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Chapitre 45 - Des vampires et des lois

Cendre et la Vallée Oubliée


Mélusine avait pris place au milieu de la salle de combat, se demandant qui d’Isaure ou de Clotaire elle devrait combattre une fois qu’elle aurait vaincu Alaric.

Il lui tardait tant...


Blanche avait trouvé sa place aux côtés de Samuel et c’est une bonne chose. Sa défunte sœur avait été une vraie plaie à toujours lui faire la morale et elle ne lui manquait pas le moins du monde.


« Je serai votre héritière, Mère, vous verrez. Vous ne me laissez pas assister à vos conseils mais vous avez tort. Je pourrais vous être d’une grande aide. ».


Elle s’était alors rapprochée de la bibliothèque. Elle savait que celle-ci dissimulait une porte qui menait à la salle du Conseil mais elle n’avait jamais réussi à l’ouvrir. Ce n’était pas faute d’avoir essayé pourtant.


Combien de fois avait-elle passé ses journées, alors que tout le monde dormait à tenter de trouver le mécanisme qui lui cèderait un passage vers la pièce interdite ? Trop de tentatives échouées...

Alors, elle essayait d’écouter pour surprendre quelques bribes de conversations.


Sans succès non plus...

Les murs étaient épais et la porte devait l’être tout autant. La poisse !

Toute à ses pensées, elle sursauta lorsqu’elle entendit la voix de Lucas :

- Tu écoutes aux portes maintenant ?


- Père ! Je croyais que vous étiez au Conseil...

- Je m’apprêtais à m’y rendre. Et toi, que faisais-tu donc ? Tu pousses les limites de l’inconvenance un peu loin...


- Je venais vous solliciter pour aller chasser, c’est tout.

- Ne me prends pas pour un idiot, Mélusine. Tu faisais preuve d’une curiosité mal à propos. Je ne veux plus te surprendre à écouter aux portes. Ce n’est pas ainsi que nous t’avons élevée.


- D’accord, je l’avoue, je ne recommencerai pas. Mais j’aimerais vraiment participer à ces réunions.

- Tu auras l’occasion de découvrir les « joies » de la politiques lorsque tu seras majeure, pas avant. Et ne sois pas pressée, ces réunions sont barbantes et interminables.


- Mais je n’ai pas envie d’attendre d’être majeure ! Je ne les trouverais pas barbantes, moi, ces réunions ! Je m’intéresse beaucoup à la vie politique de notre Vallée, figure-toi !


- Je comprends ta déception mais tu feras comme tout le monde et tu attendras. Alaric n’est pas sans arrêt à se plaindre. Tu devrais prendre exemple sur lui.


- Prendre exemple sur Alaric ? Mais tu vois pas qu’il est complètement barré ! Il est pas tout seul ! Il entend la voix de sa jumelle dans sa tête.


- Je n’apprécie pas que tu critiques ainsi ton frère, alors la conversation est close. Je pense que tu as des choses plus intéressantes à faire que d’écouter aux portes.

- Oui, tu as raison. Je vais aller chasser. Ça va me faire du bien !


Lucas était conscient que Mélusine était en colère et qu’elle risquait de la déverser sur ses proies au point de pouvoir perdre le contrôle. C’était un risque qu’il ne voulait pas courir.

- Très bien, je viens avec toi, soupira-t-il

- J’ai pas besoin de baby-sitter ! Tu n’es pas attendu au Conseil ?

- Je viens avec toi.


 

- Je comprends mieux pourquoi je ne t’ai pas vu réapparaître durant la réunion.


- Et j’ai bien fait de l’accompagner. Si je n’avais pas été là, elle aurait été capable de tuer tous les humains qui s’aventuraient dans la Vallée. Heureusement, il n’y en avait pas beaucoup à cette heure-ci.

- Ça n’arrange pas mes affaires tout, ça...


- Et le Conseil ? Vous avez avancé ?

- Oui, plus qu’une séance ou deux et la loi sur les servants sera promulguée. J’ai dû cependant transiger sur quelques points nécessaires afin d’être assurée de maintenir le peuple à mes côtés. Heureusement que Francis et Lilith sont mes alliés dans les catacombes et que Gabin prend aussi la température.


- Et sur quels point as-tu transigé ?

- De gros points, malheureusement. Tout d’abord sur le droit de vie et de mort du Maître sur le servant, et aussi sur la notion d’appartenance.


- Je comprends que tu sois déçue mais tu vois, ces deux points sont fondamentalement liés et il est très difficile d’y toucher.

Les servants sont fiers de leur statut. Il fait partie de leur identité, de même que leur Maître. A Riverview, j’ai maintenu ce statut d’appartenance depuis toujours car tout le monde y trouve son compte.


- Les Maîtres sont heureux car ils gardent toute leur puissance et les servants aussi car cela a toujours été un honneur pour eux de servir leur Maître. Ils y sont préparés dès la naissance, pour certains. Et dans notre société vampire, être servant est une belle position sociale.

Les servants sont reconnus et respectés, et plus leur Maître est puissant, plus ils seront respectés. Il ne faut pas leur enlever cela ; leur statut fait leur fierté.


- Et que fais-tu du droit de vie et de mort ?

- Personnellement, je l’ai aboli à Riverview, mais au bout de plusieurs décennies seulement car il a fallu amener l’idée progressivement. Les Maîtres n’étaient pas prêts à lâcher ce droit ancestral. Mais, honnêtement, je n’en ai pas vu tant que ça tuer leurs servants...


- Il suffit d’un seul... Comment as-tu fait pour l’abolir, finalement ?

- Je l’ai transformé en droit de punition.

- Et tu crois que c’est mieux ?

- Bien sûr ! Un châtiment n’a jamais tué personne et ça remet les idées en place au servant qui aurait désobéi ou manqué de respect à son Maître.


- Evidemment... Il faut pouvoir contenter tout le monde... De toute façon, je reste persuadée qu’un Maître qui choisit bien son servant n’a pas à se fourvoyer en utilisant ce genre de méthode.


- Je suis d’accord avec toi. D’ailleurs, je suis émerveillée par la façon dont tu gères ces comités de rédaction. Sais-tu déjà sur quel sujet portera ta prochaine loi ?

- Les humains.


 

- Vous voulez dire que Maman va rendre une loi officielle sur les servants ? demanda Alaric

- Oui, c’est ça, confirma Clotaire d’un ton sec sous le regard désapprobateur de leur sœur.


- Maman leur a obtenu dix jours de congés par an. Moi je trouve que c’est une belle réussite, enchaîna Isaure.

- C’est génial, oui ! Mais tu n’as pas l’air d’accord, Clotaire... s’étonna son jeune frère.

- Je leur aurais donné deux jours. C’était déjà largement suffisant.


- On ne va pas refaire le débat, de toute façon.

- Non, Isaure. Toi tu es contente pour le nombre de jour de congés accordés et moi je suis heureux que le choix de horaires de travail et le choix des congés restent à la seule charge du Maître.


Isaure aurait juré que Clotaire cherchait volontairement une querelle. C’est dans ces moments-là que Samuel manquait le plus. Il aurait su quoi dire ou l’aurait rassurée en lui disant qu’elle imaginait des choses. Au lieu de cela, elle toisa son frère, complètement désarçonnée. Pourquoi agissait-il ainsi ?


Alaric sembla avoir compris qu’un malaise s’était instauré et qu’Isaure et Clotaire avaient des opinions divergentes :

- Même si tu es déçue, Isaure, dis-toi que Maman vient de promulguer sa première loi avec l’accord de tous. Ça, ça n’a pas de prix.

- Je suis d’accord avec Alaric, dit Clotaire. Nous pouvons être fiers de notre mère.

- Mais j’en suis très fière, approuva Isaure, seulement, j’espère qu’un jour, on pourra aller plus loin.


 

Clotaire avait tenu la promesse faite à Blanche de s’occuper de Virginie et ils se voyaient souvent, avec ou sans Caroline, la petite amie de celui-ci, mais, cette nuit-là, Virginie lui rendit visite pour lui dire qu’elle ne viendrait plus.


- Cela fait quatre ans que je la pleure et que je viens régulièrement sur sa tombe. Je ne peux pas passer l’éternité ainsi. Il faut que je vive et que je pense à moi.

- Tu as rencontré quelqu’un d’autre ?


- Clotaire ! Ta sœur est morte. Quelle importance cela aurait ? Je ne vais pas rester fidèle à une morte... mais si cela peut te rassurer, non, je n’ai rencontré personne. Je veux juste me sentir libre et je ne le serai pas tant que tu seras là à me couver. Je te libère de la promesse que tu as faite à Blanche mais je préfère ne plus te voir.


- Je te comprends. Je dois reconnaître que tout cela me soulage. J’ai un peu trop pris à cœur cette promesse et j’ai besoin moi aussi d’aller de l’avant par rapport à ma sœur.

- Tu es formidable ! Merci pour tout ce que tu as fait pour moi.


 

Alaric avait tenu à ce que Gabin soit présent pour fêter son anniversaire et il avait aussi proposé à Isaure et Clotaire d’inviter leurs amis de cœur. Ulysse avait répondu présent à l’invitation mais Caroline n’avait malheureusement pas pu se libérer.

Cendre remarqua très vite qu’Isaure et Ulysse ne se quittait pas des yeux, comme chaque fois qu’ils étaient ensemble. Ils avaient l’air de communiquer... Elle se demanda si le lien qui les unissait n’était pas semblable à celui qui l’unissait à Lucas...

Lucas qui donna le feu vert à Alaric pour souffler ses bougies.


Alaric s’y reprit à deux fois pour y arriver.


Et comme tout sim qui se respecte, les vampires ne faisant pas exception à la règle, il s’éloigna discrètement pour vieillir.


Cendre était très fière de son plus jeune fils et Lucas ne l’était pas moins car il l’avait élevé depuis ses six ans. Les deux parents étaient très émus.


Après la découverte d’un Alaric à présent barbu, tous prirent place au salon pour discuter. Mélusine faisait des efforts considérables pour ne pas être désagréable malgré la présence de Gabin, et c’était une grande première.


Pourtant, cela la démangeait... Mais ce n’était ni le moment, ni l’endroit car elle savait que Père et Mère ne lui auraient jamais donné gain de cause si elle en était venue à ternir la fête d’anniversaire d’Alaric.


Alors, elle préférait regarder le bel Ulysse qui faisait une démonstration magistrale de ses pouvoirs. Dommage qu’elle ne l’ait pas connu avant Isaure...


Après la fête, Alaric et Gabin se rendirent ensemble à l’Auberge du vieux Luigi.

- Alors ? Quel effet ça te fait d’avoir fêté ton dernier anniversaire ?


- Je ne sais pas... Je me dis que bientôt Mélusine fêtera aussi le sien et que je devrais la combattre. Cela n’a rien de réjouissant.


- Franchement, j’espère que tu lui mettras une belle raclée ! Elle a le don de me taper sur les nerfs même si je dois reconnaître qu’elle a du cran.

- Elle fait cet effet-là à tout le monde.


- Mais tu vois, c’est quand même ma petite sœur, notre petite sœur, et je n’ai pas envie de lui faire du mal. Cette tradition est une vraie malédiction.


- C’est vrai, pardonne-moi. J’ai un grief personnel contre cette petite peste et j’ai parfois du mal à oublier l’issue terrible du combat des héritiers.


- Le coup de pied, hein ?

- Oui, mais je crois que je vais en faire mon deuil...


- Tu sais, même si je lui en ai beaucoup voulu, c’est du passé. Cela fait tellement longtemps, maintenant... et puis, je ne souhaite pas sa mort. Au contraire, j’aimerais mieux la connaître, tout comme Clotaire d’ailleurs.

- Il faudrait pour ça qu’elle t’en donne l’occasion. C’est une fille assez solitaire. Pour Clotaire, c’est différent... mais je le sens s’éloigner de la famille depuis qu’il a rencontré Caroline.


- Un jour peut-être... As-tu pensé à ce que tu feras lorsque les portes de la Vallée vont se rouvrir, et si tu es héritier, bien sûr ?


- Je poursuivrai sur la voie de Maman. Elle est en train de faire de grandes choses pour la Vallée et j’ai hâte d’assister au prochain Conseil, d’ailleurs. Et toi ? Que feras-tu ?

- Je quitterai cette Vallée. J’y ai trop de mauvais souvenirs.


Alaric prit la nouvelle comme un coup de massue :

- Oh... c’est dommage. Nous nous entendons si bien, et Isaure t’apprécie aussi beaucoup. Tu viendras nous voir de temps en temps ?


- Non. Je ne remettrai plus jamais les pieds ici. J’ai fait la paix avec mon passé en ayant retrouvé notre mère et en sachant qu’elle ne m’a jamais abandonné. J’ai maintenant envie d’aller de l’avant.

- Et où iras-tu ?


- Où le vent m’emportera. Isaure m’a parlé d’un remède contre le vampirisme. Mère est d’accord pour me l’administrer mais uniquement lorsque les portes seront ouvertes. Elle craint trop pour ma sécurité. Ensuite, je partirai. Ma future vie sera de toute évidence plus belle que celle que j’ai ici.


 

Clotaire, lui aussi, s’était éclipsé après la fête d’anniversaire. Il avait rejoint Caroline chez elle.

- Tu sais que ta mère a réussi à faire passer la loi sur les servants ? Et le pire, c’est que la grande majorité de notre peuple en est satisfaite !


- Charmant accueil ! Même pas un bisou ?

- Clotaire... la situation est grave, soupira Caroline. Je pensais que notre projet avait de l’importance à tes yeux. Tu dois gagner tous les combats et nous règnerons côte à côte. Les idées de ta mère ne sont pas les bonnes.


- Bien sûr que notre projet a de l’importance mais un peu de tendresse ne te tuera pas, si ?


- Tu as raison comme toujours, mon amour. Voilà c’est réparé. Tu te sens mieux ?

- Définitivement mieux, oui.


- Dis-moi, tu as réussi à prendre un peu de distance avec ton frère et tes sœurs ?

- Je m’y emploie, oui.


- Avec Mélusine, ce n’est pas difficile. Elle ne recherche pas ma compagnie. Avec Isaure et Alaric, la distance se creuse naturellement à cause de nos divergences d’opinions politiques. Il suffit que j’aborde le sujet pour qu’ils se renfrognent.

- Mon pauvre chéri...


- Ça ne doit pas être facile pour toi... mais tu fais le bon choix. Tu auras ainsi moins de peine lorsqu’ils seront morts.

- Faudra-t-il encore que je sorte vainqueur...


- Il ne peut en être autrement, répondit Caroline, j’ai pleinement confiance en toi.



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