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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 40 - Samuel vs Isaure

Cendre et la Vallée Oubliée


Samuel et Isaure se réfugièrent une partie de la nuit dans la salle de classe où ils avaient passé beaucoup d’heures à écouter Jessie.


Aujourd’hui, ils étaient adultes et c’en était fini de leur insouciance. Ils se combattraient la nuit suivante et l’un d’eux n’y survivrait pas.


Alors ils se rappelèrent tous ces merveilleux moments qu’ils avaient passés ensemble, des moments qui n’avaient pas de prix.


- On s’aimait déjà si fort lorsqu’on était bambins, tu te rappelles, Isaure ? On ne se quittait pas.


- C’est vrai et qu’est-ce que tu m’impressionnais ! Tu faisais toujours des bêtises et moi, je n’osais pas.


- Toi, tu étais toute sage, même lorsqu’on s’amusait avec Mère.


- Sauf quand tu m’entraînais à faire aussi des bêtises, ne l’oublie pas !


- Certaines fois, tu te débrouillais toute seule. Rappelle-toi lorsque tu as interrompu le mariage de Jessie.


- Et puis, un jour, Maman est partie au combat. J’avais tellement peur et tu me rassurais en disant qu’elle était la plus forte.

- Je le dis toujours.


- Tu me rassurais, sauf lorsque je n’étais pas d’accord avec toi.


- Ça n’a jamais duré. On s’aime trop, Isaure.


- Nous avons bien grandi depuis...

- Nous sommes toujours les mêmes.


Isaure s’était alors effondrée, en larmes, dans les bras de son frère mais celui-ci ne pouvait plus la rassurer. Sa peine était aussi grande que la sienne cette fois... et il ne put que partager sa douleur en silence.


Cendre aussi cherchait du réconfort auprès de Lucas car elle n’arrivait pas à réaliser qu’elle allait être séparée de l’un de ses enfants.


Son chagrin ne cesserait donc jamais... Cette maudite tradition lui enlevait ses petits, les uns après les autres.


Samuel et Isaure décidèrent de se séparer. Ils s’étaient dit tout ce qu’il y avait à dire et ils en arrivèrent à la conclusion qu’ils seraient mieux pour eux de ne plus se voir jusqu’au combat qui les opposerait.


Le reste de la fratrie, abattue par un ultimatum qui était très proche, se réunit dans la chambre de Clovis.


Mais tous n’étaient pas affectés de la même façon ; la petite Mélusine déclara qu’elle aurait bien aimé être à la place de Samuel ou d’Isaure.

- Non mais je rêve ! s’exclama Alaric.


Clotaire essaya de calmer l’ambiance, déjà suffisamment électrique, avant que Blanche n’en rajoute :

- Pourquoi dis-tu cela ?

- Parce que je veux me battre. Nous sommes nés pour cela, non ?

- Elle devrait aller dans sa chambre. Sa place n’est pas avec nous, ce soir, s’énerva une nouvelle Alaric.

- Clotaire ! Dis quelque chose ! Tu sais que j’ai raison, se défendit Mélusine.

Blanche était complètement éberluée par les propos de sa jeune sœur.


- Supposons que tu n’aies pas tout à fait tort ? Quelle importance ?

- Je veux gagner ! Je battrai Alaric et je serai la plus forte !

Mélusine toisa son frère aîné...


... qui lui répondit, avec un sourire :

- Ça, c’est encore à voir, petite chose !


- Mélusine, arrête de divaguer, s’il te plait. Tu ne peux pas savoir à l’avance si tu seras gagnante ou perdante, lui dit gentiment Clotaire pour la remettre à sa place.

- Je serai plus forte que vous tous, je le sais. Parce que j’ai envie de vous battre. Et l’héritière, ce sera moi et moi toute seule !


- Ah et puis, au fait ! Je compte bien assister au combat de Samuel et Isaure !

- Elle me désespère, soupira Alaric.


- Pas tant que moi ! intervint Blanche. Alors, soit elle quitte cette pièce, soit c’est moi qui m’en vais.


Blanche n’eut pas à quitter la pièce. Mélusine se rendit directement dans la chambre de sa mère avec la ferme intention de lui exposer ce qu’elle voulait.

Evidemment, son enthousiasme débordant lui avait fait oublier de frapper à la porte et, Lucas et Cendre lui firent immédiatement part de leur mécontentement.


- Je suis désolée, Mère, mais ce que j’ai à vous dire est de la plus haute importance.

- Est-ce une raison pour négliger la plus élémentaire des politesses ? Que veux-tu ?


Mélusine prit place sur un tabouret.

- Je veux voir le combat.

- Rien que ça ?! s’étonna Cendre. Sache que tu n’as rien à vouloir. Tu demandes ou tu aimerais, mais je veux, lorsque tu t’adresses à moi, n’est pas envisageable.


La fillette s’excusa puis s’ensuivit une longue conversation au cours de laquelle Lucas n’intervint tout d’abord pas. Cendre expliqua à sa fille qu’elle n’avait pas l’âge requis et Mélusine leva les yeux au ciel à plusieurs reprises.


La fillette se tourna alors vers Lucas :

- Père, je vous en supplie. Vous savez que cela fait longtemps que je m’intéresse à nos coutumes !

- C’est vrai, mais je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée que tu assistes à ce combat.


- Mère ! Je vous promets que toutes nos traditions me passionnent ! Je veux juste voir un combat de plus près pour en avoir une meilleure vision. Et puis, j’aimerais être à égalité avec mes frères et sœurs qui, eux, pourront observer de près les techniques de combat de nos aînés.


Mélusine avait touché une corde sensible chez Cendre qui n’avait jamais fait de différence entre ses enfants, et elle ne souhaitait pas que Mélusine ressente un sentiment d’injustice par rapport à ses frères et sœur.

- Très bien, je suis d’accord. Tu assisteras au combat.

- Oh merci, Mère !


- Mais attention ! rajouta Lucas. Tu resteras à ta place sans mot dire. J’y veillerai personnellement.

- Ne vous inquiétez pas, Père. Je ne vous décevrai pas, Mère et vous.


- C’est promis ! ajouta-t-elle en s’éloignant, tout heureuse.


Lucas se rapprocha de Cendre après le départ de Mélusine.

- Qu’y a-t-il, Lucas ? Tu sembles soucieux.

- Je pense que le combat de Samuel et Isaure pourrait être un déclencheur pour Mélusine et je ne suis pas du tout serein.


- Qu’est-ce que tu entends par là ? Un déclencheur à quoi ?

- A une certaine forme sous-jacente de violence... Mélusine est fascinée par ce qui peut faire mal et j’ai peur que les combats n’éveillent en elle quelque chose d’insoupçonné jusqu’à maintenant.


- Tu t’inquiètes beaucoup trop, mon amour. Rappelle-toi qu’un jour, c’est moi qui aie eu des inquiétudes par rapport à Samuel et c’est toi qui m’as rassurée. Il a grandi et s’est adouci finalement. Mélusine n’est qu’une petite fille, et c’est peut-être l’occasion de lui démontrer qu’on a confiance en elle.


 

Cette nuit-là, nuit qui précéda celle du combat le confrontant à sa sœur, Samuel donna rendez-vous à Armelle près de la cascade.


Isaure choisit le promontoire pour rencontrer Ulysse.


C’était une nuit de pleine lune, une merveilleuse nuit étoilée.


La nuit où Samuel arracha à Armelle la promesse qu’elle serait heureuse, quoiqu’il arrive.


La nuit où Isaure reçut son premier baiser.


La nuit où Samuel promit à Armelle d’être toujours là pour elle s’il sortait vainqueur du combat.


La nuit où Ulysse jura à Isaure de la pleurer à jamais si elle ne sortait pas vainqueur du combat...


La nuit où Samuel et Isaure, réalisèrent qu’ils n’étaient pas mieux l’un sans l’autre.


Au lever du jour, Samuel avait couru jusqu’à la chapelle pour dire à Isaure qu’il leur fallait rester ensemble. Il la trouva endormie dans sa chambre.


Il déposa délicatement un baiser sur sa tempe en murmurant :

- Toi et moi, c’est jusqu’au bout.


Elle ouvrit les yeux :

- C’est vrai... C’était une erreur. On doit rester ensemble jusqu’à la fin. Tu veux bien dormir avec moi ici ?

- Oui, je suis là maintenant.


Samuel enlaça sa sœur d’un geste protecteur et, ensemble, ils passèrent une grande partie de cette longue journée, endormis l’un contre l’autre.


 

Samuel et Isaure prirent place dans la salle de combat à minuit.


Ils étaient autant déstabilisés l’un que l’autre mais se firent face, décidés à affronter dignement une tradition qui allait les séparer.


Lucas s’était installé dans l’aile avec Armelle Rocca et Ulysse Caron.

Aux côtés de Cendre, se trouvaient ses autres enfants ainsi que Francis Caron et Diego Lobo qui étaient là pour s’assurer du bon déroulement du combat et retransmettre ensuite son issue, au peuple.


- Tu es prête ?

- Oui, Samuel, je le suis.

- Je t’aime, tu sais.

- Moi aussi, je t’aime.


Samuel prit sa sœur dans les bras une toute dernière fois.

- Il faut qu’on y aille maintenant...


Isaure s’était élancée la première vers Samuel, et tout le monde commença à s’avancer pour apprécier le combat de plus près.


Elle semblait déterminée et en position de force par rapport à son jumeau, et tous craignirent pour Samuel.


Le jeune vampire fut lui-même surpris par la puissance de sa sœur, à laquelle il ne s’attendait pas.


Il répliqua aussitôt pour ne pas la laisser prendre le dessus.

Tout le monde retenait son souffle.


Le suspense était insoutenable. Les combattants avaient disparu dans un épais nuage noir et on ne voyait plus rien de ce qui s’y passait.

Ulysse espéra que tout allait bien pour Isaure.


Mais c’est Samuel qui refit surface le premier et il imagina le pire pour sa belle...

Armelle laissa échapper un gros soupir de soulagement.


Isaure se releva mais son frère l’attendait d’une main ferme.

Mélusine se réjouissait de ce combat qui était encore mieux que tout ce dont elle avait rêvé.


Les jumeaux quittèrent le sol pour poursuivre le combat.

Isaure avait brandi son poing, prête à frapper.

Samuel la regarda d’un regard plein d’amour, et lui dit d’une voix douce :

- Vas-y... un grand coup et c’est fini.


Le coup porté fut très violent.


Samuel relâcha tous ses muscles et tomba au sol.


Sous l’œil de sa petite amie décomposée, Isaure aida son frère à se relever.

- Bravo sœurette ! Tu as été formidable !


- Tu aurais pu gagner, espèce de fou...

- Ne crois pas ça !

Toute la fratrie était sous le choc. Cendre retenait des larmes et Mélusine regrettait que son favori ait perdu le combat.


- Cette fois, c’est vraiment fini, petite sœur...

La voix de Samuel s’étrangla imperceptiblement.


Isaure ne put répondre car Cendre venait de s’approcher pour la féliciter.


Puis elle se tourna vers Samuel

- Tu as été à la hauteur, mon enfant, un valeureux combattant. Je suis fière de toi.

- Merci Mère.

Cendre aurait voulu le serrer dans ses bras mais ce n’était pas encore le moment.


- Va t’asseoir avec les autres, Isaure. Ton frère va devoir boire la potion, maintenant.


« La potion qui le rendra humain », pensa-t-elle.

Isaure alla s’asseoir à contre-cœur car elle aurait souhaité rester auprès de Samuel jusqu’à la fin, mais le protocole étant ce qu’il était, elle n’avait eu d’autre choix que de s’exécuter.


Cendre invita Samuel à aller boire l’élixir qui se trouvait sur le petit guéridon que Diego avait installé.

Elle avait mis des années à chercher ce remède miracle pour elle-même et, quand enfin elle le trouvât, ce fut pour l’élaborer pour son enfant. Quelle ironie du sort !


Samuel était quelqu’un de naturellement fier, aussi, il s’avança d’un pas décidé vers le guéridon, tout en rassurant Cendre dont le cœur était sur le point de se briser une nouvelle fois :

- Ça va aller, Mère. Je te le promets.


Il se saisit du verre d’un geste sûr tout en pensant à Isaure qui allait rester seule sans lui.


Elle aussi était fière. Et en cet instant, elle donnait parfaitement le change.


Il croisa le regard triste de Blanche puis porta le verre à ses lèvres.


Il avala la potion entière d’une traite.


Puis quelque chose se produisit, quelque chose qui empêcha Isaure de rester aussi calme que prévu. Les pieds de son frère se décollèrent du sol et il fut pris de convulsions.


Son aura vampirique le fit tournoyer sur lui-même et Samuel semblait souffrir le martyr.

Francis et Lucas, qui étaient pourtant d’anciens vampires, n’avaient jamais vu une telle chose.


Samuel jeta un regard implorant à Lucas qui essaya de le calmer d’une voix douce.

Isaure commença à se sentir mal tant elle avait du mal à supporter de voir son frère autant souffrir.


Puis, tout s’arrêta. L’aura noirâtre céda la place à un halo de lumière.


Samuel s’étonna ; la douleur avait disparu tout aussi soudainement qu’elle était venue.

La peur le saisit, une peur qu’il s’efforça de cacher : il ne ressentait plus rien d’autre... aucune force, aucune puissance en lui... Plus rien.

Pas de doute, il était devenu humain.


Il se ressaisit cependant très vite et approcha de Cendre en souriant :

- Tout va bien, Mère. Ce n’était qu’un mauvais moment à passer.


Elle le prit dans ses bras sous le regard abattu d’Isaure qui n’avait pas échappé à sa sœur Blanche.

- Je t’aime, Samuel, ne l’oublie jamais, murmura Cendre à l’oreille de son fils.


Puis Samuel ressentit soudainement une faiblesse et tomba sur un genou.


Tous le virent se plier en deux et se levèrent, impuissants face à son agonie.


Dans un dernier effort, il se redressa pourtant...


... mais il retomba, pour ne plus se relever cette fois.

- Isaure...

- Je suis là, Samuel...


Elle s’agenouilla et le prit contre elle au moment où il ferma les yeux :

- Samuel ! Noooon !....


Diego choisit cet instant pour inviter Ulysse et Armelle à se retirer. Preuve était faite que le premier combat avait eu lieu, qu’un vainqueur s’était distingué et que l’un des héritiers avait expiré.

Il fallait à présent laisser la famille souveraine à sa tristesse.


Isaure avait reposé le corps de son frère sur le sol. Elle ne pouvait y croire. Un chagrin indéfinissable l’envahit tout entière...


Elle poussa alors un cri d’outre-tombe qui n’en finissait plus...


Un cri de désespoir qui fut perçu dans toute la Vallée.


Lorsqu’elle eut retrouvé ses esprits, elle laissa Lucas œuvrer pour récupérer Samuel.


Lucas emmena le fils aîné de Cendre... Il le porta comme un jour, Samuel l’avait aussi porté pour le ramener à sa mère. Mais aujourd’hui, le scenario était tristement différent.


Samuel quittait définitivement sa famille sous les regards de ses petits frères accablés.


De l’autre côté du trône, Mélusine semblait moins affectée que le reste de la fratrie.

- Je ne comprends pas ! C’est Samuel qui aurait dû gagner ! T’es pas d’accord ?

- Mélusine... ce n’est pas le moment. Nous venons de perdre notre frère... Ton commentaire est déplacé.


- N’empêche que, comme c’est Isaure qui reste, je la battrai très facilement. Tu verras, je vous gagnerai tous !



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