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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 29 - Lorsque le sort s'en mêle

Cendre et la Vallée Oubliée


La vie dans la crypte n’était pas toujours facile. Cendre veillait à ce que les enfants fassent scrupuleusement les devoirs que Jessie leur donnait.

Clotaire finissait souvent les siens avant Blanche et s’empressait d’aller très vite jouer aux échecs. Cendre sentait que c’était un petit génie en herbe.

Quant à Isaure et Samuel, ils trouvaient toujours le moyen de se chamailler lorsqu’ils révisaient leurs cours de coutumes vampiriques. La jeune fille pensait que certaines traditions mériteraient d’être assouplies et elle s’évertuait, chaque fois sans succès, à vouloir convaincre son frère.

Alaric, lui, était encore bien trop jeune pour avoir des devoirs et il passait son temps à regarder les photos accrochées au mur.


Il le faisait très souvent et, lorsque Cendre lui en demandait la raison, il répondait invariablement, dans son langage babilleur : « Il manque quelque chose ».

Elle avait bien essayé de comprendre ce que ses petites paroles signifiaient mais le bambin ne savait pas l’expliquer.


Alaric était un petit garçonnet très pénible et enclin aux caprices, qui réclamait une attention de tous les instants, encore plus que Blanche au même âge, et de manière différente.


Il n’était jamais satisfait et piquait des crises pour obtenir ce qu’il voulait. Cendre mettait parfois de très longues minutes à le calmer, pour ne pas parler d’heures, mais elle se refusait à en faire un enfant gâté.


Isaure elle-même, qui était pourtant un modèle de patience, commençait à voir son calme légendaire sérieusement entamé face à ce petit bonhomme et son caractère de cochon.


Samuel, lui, attendait que la crise passe et que son petit frère cesse de lui casser les oreilles.


Et lorsqu’il se calmait, il avait toujours des mots très justes à lui adresser :

- Tu vois, Alaric, tu viens de dépenser inutilement de l’énergie à me casser les pieds alors que tu aurais pu passer ce temps-là à jouer avec Clotaire. Et tu n’as rien gagné. »


Il n’y avait réellement que lorsqu’il jouait avec Clotaire que Cendre sentait son plus jeune fils apaisé, ou encore lorsqu’elle leur lisait une histoire à tous les deux.


Blanche, elle, aimait toujours passer du temps auprès de sa maman, surtout lorsqu’elles se faisaient plein de câlins, mais, en grandissant, elle devenait tout de même moins « pot de colle ».


Blanche passait à présent beaucoup de temps sur sa table d’activité à dessiner ou à découper et faire de jolis collages.

Mais elle aimait aussi regarder sa mère méditer. Elle espérait faire comme elle plus tard : décoller ses pieds du sol et se transformer en chauve-souris pour aller voler. Ça devait être vraiment cool d’être vampire !


Ce qu’elle appréciait également, c’était de faire ses devoirs dans la chambre d’Isaure, avec Clotaire. Ils étaient bien tous les trois sans Samuel pour jouer les rabats-joies et Alaric pour faire des caprices.

La chambre de sa grande sœur était calme et elle y travaillait beaucoup mieux que dans le grand salon.


Samuel, lui, aspirait aussi à la tranquillité et s’enfermait, dans ces moments-là, dans sa propre chambre pour y étudier sous l’œil bienveillant des photos de sa sœur.


Le lendemain de sa visite à Louise, Cendre avait convié son vieil ami Timothée Renard, le Vidame de Montsimpa, à un rendez-vous amical dans la crypte.

Après l’avoir chaleureusement accueilli, elle lui demanda abruptement ce qui s’était passé le jour où le Comte et lui avaient trouvé Lestat près de son corps blessé, dans les catacombes. Mais la question se retourna contre elle :

- Comment pouvez-vous être au courant, Cendre ? Seuls le Comte et moi-même étions présents et nous n’avons parlé de ce moment à personne.


Cendre se sentit prise en défaut mais elle s’était déjà trahie envers le Comte en lui demandant s’il savait où était le Duc... Alors, un peu plus, un peu moins... Peu importait... Sa peine était trop grande et elle voulait savoir. Savoir ce qui était arrivé, elle n’aspirait qu’à cela. L’ignorance la tuait à petit feu.

- C’est Lestat qui me l’a dit.

- Evidemment... Ce ne pouvait être que lui...


Il n’y avait aucun reproche dans la voix du Vidame, ni même dans son regard. Il avait juste compris.

- Alors, que s’est-il passé ? Je vous implore de me le dire.

- J’ai fait une promesse au Comte, ce jour-là. Je lui ai promis de n’avoir rien vu...


- Je vous en prie, Timothée, ne me faites pas cela... Je sais votre amitié avec Vladislaus mais je mourrais de rester dans la méconnaissance de ce qui a touché le Duc. Il était aussi votre ami.

- Je ne l’oublie pas et, devant votre déclaration, je vais faire une entorse à ma promesse. En mémoire de Lestat.


Le Vidame lui avait alors confié ce qui s’était passé : le Comte, humilié de découvrir la situation, trahi par son ami et sa future Grande Maîtresse, et tout cela sous les yeux d’un témoin.

Dans toute sa noblesse, il ne voulut aucun scandale, le plus urgent pour lui étant de sauver la Vallée.

- Cela a toujours été sa priorité..., avait dit Cendre. Ce serait donc pour cette seule raison qu’il ne m’en a jamais parlé ?


- J’ai eu une occasion de reparler de cet « incident » une très brève fois avec le Comte. Il m’a avoué avoir fait mine de rien pour vous laisser le champ libre. Puisque vos agissements étaient discrets au point qu’il ne s’en soit pas aperçu, cela l’a conforté dans l’idée que, vous aussi, vouliez sauver la Vallée. Si, au contraire, vous vous étiez dévoilés en plein jour, il aurait douté de votre loyauté et n’aurait pas pris de gants.

Cendre repensa à Lucas qui était parti, cette nuit-là, pour tout lui dévoiler...

- En somme, depuis cet épisode dans les catacombes, il joue les aveugles... C’est pour ça qu’il ne veut pas m’en parler franchement.

- Et il ne vous dira rien. Son honneur serait bien trop Sali s’il savait que vous savez...

- Oh mais il le sait maintenant ! Et vous, Timothée ? Savez-vous où est Lestat ?


- Non... Mais j’imagine que le Comte s’est débarrassé de lui... Cela fait plus de cinq ans que l’on a pas vu le Duc et, sincèrement, je n’ai plus jamais entretenu Vladislaus sur son sujet, même si je pleure mon ami en silence. Je n’ai rien vu, rappelez-vous... Nous sommes ici dans sa contrée.

- Je m’en souviendrai, ne vous tourmentez point.


Au moment où il prit congé, Cendre remercia le Vidame pour son honnêteté envers elle.

- Il était votre Unique, n’est-ce-pas ?

- Oui... il l’était...


 

Le jour d’après, Cendre avait réuni ses enfants dans la crypte qui leur était dédiée. Les travaux avaient été achevés quelques heures plus tôt et elle souhaitait leur faire découvrir le résultat sans plus tarder.


Ils étaient tous ravis de pénétrer en ces lieux qui deviendraient les leurs et Blanche montra la première son enthousiasme :

- Maman, c’est trop chouette ! Je pourrai choisir mon cercueil ?


Samuel et Isaure, eux, avaient déjà pris possession de l’endroit et prévu de passer la nuit journée dans leurs propres cercueils.

- Ça va être formidable !


Cendre expliqua à Blanche que les cercueils seraient choisis en suivant le droit d’aînesse et la petite fille proposa tout de suite de laisser sa place à Clotaire « au cas où il aurait déjà repéré son cercueil » car elle ne savait pas encore lequel lui plaisait le plus.

Mais Clotaire n’était pas non plus pressé, et tous actèrent qu’ils décideraient plus tard.


Ce jour-là, Samuel et Isaure avaient endossé leurs pyjamas pour passer une partie de la journée dans leurs cercueils respectifs.

- Tu en fais une drôle de tête, Samuel...

- Je respire l’endroit. Ne sens-tu pas comme on y est bien ?


- Bien sûr que si ! Je sens que je vais passer la meilleure nuit journée de ma vie et dormir d’un sommeil de plomb.

- Alors tu vois ! Nos traditions ne sont pas complètement dérisoires !


- Attends une seconde, je n’ai jamais dit qu’elles étaient dérisoires ! Je trouve juste que certaines d’entre elles mériteraient d’être améliorées, c’est tout. Notamment en ce qui concerne cette tradition de la descendance.

Samuel ne releva pas.

- J’adore quand tu défends ton point de vue ! On va se coucher, maintenant ?


Sans grande surprise, Samuel avait choisi le cercueil qui trônait au milieu de la crypte, et Isaure s’était installée à côté de lui.

- Bonne nuit, Isaure.

- Bonne nuit, Samuel.


Elle le regarda se coucher le premier. Il était tellement sûr de lui, il ne redoutait rien. Elle savait que sa journée serait paisible avec son frère à ses côtés.


Isaure éteignit alors les lumières et prit place à son tour dans son cercueil, rassurée d’avoir Samuel auprès d’elle.


Le sommeil vampirique enveloppa alors les jumeaux, un sommeil régénérant et entier, comme ils n’en avaient jamais connu jusque-là.


 

Au même moment, dans la chapelle, Jessie ouvrit la porta à Louise qui semblait dans l’urgence de s’entretenir avec Madame Valrose.


Louise affichait un air grave.

- Puis-je vous parler en privé ?

- Bien sûr. J’étais sur le point de te rendre visite, justement.


Cendre se voulut assurée mais elle se liquéfia de l’intérieur et sentit l’angoisse envahir ses entrailles. Elle savait que Louise venait pour lui donner des informations sur Lucas et elle doutait que les nouvelles fussent bonnes...


Elle avait conduit la jeune femme jusqu’à sa crypte puis avait fermé la porte à double tour afin de s’assurer qu’on ne vienne pas les déranger.

Louise avait la mine défaite.

- Ce que j’ai à vous dire est très délicat, Cendre. J’admets que je ne sais pas du tout par où commencer...

- Par le début. Tu es venue pour me parler de Lucas, n’est-ce-pas ?


- Oui... et je crains qu’après vous avoir révélé ce que j’ai fait, vous ne vouliez me tuer...


- Dis-moi tout ce que tu sais, et tout de suite ! Sinon, c’est maintenant que je risque de te tuer ! Qu’as-tu fait à Lucas ?


- Il m’a appelée un soir... et m’a demandé de le retrouver chez le Comte Straud..


Le Comte lui-même m’a ouvert la porte et m’a priée de le suivre.


Il m’a conduite jusqu’à un sous-sol où mon Maître m’attendait. Il était assis au milieu d’une grande pièce pleine de cercueils où un orgue trônait. Le Comte nous a alors laissé seuls.

- Je vois très bien de quelle pièce il s’agit...


- Mon Maître m’a remerciée d’être venue aussi rapidement puis il m’a ordonné de lui jeter un sort afin que ses pensées ne soient plus détectables par vous. Et il exigea que ce soit fait tout de suite.


- Tu es en train de me dire que c’est Lucas qui a souhaité que je ne sache pas où il était ?

- Oui, mais c’est plus compliqué que cela.


Mon Maître a dû sentir que son ordre m’avait bouleversée car il m’a demandé de lui faire confiance, que c’était pour le bien de tous, même si cela me paraissait bien incompréhensible pour le moment.


- J’ai fait une grosse erreur, Louise, et je dois la réparer mais tu dois me promettre que jamais Cendre ne saura ce qui s’est passé ici cette nuit.

- Je vous le promets, Maître.

Que pouvais-je dire d’autre ? Il stipula aussi que le Comte assisterait au lancement du sort.


Le Comte est arrivé quelques minutes après et s’est assuré auprès de mon Maître que j’avais bien compris ce qu’il fallait faire, puis mon Maître me fit signe de commencer.


J’ai demandé au Comte de s’éloigner pour éviter qu’il ne soit touché par le sort puis j’ai officié sur mon Maître.


Lorsque j’eus terminé, le Comte ne jugea plus ma présence utile.

- Je crois que votre servante peut se retirer à présent, Monsieur le Duc. La suite va se dérouler entre vous et moi. Mais n’oubliez pas que si votre servante nous trahit, je la tuerai sur le champ.

Mon Maître assura le Comte de ma loyauté puis me demanda de quitter le manoir.


...mais je ne suis pas partie. Je sais que j’ai désobéi mais je sentais qu’il se tramait quelque chose. Alors, je me suis enveloppée d’un voile de protection magique afin qu’ils ne devinent plus ma présence et je suis restée en haut des escaliers à les écouter.


- Finissons-en, Vladislaus. Les adieux les plus courts sont les meilleurs.

- Vous devez l’aimer infiniment pour accepter d’être ainsi enterré vivant pour l’éternité.

- Vous connaissez la réponse, mon ami.




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