top of page
  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 41 - Isaure

Cendre et la Vallée Oubliée


Cendre avait agrandi le jardin des enfants pour y installer la sépulture de Samuel.


Même si son fils était mort humain, il était né vampire et avait combattu en vampire, et Cendre lui avait choisi pour tombe, une tombe de vampire. Pour elle, il ne pouvait en être autrement.


Isaure passait toutes ses nuits auprès de lui, à pleurer et à refuser qu’il ne soit plus. Son cœur ne cessait de saigner.


Cela dura des mois. Elle s’installait près de la tombe de son jumeau et lui parlait pendant des heures, comme s’il pouvait l’entendre.


Alaric, qui venait presque tous les soir aussi dans le jardin, entendait ses sanglots étouffés et ses hoquets de tristesse.


Il ne la dérangeait jamais car il savait qu’elle avait besoin d’être seule., tout comme lui avait besoin d’être seul. Il comprenait tellement sa douleur.


Isaure n’était plus que l’ombre d’elle-même. Elle ne dormait plus dans son cercueil car la vue du cercueil vide de Samuel, à côté du sien, lui était insupportable.


Son désir de solitude lui faisait éviter sa famille et, quand elle ne s’isolait pas dans la chambre de son jumeau durant la journée, elle se réfugiait dans la sienne.


Isaure ne prit plus la peine de s’habiller et ne dormait plus. Elle déambulait dans la crypte la journée, en tenue de nuit et s’arrangeait pour ne croiser personne.

Elle voulait se morfondre, seule.


Le souvenir du combat contre son frère tournait en boucle dans sa tête et les tentatives de Cendre pour tenter de soigner le cœur blessé échouaient les unes après les autres.

Régulièrement, elle la trouvait dans sa chambre, la tête enfouie dans son oreiller.


Elle se retournait systématiquement en entendant sa mère lui parler et faisait semblant de dormir.

- Ulysse est encore passé prendre de tes nouvelles. Il s’inquiète pour toi.

Mais rien ne soulageait Isaure.


Ulysse se rendait souvent à la chapelle pour s’enquérir de la santé d’Isaure. Lucas, Cendre, ainsi que les enfants commençaient à bien le connaître.


Cette nuit-là, Lucas dut à nouveau lui annoncer que l’état de sa belle ne s’était pas amélioré et qu’elle ne voulait toujours voir personne.


Il essaya alors de le tranquilliser en lui rappelant que le temps allégerait la tristesse d’Isaure et cicatriserait son cœur, un temps qu’il était nécessaire de lui accorder.


- J’aimerais tellement faire quelque chose pour elle, Monsieur le Duc...

- Elle a perdu son frère jumeau et ils étaient très proches. La meilleure chose que vous puissiez faire est de lui faire don de votre patience.


- Nous avons l’éternité, rien ne presse. Songez-y.

- Oui, Monsieur, mais l’éternité me parait bien infinie en ce moment.


Une nuit, Alaric arriva au jardin des enfants avant Isaure et elle fut obligée de répondre au « bonsoir » qu’il lui lança.


Si le projet d’Isaure avait été de se rendre directement sur la tombe de Samuel, Alaric l’en empêcha en entamant la conversation.

- J’aimerais bien te parler un peu, tu veux bien ?

- Je ne veux pas parler, Alaric...

- Alors, écoute-moi seulement.


Isaure ne bougea pas.

- On ne l’évoque jamais mais tout le monde sait que j’ai moi aussi une jumelle. Elle est une partie de moi. Je ne la connais pas mais je sens si elle est heureuse ou malheureuse, lorsqu’elle rit ou lorsqu’elle pleure, ou encore lorsqu’elle se fait mal. Et je n’aime pas qu’elle soit malheureuse car je sais qu’elle est pleine de vie. Je le supporte très mal.


- Alors, tu vois... Samuel... Il n’aurait pas voulu te voir ainsi. Lorsque je te regarde errer dans la crypte en pyjama, je pense à lui... Il n’aurait pas voulu ça... Il en aurait été malade... Il aurait voulu que tu continues à vivre...


- Alaric... je t’en supplie... arrête.


- Je ne peux pas. Je ne peux pas te laisser faire, en mémoire de lui... Tu peux continuer à l’aimer, ne pas l’oublier, mais reprends ta vie en main. Pour lui.


- Mais c’est impossible ! Je l’ai tué ! Je ne peux pas vivre avec ça !


- Tu ne l’as pas tué. C’est la potion qui l’a tué. Uniquement la potion. Maman a fait mettre le poison dans le verre pour que tu n’aies pas à le faire. Vous deviez combattre. Ça aurait pu être toi. Aucun d’entre nous n’a le choix.


Alaric s’était levé :

- Isaure, réponds franchement à ma question. Crois-tu que Samuel aimerait te voir ainsi ?

- Non. Je sais qu’il n’aimerait pas.


- Alors, si tu es d’accord, va sur sa tombe, dis-lui aurevoir une dernière fois et fais-lui la promesse de redevenir celle que tu étais.

- Je n’y arriverais pas...


Il prit sa sœur dans les bras et lui glissa quelque chose à l’oreille, quelque chose dont il lui fit promettre de garder le secret.


Puis ils se rendirent sur la tombe de Samuel. Alaric fit aussi, cette nuit-là, le deuil de son frère.


Ils pleurèrent de concert et se soutinrent mutuellement.

Ils n’avaient plus besoin de parler mais parler avait fait du bien à Isaure.


Elle avait promis qu’elle se ressaisirait. Il fallait à présent qu’elle puise la force nécessaire en elle pour le faire.

Alaric l’aiderait, elle en était sûre mais ce ne serait pas chose aisée.

Adieu Samuel.


Cendre fit irruption dans la chambre de sa fille au milieu de la journée.

- Allez, lève-toi ! ça fait des mois que ça dure. Il faut te remuer. Et arrête de faire semblant de dormir et de changer de côté dès que j’approche. Je peux faire le tour du lit indéfiniment. Je suis patiente.


- Je dormais réellement, Maman. Ne crie pas ainsi.

- Alaric m’a dit que tu allais un peu mieux. Est-ce vrai ?


- Je ne sais pas. Je crois, oui... Je pense que je vais faire face.

- C’est une bonne chose, ma chérie.

- Tu sais, Alaric m’a dit quelque chose de très bizarre, cette nuit...


- Bizarre ? C’est-à-dire ?

- Probablement rien... Je t’en reparlerai plus tard. J’ai envie de dormir un peu.


- Très bien, je te laisse. Mais tu devrais dormir dans ton cercueil.

- Demain... j’irai demain.


Le lendemain, en rejoignant la crypte, Isaure eût la surprise de trouver Mélusine devant le cercueil de Samuel.

- Il te manque aussi, n’est-ce pas Mélusine ?


- J’étais en train de me dire que, comme Samuel était mort, je vais réclamer son cercueil quand je serai ado. Après tout, il est disponible maintenant. Et il avait la meilleure place.


Isaure avait rejoint sa sœur, médusée par ce qu’elle venait d’entendre.

- Ce cercueil est celui de Samuel. Il faudra que tu en choisisses un autre. Ce ne serait pas correct.


- Ben... j’en ai pas envie. Moi, je veux ce cercueil.

- Je crois que tu n’as pas très bien compris ce que j’ai dit alors je vais le formuler autrement : personne ne récupèrera le cercueil de Samuel. Je m’y opposerai.


- Mais qu’est-ce que ça peut te faire, d’abord ? Il est mort ! ça sert à rien de laisser son cercueil tout vide ! Tu devrais être contente ! T’as gagné le combat !


Isaure se retint pour ne pas envoyer voler sa petite sœur à travers la crypte.

- Et puis, de toute façon, je demanderai à Mère ! Elle me dira oui, j’en suis sûre !


- Arrête un peu ! Maman n’autorisera jamais une telle chose ! Elle fait preuve de bon sens, contrairement à toi !


- Je te déteste ! Mère, elle me dira oui. Elle me dit toujours oui. Et je veux ce cercueil, alors, je l’aurai.


Isaure se rendit bien compte que la conversation ne mènerait nulle part, aussi, elle décida de ne pas envenimer davantage la situation.

- Sors d’ici. Tu n’as rien à faire là de toute façon. Cette crypte est réservée aux grands et je dois dormir.

- Ah, parce que tu dors en pleine nuit, maintenant ?

- Sors...


Mélusine s’éloigna, toute contente d’avoir mis sa grande sœur en pétard.

- Je te gagnerai aux combats, tu verras.

Mais ce qu’elle ignorait, c’est qu’Isaure avait été à deux doigts de perdre sa maîtrise de soi et de lui faire vraiment mal.


L’aînée de la fratrie avait besoin de reprendre ses esprits. Mélusine avait mis ses nerfs à rude épreuve et il faudrait qu’elle en discute avec sa mère. Mais en attendant, elle avait besoin de s’aérer.


Elle partit courir. Il fallait qu’elle s’éloigne un peu de la chapelle. L’air frais lui faisait du bien et elle avait besoin de revêtir sa forme sombre. Elle l’avait tellement réprimée lorsque Mélusine l’avait fait sortir de ses gonds, qu’elle la ressentait à présent comme indispensable.


Elle courut jusqu’au sous-bois et y fit la rencontre inattendue de Gabin, le jeune homme au tatouage en forme de lune. Il était apparu derrière elle, croyant la surprendre, mais elle l’avait entendu arriver...

- Vous n’avez pas l’air en forme, Mademoiselle Valrose.


- Que me voulez-vous, Monsieur Gabin « Sans-nom » ? Je tiens à vous prévenir, je ne suis pas d’humeur, cette nuit. Un rien pourrait m’agacer.


- Tout d’abord, je tiens à vous féliciter pour votre victoire et vous présenter mes condoléances pour votre frère.

- Très bien, je vous remercie.


Ils avaient marché tout en bavardant et atterri au bord du lac.

- Je vais avoir besoin de vous, Mademoiselle.


- Et pour quelle sombre raison auriez-vous besoin de moi ?

- J’aimerais que vous intercédiez en ma faveur afin que j’obtienne une entrevue avec votre mère.


- Je vous reconnais une qualité, Monsieur « Sans-nom », celle de ne douter de rien... La Grande Maîtresse ne reçoit personne s’il n’y a pas de bonne raison. Il va donc falloir que vous vous épanchiez un peu plus ou que vous abandonniez votre projet.


- Et si je vous disais que je suis votre frère, iriez-vous parler à Madame Valrose ?


Isaure ne mit pas longtemps à réfléchir. Ce garçon se moquait d’elle et elle n’apprécia pas du tout. Il fera moins le fier lorsqu’il verra quel sort elle lui aura réservé et qu’il lui faudra révéler le véritable but de cette entrevue.

- Je vais voir ce que je peux faire. Vous serez mis au courant dès la nuit prochaine, lui répondit-elle.



4 vues

Posts similaires

Voir tout
bottom of page