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  • Photo du rédacteurNathalie986

G2/ Chapitre 11 : La relève


Ce jour-là, je récoltai, pour la première fois, du miel dans notre ruche. J’étais en pleine forme. Avec le deuxième trimestre de ma grossesse, toutes les nausées s’étaient envolées et je me sentais beaucoup mieux.


Maman s’était remise à tricoter de plus belle, pour faire une grenouillère au bébé à venir.

- Tu sais si c’est un garçon ou une fille ?

- Je ne sais pas, mon chéri. Louis et Juliane veulent avoir la surprise.


Malgré ma grossesse, et au grand dam de Louis, je continuais à me rendre à Evergreen Harbor pour fouiller la benne de Port Promise. Il tenait absolument à m’accompagner, au cas où je tomberai dedans, et que je n’arriverais pas à en ressortir.

- Laisse-moi y aller à ta place.

- Je préfère le faire moi-même. J’ai plus l’habitude.

- Mais tu as vu la gymnastique que tu es obligée de faire, dans ton état...


Il n’avait pas tort. Je me rendais bien compte que ça devenait de plus en plus compliqué, mais tant que je pourrais le faire, je le ferai. Malgré tout, j’appréciais beaucoup la façon dont Louis prenait soin de moi.


Notre petite vie à quatre s’organisait bien, et Louis avait définitivement conquis mes parents, tout comme il était conquis par leur gentillesse.


Chaque soir, nous avions pris l’habitude de nous retrouver pour partager une partie de cartes. Nous étions une vraie famille.


Ce matin-là, Papa et moi travaillions au jardin. Il faisait très beau, et encore très chaud. Il m’avait fait un beau sourire, en me disant que la grossesse m’allait à ravir, puis il s’était dirigé vers le verger pour s’occuper des ananas.


Lorsque j’arrivai à sa hauteur, je le découvris, allongé entre les arbres.


Personne ne se rendit compte de rien. Maman tricotait à l’intérieur.


Et Louis avait joyeusement fertilisé le buisson.


J’étais donc toute seule, lorsque la Faucheuse approcha pour prendre l’âme de Papa.


 

Maman ne se remettait pas de sa mort. Elle erra, comme une âme en peine, pendant des jours, et ne cessait de pleurer.


Un jour, elle s’arrêta, mais elle passait son temps, assise près de la tombe de mon père, si triste que je ne savais plus quoi faire pour la soulager. Elle m’inquiétait beaucoup.


C’est Louis qui me conseilla de lui donner un de ces remèdes contre la tristesse, que je vendais si bien à mes clients. Je ne sais même pas pourquoi je n’y avais pas pensé avant.

Il avait fallu que j’en refasse, car je n’en avais plus en stock.


Louis évacuait sa peine dans la musique, certes tristounette, en ces temps de deuil, et je me rendis compte que fabriquer mes onguents, était un bon exutoire à mon chagrin. Je décidais de fabriquer un remède pour chacun d’entre nous.


Louis et moi appliquâmes la pommade, mais Maman refusait de s’en servir. Elle disait qu’elle ne voulait pas oublier Papa. Alors, je revenais à la charge, régulièrement, pour qu’elle entende raison.

- Tune l’oublieras pas. Je ne l’ai pas oublié, moi, et pourtant, j’ai pris le remède. Ton chagrin sera toujours là, mais cela te permettra de te sentir mieux. Maman... s’il-te- plait... Fais-le pour moi.


Elle finit par m’écouter, se saisit de l’onguent et l’étala sur son bras.


Quelques jours plus tard, et après une nouvelle application, elle laissa Papa s’en aller.


Deux mois et demi plus tard, la vie dans notre maisonnée, reprit un cours normal. Papa nous manquait, bien sûr, mais nous arrivions à faire face.

J’étais à mon huitième mois de grossesse, et j’étais toujours en forme.


Maman aussi, allait beaucoup mieux. Elle s’était remise à tricoter et ne parlait que de son futur petit-enfant. Je crois que c’est cela qui la faisait tenir.

- Qu’est-ce que tu fais, ma chérie ?

- Je me lance dans les conserves. Louis m’a donné les vieilles recettes de sa grand-mère.

- Oh, mais c’est une très bonne idée !


- Oui, dans sa famille, ils préparaient toujours des conserves en prévision d’hivers trop rigoureux. Ça nous évitera de galérer, si plus rien ne sort de terre, cet hiver.


Le lendemain, Maman vint m’offrir les grenouillères qu’elle avait finalement achevées. Elle en avait fait deux : une rose et une bleue. Elle avait envisagé toutes les solutions.

J’étais tellement heureuse de la voir retrouver le sourire.


- Tu sais ce qui allège ma peine ? me demanda-t-elle sans vraiment attendre de réponse, ton père est parti au milieu de son jardin. Il aimait tellement son jardin. Je suis sûre qu’il est heureux, là où il est.


- J’en suis certaine, Maman.


 

Louis et moi avions décidé d’emmener Maman camper, quelques jours, à Granite Falls, avec nous. Le temps s’y prêtait, et nous avions tous besoin de changer un peu d’air.


Sa rencontre avec Sophie, mon amie l’ermite, lui fut très bénéfique.


Elle resta avec elle, de longues heures, à l’écouter parler du bienfait des plantes, et de leur pouvoir guérisseur, pendant que Louis pêchait et que j’allais à la chasse aux scarabées.


Cet été-là, j’avais initié Louis à pister et attraper les insectes.


Il fut un peu réticent, au début, préférant se tenir à distance raisonnable de ces petites bêtes inoffensives, mais, petit à petit, il s’approcha et observa avec grand intérêt, la façon dont je m’y prenais.


A la fin de notre séjour, il finit, lui aussi par se prendre au jeu, et captura avec succès, quelques magnifiques lucioles.


 

Quelques jours après notre retour à la maison, Louis fêta ses quarante ans. Maman avait tenu à préparer, elle-même, le gâteau pour cette occasion.


La semaine prochaine, ce serait à moi de souffler mes bougies, et j’espérais de tout cœur que notre bébé vienne au monde, avant cela.


Maman s’était mise dans la tête de m’apprendre à tricoter. Je n’osais pas le lui dire, pour ne pas la froisser, alors que je savais que cela la rendait heureuse, mais je n’étais pas du tout passionnée par cette discipline manuelle. Je préférais, de loin, le point de croix.


Heureusement, ce jour-là, j’échappai à son cours, car un petit être décida que le moment était venu, de pointer le bout de son nez.


Je mis au monde une petite fille que nous appelâmes Phoebe.


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