cache un sortilège que mon ancêtre Gwendoline a inscrit dans mes gênes. Je suis liée à mon Maître. Si je quitte mon service, j’en mourrai et, de toute façon, je ne le veux pas. C’est ainsi.


- Je n’ai pas envie de vivre dans cette vallée. Je vois notre vie ailleurs, Louise, pour nous et pour nos enfants.

- Oh Gabin...


- Tu sais combien je t’aime, n’est-ce pas ? mais ce sort... il touche aussi toute ma descendance. Je ne pourrai avoir qu’un seul enfant... une fille... et elle servira aussi le Duc Lestat.


Gabin posa la question mais il savait au fond de lui que Louise était très sérieuse :

- C’est une plaisanterie ? Notre seule et unique enfant devra servir un vampire pour le restant de ses jours ? Tu ne peux pas inverser le sort ?

- Non... Il est très complexe... Je ne sais pas comment faire... je suis désolée.


- Dans ce cas, on s’est tout dit. Je ne veux pas d’une telle vie. Ni pour ma femme, ni pour mon enfant. Je m’en irai seul.


Louise ravala quelques larmes :

- Je comprends..., se força-t-elle à dire en ne pleurant pas.


Elle le regarda s’en aller, le cœur lourd.

Elle n’avait jamais compris pourquoi ses ancêtres, y compris sa mère, avaient toujours choisi un inconnu pour être le père de leur enfant.


Maintenant, elle savait...


 

Jessie était arrivée à San Myshuno après un vol rapide et agité. Elle ne savait pas trop à quoi s’attendre mais elle voulait savoir.


Elle prit l’ascenseur et se retrouva sur le palier du douzième étage.

Après avoir jeté un rapide coup d’œil aux noms sur les boîtes aux lettres, elle frappa à la porte d’Arun Bheeda.


Un vieil homme aux cheveux gris vint lui ouvrir et laissa éclater sa surprise dans un murmure étouffé :

- Jesminder ?!...


- Vous me reconnaissez ? l’avait-elle interrogé. Vous savez qui je suis ?

- Vous ressemblez à une personne que j’ai très bien connue et dont je n’ai plus de nouvelles depuis bien longtemps.


- Si vous n’étiez pas aussi jeune, j’aurais presque pu croire que vous étiez elle.


- Vous êtes Arun Bheeda, n’est-ce pas ? Et vous avez un petit garçon qui s’appelle Charlie ? Je crois que je suis votre femme...


Le vieil homme resta un instant abasourdi par les propos de Jessie. Il la dévisagea longuement, en silence, avant de pouvoir reprendre la parole :

- Jesminder... C’est impossible que ce soit toi...


- Tu... enfin... ma femme a disparu depuis quarante quatre ans. Elle aurait mon âge, à présent.


- Puis-je entrer, s’il-vous-plaît ? Je dois vraiment vous parler.


Jessie ne cacha rien à Arun Bheeda. Elle lui annonça avoir été retenue dans la Vallée Oubliée dont les frontières étaient fermées jusqu’à maintenant.

Elle lui apprit aussi qu’elle avait demandé sa transformation quelques vingt-cinq ans plus tôt afin de pouvoir épouser un vampire avec qui elle avait eu un petit garçon prénommé Giuseppe.


Arun fixait encore sur elle un regard triste lorsqu’elle lui confia son amnésie totale sans en dévoiler la raison :

- Alors tu ne te souviens de rien ? Ni de moi ? Ni de notre fils ?


- Non, je regrette. J’ai retrouvé vos noms sur un document mais je n’ai aucun souvenir. Je pensais qu’en vous voyant, la mémoire me reviendrait mais ce n’est pas le cas.


- C’est triste... Nous étions heureux. Certes, nous n’étions pas bien riches mais nous nous aimions et nous avions Charlie. Il n’avait que trois ans lorsque tu as disparu. Il comptait tellement pour toi.


- Je suis tellement désolée, Arun... Je ne voulais faire de mal à personne, j’en suis sûre.


- J’ai été malheureux pendant un temps, c’est vrai, mais c’est du passé. Je me suis remarié avec une femme formidable et j’ai deux petites filles adorables.


Pour étayer ses propos, Arun lui montra quelques photos de sa famille, une famille heureuse à n’en pas douter.

- Je pense que je vais vous laisser. Merci de m’avoir reçue.

- J’essayerai d’expliquer tout cela à Charlie mais je ne sais pas s’il pourra comprendre. Il t’en veut beaucoup. La seule mère qu’il ait jamais connue était Eva.

- C’est naturel... Je comprends.


 

- Je ne m’attendais pas à ça...

- Et tu t’attendais à quoi ? Cela fait quatorze ans que je te croyais mort ?


- Je ne sais pas. Tu aurais pu ne pas être mariée...

- Je le suis et je suis très heureuse ainsi.


- En plus, tu es humain, à présent. Dans l’éventualité où j’aurais encore été célibataire, je ne suis pas sûre que j’aurais souhaité reprendre l’aventure avec toi.


- On m’avait dit que les mentalités avaient évolué mais j’ai l’impression que certaines coutumes ont la vie dure.


- Elles ont évolué. On ne tue plus les humains, on les chasse avec leur accord et certains d’entre eux donnent volontairement leur sang. Mais, si on croise de plus en plus de couples mixtes, je ne suis pas pour autant pour le mélange des espèces.


- Ne te fatigue pas, Armelle. Je ne suis pas venue te demander la charité. Je voulais juste savoir si je pouvais passer à autre chose. Je suis fixé et je te remercie. Toi et moi, ça n’a été que l’histoire d’une soirée, après tout.


- Oh... C’est tout ce que ça a été pour toi ?

- Oui. Je crois qu’on s’est tout dit. Au revoir, Armelle.


 

- C’est vraiment très étrange de voir son reflet dans un miroir... Je ne m’y habitue pas vraiment.

- Tu peux ainsi te rendre compte à quel point tu es jolie, même humaine.


- Merci mon amour, merci d’être toujours là pour moi.


- Tu sais ce qui me fait plaisir ?

- Non...

- Maintenant que les portes de la Vallée sont ouvertes et que ces monstrueux combats sont terminés, nous allons pouvoir nous marier.


- Ne pourrions-nous pas attendre encore un peu ? J’aimerais être vampire le jour de mon mariage.


- Enfin... si cela ne t’ennuie pas.

- Il y a quatorze ans que nous attendons. Crois-tu vraiment qu’un mois de plus ou de moins ferait la différence pour moi ?


- Isaure... j’ai cru te perdre. Tout ce qui m’importe est que tu sois en vie à mes côtés. Nous attendrons pour nous marier. Il n’y a aucune urgence.


- Merci. Ça compte énormément pour moi. Ma nature véritable n’est pas humaine et j’aurais eu l’impression que notre mariage commençait sur de mauvaises bases.

- Je t’avouerai que je préfère aussi épouser une vampire.


 

- Il me tarde de connaître Riverview. Depuis le temps que tu m’en parles !

- Tu accepterais d’y venir avec moi après la transformation des enfants ?


- Bien sûr. J’ai quelques affaires à mettre en ordre et ensuite, je te suivrai au bout du monde si tu le désires.

- Je ne t’en demande pas tant. Riverview n’est qu’à trois heures de vol de la Vallée Oubliée.

- Parfait, je vais lustrer mes ailes.


- Si tu savais à quel point je suis heureux. On en a fait du chemin depuis ce jour où je t’avais promis de t’y emmener.


- C’est vrai. Et je te réserve une surprise pour cette occasion puisque je pourrai profiter du soleil, tout comme toi.

- Je savais déjà ce que tu mijotais ! Je l’ai lu dans tes pensées il y a plusieurs jours déjà.

- Tricheur, va !


La conversation des deux Grands Maîtres fut interrompue par l’arrivée de Mélusine et de Ladislas qui avait revêtu sa plus belle tenue.


- Tu as vu ça ? Mélusine porte sa robe d’apparat. Tu penses à ce que je pense ?

- Oh oui.

- Le temps passe tellement vite, mon chéri, malgré notre vie éternelle.


Ladislas prit la parole d’une voix timide alors que Mélusine restait en retrait derrière lui.

- Maître, Maîtresse, je me présente à vous aujourd’hui car j’ai une requête de la plus haute importance.

- Nous vous écoutons, Monsieur Baillol. Approchez, voulez-vous.


- Maîtresse, je vous demande de me faire l’honneur de m’accorder la main de votre fille, Mélusine Valrose.


- Eh bien ! Si je m’attendais !

- Je vous promets de prendre soin de votre fille et de la chérir de tout mon être. Acceptez-vous mon humble demande ?

- Oui... oui, je l’accepte. Et tu as effectivement intérêt de prendre soin d’elle, même si je ne me fais aucun souci pour Mélusine.


Ladislas alla ensuite renouveler sa demande auprès du Duc Lestat ainsi que le lui avait conseillé Mélusine. Elle se marierait à la seule condition que ses deux parents soient d’accord et Lucas accepta de bon cœur.


- Merci Maître, dit-il en soupirant intérieurement de soulagement.

- Je crois qu’il est de bon ton de vous souhaiter la bienvenue dans le clan Valrose, dans ce cas, s’exclama Cendre.


Lucas se chargea lui aussi de mettre en garde le jeune homme et laissa Mélusine faire déborder sa joie dans les bras de sa mère.

Quant à Ladislas, il se dit qu’il venait de passer l’épreuve la plus dure et qu’il ne s’en était pas trop mal tiré.


Il fut cependant convenu qu’étant donné qu’Isaure attendait depuis quatorze ans de se marier, son mariage serait célébré avant celui de Mélusine.


 

- Alors ? Cette visite ?


- Je laisse tomber. Je ne veux pas retrouver mes souvenirs, tu es content ?

- Ne dis pas cela... même si tu es contrariée. Que s’est-il passé ?


- Ils sont heureux, voilà ce qui s’est passé. Ils sont heureux sans moi et moi, je suis heureuse avec toi et notre fils. Tu avais raison. Je me suis fait l’effet d’être une tornade dans leur vie tranquille, et je préfère disparaître et les laisser vivre en paix.


- Tu es sûre de ne pas le regretter plus tard ?

- J’en suis certaine. Je suis déjà malheureuse ainsi, alors imagine si mes souvenirs remontaient à la surface...


- Et puis je t’aime. Tu es le seul que j’ai jamais aimé. Je ne veux pas que les choses changent.


- Moi non plus. Je reconnais que je n’ai pas non plus envie de les voir changer. On n’en parle plus ?

- On n’en parle plus.


 

Toute la fratrie Valrose ou presque, puisque Gabin manquait à l’appel, était réunie autour de Cendre et Lucas dans la salle de combat.


A la droite de Cendre se trouvaient ceux de ses enfants qui attendaient un transformation. Ils étaient vêtus de leurs tenues de combat, celles-là même qui avaient vu leur chute et allaient les voir réintégrer la communauté vampire.


A la gauche de Lucas Lestat, étaient assis les humains qui souhaitaient s’abreuver d’une potion de jeunesse. Aliénor et Ladislas étaient les seuls volontaires.


Face à eux, les cinq autres filles de Cendre, ainsi que Francis et Ulysse Caron, étaient là pour assister à une cérémonie qui allait, sans nul doute, sortir de l’ordinaire.


Louise avait d’abord déposé un verre sur la table, rempli d’une décoction verte, puis elle avait prononcé d’énigmatiques incantations et un cercle magique était apparu sur la table, aussi vert que la potion.


Elle avait procédé de même au centre du cercle de combat, initiant ainsi les préparatifs de la transformation.


Cendre avait ensuite dû se rendre au centre du cercle, consciente de devoir respecter toutes les étapes du processus si elle tenait à transformer ses enfants.


Louise s’était alors approchée et avait repris ses incantations, armée de sa baguette magique.


Cendre fut submergée par une aura étincelante qui la toucha droit au cœur.


Un nouveau cercle lumineux enveloppa la Grande Maîtresse qui ne bougeait pas et espérait secrètement que Louise savait ce qu’elle faisait.


Puis, tout s’arrêta.

- Tu m’avais caché que ce serait aussi éprouvant, Louise.

- Il faut boire la potion à présent, Maîtresse. Le temps est compté.


- Bien sûr, j’y vais tout de suite.


- Tu me garantis que ça va fonctionner, Louise ?

- Je vous le garantis.


Cendre se saisit du verre et avala l’élixir d’une seule traite.


Louise se tourna vers elle pour lui donner les dernières consignes :

- N’oubliez pas de rester au centre du cercle. Vous avez deux heures pour tous les transformer. Ensuite la magie n’opèrera plus et le rituel sera entièrement à refaire.

- Ce sera largement suffisant, ne t’inquiète pas.


- Je vais chercher les potions de jeunesse et celles dont nous avons parlé. Je vous rejoins dans deux heures.

- Parfait, Louise. Merci.


Cendre avait commencé par la transformation de Samuel et elle constata avec plaisir qu’Isaure et Alaric semblaient attendre leur tour avec impatience.


Samuel était son fils aîné. Elle considérait donc naturel de lui redonner la vie avant sa sœur et ses frères.


- Merci, Mère. C’est le plus beau jour de ma vie.


- Le mien aussi, lui souffla Cendre, émue. Je suis en train de vous mettre au monde une seconde fois.


Samuel s’abreuva ensuite au poignet de sa mère. Il était temps pour lui de reprendre sa place parmi les siens...


... et le processus de transformation commença...


Cendre fit de même avec Isaure, puis Alaric.


Vint alors le tour de Geoffroy :

- Tu es sûr de ce que tu veux, mon garçon ? lui avait-elle demandé.

Geoffroy avait répondu par l’affirmative. Il n’avait aucun doute. Cendre avait donc commencé par l’hypnotiser.


- Je crois que toute ma vie, j’ai souhaité être un vampire.

- Ton souhait sera réalisé d’ici trois jours.

- Je dois boire votre sang ?

- Oui.


- C’était...

- Je sais. Le sang fait toujours cet effet-là aux humains.


Et le processus de transformation s’enclencha aussi pour Geoffroy.


- Je suis aussi heureux que Samuel, Mère. Je peux vous appeler Mère ?

- Bien sûr, répondit Cendre dont le cœur de Maman s’émut à la demande de son plus jeune fils.


 

Tandis que Cendre s’employait à donner un nouveau souffle à ses enfants, Louise s’était dirigée vers la cuisine pour ramener les potions de jeunesse dans la salle de combat. Gabin arriva à ce moment-là dans le vestibule :

- Louise, l’appela-t-il.


La jeune femme se figea et son cœur se mit à battre à tout rompre dans sa poitrine. Gabin n’avait donc pas quitté la Vallée Oubliée...


- Je n’ai pas pu partir sans toi. Je t’aime trop pour poursuivre ma route sans que tu sois à mes côtés.


- Et mon statut de servante ? Et mon futur enfant si nous en avons un ? Mon destin est scellé. Nous ne pouvons rien contre.


Gabin l’avait serrée dans ses bras :

- J’ai réalisé que je me fichais bien de tout ça.


- Si nous ne pouvons pas être ensemble, autant que je redevienne vampire.

- Ne dis pas de sottises.


- Tu vas boire la potion de jeunesse ?

- Oui. Je veux vieillir avec toi.


- Alors cours rejoindre les autres. Notre Maîtresse devrait avoir terminé à l’heure qu’il est. Je vais chercher les potions.


 

Cendre venait d’achever le rituel de transformation de Geoffroy lorsque Gabin entra dans la salle de combat.

- Je vous prie de m’excuser, Mère. J’ai eu un petit contretemps.

- Assieds-toi donc.


Louise déposa sur la table trois sortes de potions. Les deux premières se ressemblaient quant à leurs effets avec quelques différences non négligeables cependant puisque la première empêchait instantanément et éternellement le vieillissement alors que la seconde rajeunissait un humain tout en lui permettant de poursuivre son vieillissement.

La troisième potion était destinée aux vampires et leur assurait une protection définitive contre les rayons du soleil.


Lorsqu’elle était arrivée dans la salle, le cercle avait disparu sur le sol et Louise avait ensorcelé un par un les verres contenant les philtres de résistance à la lumière du jour, afin de leur ajouter une propriété supplémentaire.


Cendre fut la première à s’approcher de la table dans l’intention de boire le breuvage additionné de cette « pincée de je ne sais quoi » qui permettrait aux vampires se fondre dans la masse des humains en étant insensible à l’ail et en mangeant leur nourriture sans être malade.


Cendre, Mélusine et Ulysse burent l’élixir préparé par Louise, qui se révéla être moins délectable que ce qu’il présentait, puis retournèrent s’asseoir pour faire place aux humains.


Gabin avala la potion de jeunesse sous l’œil attendri et bienveillant de Louise qui mesurait à quel point son sacrifice était grand.


Aliénor choisit, elle aussi, la potion de jeunesse.


Ladislas, quant à lui, opta pour une solution définitive en se saisissant du flacon contenant la potion d’âge éternel.

Mélusine le regarda avec émotion, admirant le courage de cet homme qu’elle aimait tant et qui, pour elle, renonçait à vieillir un jour.


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