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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 52 - Un humain nommé Samuel

Cendre et la Vallée Oubliée


Les retrouvailles de Cendre avec ses enfants avaient été émouvantes. Bien sûr, la Grande Maîtresse avait été heureuse de retrouver Isaure, Alaric et Gabin mais ceux-ci avaient quitté la crypte il y a peu et l’émotion n’avait pas été aussi forte que lorsqu’elle avait serré dans ses bras Blanche puis Samuel.


Samuel avait enlacé sa mère si fort qu’elle pouvait entendre son cœur d’humain battre la chamade contre sa poitrine.


Voilà quatorze ans qu’il avait perdu le combat contre Isaure, quatorze années que sa mère lui avait soufflé à l’oreille qu’ils allaient se revoir et qu’il attendait cet instant de la tenir contre lui. Sa fabuleuse mère...


Leur étreinte dura de longues minutes avant qu’ils ne la relâchent pour aller s’attabler auprès du reste de la fratrie.


Ces derniers, qui avaient déjà appris la trahison de Clotaire par Gabin, savaient à présent par Mélusine et Lucas que leur frère déloyal n’était plus.

Alaric était bouleversé et ne comprenait pas, et Blanche retint quelques larmes. Cendre savait que son cœur souffrait de cette perte car elle avait été très proche de son frère.

Isaure ferma les yeux, attristée, en regrettant que Clotaire ait eu cette fin si violente, et Samuel s’assit en déclarant qu’il était mort comme il avait vécu, en traître.


Cendre regarda avec soulagement ses enfants en se disant que les années avaient peut-être passé mais qu’ils étaient toujours les mêmes.


Elle remarqua également que ces années de séparation n’avaient en rien entaché la complicité qui existait entre Samuel et Isaure, ce lien qui semblait indestructible malgré la différence d’âge qui aurait pu à présent les opposer.


Une fois le sujet Clotaire clos, Cendre avait demandé à ses enfants de lui raconter leur arrivée chez Bella. Alaric était ravi et aurait bien voulu s’exprimer le premier mais Cendre souhaitait connaître leur histoire dans leur ordre de départ de la crypte.


Samuel fut donc celui qui se lança pour expliquer à sa mère, à son beau-père et à sa petite sœur Mélusine, son arrivée chez Bella.



Point de vue de Samuel

Lorsque je me suis réveillé, je ne savais pas du tout où j’étais... Il m’a fallu quelques minutes pour rassembler mes esprits, réaliser que j’avais perdu le combat contre Isaure et que je n’étais pas mort. C’est là aussi que je me suis souvenu que tu m’avais murmuré à l’oreille qu’on se reverrait, Mère.


Lorsque j’ai avalé cette potion, je me souviens avoir voulu te rassurer en te disant que tout allait bien. Je te voyais si inquiète...


Mais tout n’allait pas bien. J’ai perdu ce jour-là ce que j’étais : un vampire. Et, en me réveillant chez Bella, je sus que je ne serais plus jamais le même. J’étais simplement un humain, estropié de sa vraie nature ainsi que de son autre moitié. La perte d’Isaure m’était intolérable, si insupportable que parfois j’avais l’impression de l’entendre me parler, ou pleurer...

L’intensité de l’émotion dans la voix de Samuel était si forte que personne n’osa prendre la parole lorsqu’il marqua une pause. Tous sentirent que cette souffrance était encore bien présente en lui.


Puis il reprit avec plus d’assurance :

- Il y avait un petit garçon près de moi. Il était assis là et il me regardait.


- C’est vrai que t’es un vampire ? m’a-t-il demandé.

Je le trouvais presque excité de savoir cela.

- Je ne le suis plus, petit. Tu peux me dire où je suis ? Quel est cet endroit ?


Il est parti en courant puis Bella est arrivée pour m’expliquer la situation.

C’est marrant, chez elle, elle a vraiment un tout autre style que celui que je lui connaissais.


Elle me raconta tout ; du plan que vous aviez mis en place pour sauver tes bébés humains jusqu’au dôme magique qui protégeait son manoir.

J’appris aussi que j’avais quatre autres sœurs et que le petit garçon que je venais de voir était notre frère et qu’il s’appelait Geoffroy.


Geoffroy... Nous étions là, Isaure et moi lorsque tu l'as emmené, Mère... Nous avions été si bouleversés en imaginant que tu allais le tuer... J'étais heureux de le savoir en vie.


Je fis la connaissance de ma nouvelle fratrie le soir même lors du repas. Cela me rappela mon enfance.

J’avais faim, bien sûr, mais j’aurais tant aimé avoir un fruit de sang sous la main, à ce moment-là. Le poulet rôti de Bella ne me disait rien du tout malgré sa bonne odeur.


Mes sœurs étaient enchantées de faire ma connaissance et elles me posèrent de nombreuses questions sur la vie dans la crypte ; pas autant cependant que Geoffroy qui avait tenu à s’installer près de moi et semblait boire mes paroles.


Il y avait Amandine, l’aînée de la fratrie qui avait alors vingt-neuf ans. Elle est notre aînée à tous, sauf à Gabin évidemment, puisque lui est né bien avant nous tous.

J’ai redécouvert avec elle les joies de taper dans le ballon. Amandine fait ça tous les jours, ou alors elle va courir, elle adore ça.


Hortense avait vingt-six ans lorsque je l’ai connue. Elle est quelqu’un de très sociable et d’une gentillesse à toute épreuve. Elle fait le lien avec toute la fratrie humaine et ne se met jamais en colère. Elle a de magnifiques cheveux roux qui m’ont rappelé à l’époque ceux d’Armelle.


Violette avait tout juste vingt-deux ans à mon arrivée chez Bella. Elle est fraîche et pétillante, adore cuisiner et peindre. Je lui ai dit qu’elle devait tenir ça de toi. Ces peintures sont magnifiques. Il faudra que tu les voies. Elle a d’ailleurs fait un très joli portrait de toi !


Puis vient Aliénor, la jumelle d’Alaric. Tout comme lui avant que je ne combatte, elle venait d’entrer dans l’adolescence.

Mère, elle te ressemble beaucoup. Chaque fois que je la regarde, j’ai l’impression de te voir. Elle n’a pas tes tâches de rousseur et sa peau est plus foncée que la tienne, mais c’est ton portrait tout craché.

Aliénor est comme Isaure, elle adore jardiner. D’ailleurs, lorsqu’Isaure est arrivée, elles ont fait la paire, toutes les deux !


Et enfin, il y a Geoffroy, un petit mec de huit ans qui n’aspirait qu’à une chose, devenir vampire. Et je peux te dire qu’à vingt-deux ans aujourd’hui, il en rêve toujours.


J’en ai passé du temps à lui parler de notre vie ici !

Bien sûr, il en savait déjà beaucoup puisque Bella lui a enseigné, ainsi qu’à nos sœurs, l’histoire de la Vallée et celle de notre famille, mais rien ne valait pour lui les récits de son grand frère. Et moi, cela me faisait le plus grand bien d’en parler.


A mesure que je vieillissais, je me suis rendu compte que j’oubliais certains détails de ma vie dans la chapelle et j’ai alors réalisé à quel point la mémoire humaine pouvait être fragile.

Alors, je discutais chaque jour avec Geoffroy pour ne pas perdre mes souvenirs, et je le fais encore aujourd’hui.


Aliénor aussi m’a aidé à entretenir ma mémoire parfois défaillante, mais nous parlions surtout de toi, Alaric. Elle m’avait posé de nombreuses questions à ton sujet dès le début et avait voulu tout savoir de toi depuis tes années bambin. Je ne t’ai pas épargné, comme tu l’avais deviné lorsque tu nous a rejoints.


Aliénor m’a plus tard avoué qu’elle arrivait parfois à entendre Alaric et qu’elle savait lorsqu’il était heureux ou malheureux.


C’est là que j’ai compris que notre frère n’était pas si fou que ça et qu’il devait être simplement connecté par un mystérieux lien gémellaire, à Aliénor. Il a toujours senti que sa jumelle était en vie.


D’ailleurs, avec le recul, j’ai pensé que j’avais moi-même ce lien avec Isaure, mais peut-être plus faible, car lorsqu’elle a combattu Mélusine, j’étais persuadé qu’elle avait gagné le combat puisque je la « sentais » toujours en vie. La vérité est qu’elle avait perdu mais qu’elle n’était pas morte.


Même si Isaure me manquait, j’ai tout de même été heureux chez Bella. Elle est toujours aux petits soins pour nous et j’aimais beaucoup ces moments où j’en apprenais plus sur mes sœurs lorsque nous nous retrouvions au jardin, au soleil couchant.


J’avais pourtant parfois les idées noires et, ces jours-là, je m’enfermais dans ma chambre et ne voulait voir personne.


Je préférais m’apitoyer sur mon sort et me lamenter, seul dans mon coin, sur ma condition humaine. Je n’acceptais pas du tout le fait de ne plus pouvoir circuler librement dans la Vallée, cette vallée que j’aimais tant et de me sentir paria aux yeux d’une communauté qui avait été la mienne.


Non, je n’acceptais pas de me retrouver coincé dans un corps affaibli qui ne me répondait plus, un corps sans pouvoir, et inutile. Je refusais cette fatalité de tout mon être, tout comme je refusais d’avoir perdu Isaure. Cette agonie me rongeait de l’intérieur.


Le déni de mon humanité avait été bien loin puisque j’avais, au lendemain de mon arrivée chez Bella, voulu me nourrir de sang. J’avais faim et j’avais découvert qu’il y avait deux arbres à plasmafruits dans le jardin. Très bien, je pourrais garder un peu en moi le vampire que j’avais été.


Je ne pouvais plus m’abreuver de sang humain, certes, mais qu’à cela ne tienne, le plasma végétal ferait l’affaire ! Isaure, tu aurais certainement ri en me voyant faire ! Quand je repense à toutes ces discussions qu'on avait eues sur le sujet !


Pourtant, le fruit de sang ne fit pas l’affaire... Non seulement il me retourna l’estomac, mais, en plus, je lui trouvai un goût abominable. J’étais complètement démoralisé et en venait à me dire qu’il aurait mieux valu que je meure. Je n’avais définitivement plus rien d’un vampire.


Je me suis donc résigné à manger ce jour-là la nourriture préparée par Hortense. Bella resta près de moi pour s’assurer que je finirais mon assiette, ce qui me fit repenser à Jessie. Elle faisait exactement la même chose lorsque j’étais petit.


Finalement, j’ai découvert avec plaisir que le plat était très bon et en ai félicité la cuisinière, mais j’ai compris aussi que j’avais des besoins. Si je voulais survivre en tant qu’humain, il me faudrait manger, et ce constat m’attrista.


Durant les six années qui précédèrent l’arrivée de Blanche, j’appris à connaître mon frère et mes sœurs.

L’ambiance chez Bella était toujours à la convivialité et au partage, même s’il y avait parfois quelques petites chamailleries, sans grandes conséquences d’ailleurs.


Le foyer était bien organisé et chacun devait accomplir, chaque jour, sa part de corvées ménagères. Ici, il n’y avait pas de servante.

Alors, Violette, qui est un véritable cordon bleu, m’enseigna les rudiments de la cuisine, et je peux vous dire que grâce à elle, je maîtrise maintenant parfaitement la gastronomie humaine.


On m’a également initié à d’autres petites tâches humaines, mais rien de très important. Je ne m’étendrai donc pas sur le sujet.


En août 2058, au lendemain de l’anniversaire de Clotaire, je suis sorti au petit matin pour attendre le perdant du combat.


Lucas est arrivé vers six heures avec Blanche. Bella les attendait sur le pas de la porte et j’imaginais qu’elle avait dû faire la même chose avec moi puisqu’elle l’a fait avec vous tous.


Lucas a réapparu quelques minutes après, l’air complètement abattu. Je me suis raclé la gorge pour lui signaler ma présence.


A ma grande surprise, il est venu vers moi et m’a enlacé.

- Samuel ! Comment ça va, mon grand ?


Nous avons pu discuter quelques instants seulement car Lucas devait rejoindre la crypte au plus vite. Chacune de ses incursions sous le dôme pouvait être découverte et il lui fallait être très prudent, ceci même si, de l’extérieur, on le voyait disparaître derrière une forêt de sapins.


Le voir m’avait fait le plus grand bien. J’avais appris qu’Isaure avait eu beaucoup de mal à se remettre de mon départ mais qu’elle était à présent heureuse auprès d’Ulysse Caron. Cette nouvelle m’avait rempli de joie, d’autant que Lucas avait décrit Ulysse comme un homme droit et respectable.


Samuel avait arrêté son récit et regardé sa sœur :

- J’espère d’ailleurs que tu vas très vite me le présenter. Je suis curieux de connaître celui qui a volé ton cœur !

- Ne t’en fais pas, c’est prévu.


Cendre s’était rapprochée de Blanche :

- Raconte-nous un peu comment s’est passée ton arrivée chez Bella.

- Oh très bien ! J’étais un peu désorientée au début, tout comme Samuel, mais je me suis vite adaptée à ma vie humaine.


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