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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 51 - Révélations

Cendre et la Vallée Oubliée


Cendre ne comptait pas prendre de pincettes pour annoncer au conseil ce qu’elle avait à dire, et elle n’en prit pas.

La surprise fut de taille pour la moitié des personnes présentes qui ignoraient tout de cette affaire mais également pour les personnes impliquées ou simplement dans la confidence de ce lourd secret enfin dévoilé après des années de silence.


- Mais comment est-ce possible ? s’écria Francis. Tu n’as pas pu cacher une telle chose à la communauté en agissant seule...


- Je n’étais pas seule. Bella a été la première à m’aider.

- Bella ?!

Francis faillit s’étouffer.


Tout le monde savait qu’il entretenait avec Bella une relation romantique même s’ils restaient très discrets.

Il se tourna vers elle. Le ton emprunt de reproches sur lequel il s’adressa à elle ne laissa aucun doute planer sur son mécontentement :

- Pourquoi ne m’as-tu rien dit ?


Devant l’embarras de Bella, Cendre répondit à Francis :

- Elle était tenue au secret. Personne ne devait savoir. Nous risquions toutes les deux notre vie. Aujourd’hui, le Comte est mort et les portes de la Vallée se sont ouvertes malgré tout... Plus personne ne risque rien et je me dois de rétablir la vérité.

- Comment tout cela a-t-il commencé ?


- J’ai rencontré Bella dans les catacombes alors que j’étais enceinte d’Amandine, mon premier enfant. J’ai appris, à force de la connaître, qu’elle était en mal d’enfant. Elle n’avait jamais trouvé son grand amour et des enfants manquaient à sa vie.


- Si nous nous étions aimés avant, Francis, je n’aurais jamais pu aider notre Grande Maîtresse, alors je t’avoue que je ne regrette rien. Ce secret a été lourd à porter mais il a sauvé des vies.

La voix de Bella se cassa sous l’émotion et Cendre continua.


- Nous eûmes, Bella et moi une conversation qui m’incita à chercher une autre solution pour mes enfants humains. Elle était tellement horrifiée que je puisse les tuer alors qu’elle-même aurait voulu avoir un enfant.


- Cette solution s’imposa alors doucement à moi et devint une évidence lorsque je serrai pour la première fois ma petite fille dans les bras. Je savais que jamais je ne pourrais lui faire de mal.


- Je fus séparée d’Amandine car la tradition exigeait que je ne m’occupe pas d’un enfant avant qu’il n’ait atteint l’âge de trois ans et, à la seule condition qu’il soit humain.

A l’approche de l’anniversaire d’Amandine, je me décidai donc à exposer mon plan à Bella qui accepta tout de suite, malgré les risques que je lui faisais courir.


- Bella recueillerait donc, dans le plus grand secret, les enfants humains que je mettrais au monde et les élèverait comme si elle était leur mère. Ce fut la décision la plus douloureuse que j’eus à prendre, mais mes enfants seraient saufs, à commencer par Amandine.


- Le départ de mes enfants chez Bella était chaque fois un moment de grande souffrance car je ne savais pas quand je les reverrai ni même si je les reverrais un jour. J’allai souvent m’en épancher sur le cercueil du Duc de Riverview qui était, à cette époque-là, en hibernation.


- Le Duc savait donc, lui aussi, ce qui se tramait, puisque vous êtes des Uniques. Tes pensées n’ont pas pu lui échapper.


- Elles ne m’ont pas échappé. Je savais même mieux que quiconque toute la douleur qui découlait de chacune de ces séparations.


- Qu’est-ce que je suis heureuse de savoir que les enfants sont vivants ! C’est un tel bonheur !


- Moi, je me pose une question ; comment avez-vous fait pour garder ces enfants au secret ? La Vallée n’est pas grande et nous ne pouvions pas en sortir. Or, nous ne les avons jamais croisés.


- Ils étaient avec Bella. Elle s’en est occupée seule pendant près de dix-huit années. Ils ont malheureusement vécu à l’intérieur jusqu’à l’arrivée de Louise, en 2042. Louise était fidèle au Duc et donc, à moi-même. Nous l’avons mise dans le secret et lui avons confié la mission de mettre les enfants à l’abri.

Mais elle vous expliquera mieux que moi comment elle a procédé.


- Bella n’habitait plus son manoir depuis qu’elle avait recueilli Amandine en 2026. Pour la protéger, elle s’est retirée dans une partie inhabitée des catacombes, accessible par une entrée dans la forêt connue d’elle seule, puis de moi-même par la suite.


- Les enfants ont vécu là jusqu’à ce que Louise arrive et nous propose une solution. Nous avions, bien sûr, tout le confort nécessaire grâce à notre Grande Maîtresse et à Monsieur le Duc, mais j’appréhendais, chaque fois que je m’absentais, qu’il ne leur arrive quelque chose ou qu’elles ne sortent de notre cachette. Cela ne s’est jamais produit.

Lorsque Louise a érigé son premier dôme, Amandine avait déjà vingt ans, Hortense en avait dix-sept et Violet allait sur ses treize ans. Ce fut une bénédiction car les filles ont enfin pu sortir et voir la lumière du jour sans risque d’être surprises par qui que ce soit, d’autant que nous étions en plein conflit contre Blaise Williams.


- Un dôme ? Que veux-tu dire par là ?


- Il s’agit d’un dôme de protection magique. Il est invisible et rend également invisible tout ce qui se trouve à l’intérieur. Il a été conçu pour que toute nature humaine en son sein y soit indétectable, y compris pour les vampires passant à proximité. J’ai érigé ce premier dôme en quatorze mois sur l’entrée des catacombes où Bella s’était réfugiée avec les enfants, ainsi que sur une partie de la forêt alentour.


- Quelle belle idée, s’enthousiasma Lilith. Les enfants, même si elles étaient déjà grandes, ont donc pu profiter du grand air de la Vallée.

- Ce que vous avez fait toutes les deux est merveilleux, ajouta Francis qui s’était calmé. Vous avez protégé ces enfants. C’est un très beau geste. Mais tu parlais d’un premier dôme... Il y en a donc un deuxième ?


- Oui. Une fois que j’ai compris comment le mettre en place, c’est devenu plus facile. Il me fallut très peu de temps pour installer le deuxième à l’arrière du manoir de Bella mais, malheureusement, j’ai dû attendre que la guerre contre Blaise Williams soit terminée pour pouvoir œuvrer. Je ne pouvais pas risquer que Bella ou les filles soient découvertes à cause de moi.


- Les enfants sont-ils au courant des circonstances de leur naissance ?


- Ils ont été mis au courant dès qu’ils ont été en âge de comprendre. Ils savent qui est leur mère, ils connaissent la tradition et savent pourquoi notre Grande Maîtresse me les a confiés. Je ne leur ai jamais rien caché et cela me semblait nécessaire afin qu’ils mesurent le danger réel qu’ils encourraient s’ils venaient à quitter notre refuge.


- Tous les enfants humains de Cendre vivent donc à présent au manoir avec vous ?

- Oui, ils sont tous là.


- Et qu’en est-il des autres ? De ceux qui ont été vampires avant de perdre les combats des héritiers ? demanda Francis à Cendre.


- Ils sont chez Bella également et ils vont bien. Comme je l’ai dit en début de séance, un somnifère puissant a été ajouté au remède contre le vampirisme. La potion ne les a pas tués.


- Je suis admiratif qu’une telle machination n’ait jamais été mise à jour en tant d’années. Je dois dire que tu sais t’entourer de personnes de confiance. J’ai hâte de revoir tous tes gamins.


- Si je puis me permettre, dit Ulysse en s’adressant à Cendre, j’ai aperçu Samuel derrière une vitre en allant emmener Isaure chez Madame Swan. Il souriait et avait l’air heureux.


- Merci Ulysse. Il me tarde de revoir mes enfants et de connaître ceux que je n’ai pas pu voir grandir.


- Tu étais dans la confidence, toi aussi ? s’étonna Francis.


- Oui, Père. Je l’ai été il y a quatre jours lorsque le Duc a eu la bonté de m’informer de la situation.


- J’étais tellement désespéré qu’il a jugé opportun de me révéler qu’Isaure était juste endormie.


- Tu peux remercier la Grande Maîtresse, mon garçon. Sans son accord, je ne t’aurais rien dévoilé de son secret.


Cendre lui sourit :

- Ne me remercie pas. Nous étions à quelques jours de l’ouverture des portes et je ne voyais aucune raison de m’opposer à ta requête de vouloir emmener Isaure vers sa dernière demeure. Je savais qu’en acceptant, Lucas aurait été obligé de te révéler l’endroit où il accompagnait mes pauvres enfants.

- Les combats étaient donc truqués ?

Mélusine, qui ne s’était pas exprimée jusque-là, jeta un froid sur le Conseil.


- Non, les combats n’étaient pas truqués. S’ils l’avaient été, les portes ne se seraient pas ouvertes. Aucun de tes frères et sœurs ne savaient ce qui allait se passer. Ils devaient absolument être persuadés que l’issue leur serait fatale et qu’ils allaient mourir. Seule cette issue a été modifiée. Je suis une mère. Je ne tue pas mes enfants.

- J’en suis heureuse. J’ai hâte de tous les revoir. Il y a tant de chose que je ne leur ai pas dites.


- Franchement, tu as bien caché ton jeu. J’espère que j'aurais été aussi habile que toi à ce petit exercice. Alors comme ça, j’ai des frères et sœurs que je ne connais pas ?


- Plus exactement quatre sœurs et un frère.


- Le moins qu’on puisse dire est que la gente féminine a le pouvoir dans le Clan Valrose ! dit Mélusine en jetant un regard de connivence à sa mère.

- Attention, mesdames ! N’oubliez pas que je compte pour dix ! corrigea Lucas sur le ton de la plaisanterie.


Cendre leva la séance en fin de matinée. Il était prévu que Bella aille prévenir ses enfants, ceux qui avaient vécu dans la crypte, qu’ils pouvaient dès à présent venir voir leur mère.


 

Louise, elle, s’en allait mettre au point quelque sort de son cru afin de permettre à la Grande Maîtresse et à Mademoiselle Mélusine de pouvoir sortir en plein jour.


Quant à Cendre, elle avait convié Jessie dans son boudoir pour une conversation privée.

- Asseyons-nous. J’ai un aveu à te faire et je crains que tu ne m’en veuilles à jamais lorsque tu sauras de quoi il retourne.


- Il en faudrait beaucoup pour que je vous en veuille, Maîtresse. Ce n’est pas près d’arriver.

- Assieds-toi, veux-tu ?


Cendre avait alors commencé à raconter à Jessie sa véritable histoire, celle qu’elle lui cachait depuis quarante-quatre ans.


- Je t’ai rencontrée en février 2022. Tu t’étais perdue dans la Vallée, comme bon nombre d’humains et moi, je cherchais cette nuit-là de la nourriture pour mon garde-manger. A l’époque, tu t’appelais Jesminder Beedha, tu étais mariée et tu avais un petit garçon de cinq ans qui s’appelait Charlie.


- Mais qu’est-ce que vous dites ? Vous vous trompez...

- Laisse-moi finir, s’il-te-plait.


- Je t’ai très vite embauchée comme servante. Tu étais une prisonnière spéciale pour moi. J’avais besoin d’aide dans la crypte mais ce sont tes talents de mixologue qui m’intéressaient surtout. C’est pour cette raison que je ne me suis jamais abreuvée à ton cou. Tu étais très intelligente et tu as compris rapidement que ton intérêt était de ne pas me contrarier.


- Le problème a été que tu sympathisais avec tous mes prisonniers et que tu avais beaucoup de mal à accepter qu’ils puissent mourir. C’était chaque fois un véritable drame.


- A tel point que, ne supportant plus ce que tu estimais être de l’injustice, tu as voulu faire évader les trois prisonniers qui étaient alors dans mon garde-manger.


- Ce fut peine perdue, tu t’en doutes, car les portes étant fermées, vous ne pouviez aller bien loin. Les trois prisonniers furent donc repris et tués et tu fus consignée dans tes quartiers... Mais tu étais de plus en plus malheureuse. Les humains du garde-manger mouraient les uns après les autres et ton fils te manquait terriblement, de même qu’Arun, ton mari.


- Je t’ai donc vidée de ton esprit de vie dans le but d’alléger ta peine, ceci avec ton accord, bien sûr. Tu avais accepté car tu m’avais dit ne plus rien avoir à perdre.


- Une fois ta mémoire effacée, je t’ai inventé une nouvelle existence... La suite, tu la connais...


- Vous m’aviez dit que je défendais la cause des vampires et que des humains avaient voulu me tuer à cause de ça. Je m’en souviens très bien. Je l’ai toujours cru.


- Je te propose aujourd’hui de te rendre ton esprit de vie. Tous tes souvenirs reviendront alors. C’est à toi de voir.


- J’ai à présent Caleb et Giuseppe. Je suis heureuse avec eux. Ils sont ma famille. Comment faire un choix ?


- Tu n’es pas obligée de te décider tout de suite. Seulement maintenant, tu sais que je peux te rendre ton esprit de vie, alors ce sera quand tu voudras. Rien ne presse désormais.


- Merci de m’avoir dit la vérité, Maîtresse. Je ne vous en veux pas, j’étais consentante. Je vais réfléchir à votre proposition.

- Fais-moi signe si tu décides de récupérer tes souvenirs. Même au milieu de la journée, tu seras la bienvenue.


Après le départ de Jessie, Cendre alla chercher Mélusine. Il était temps pour elles de retrouver le reste de la famille.

Ils étaient là, tous les quatre, en train de discuter tranquillement dans le salon comme s’ils n’étaient jamais partis...


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