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G4/ Chapitre 29 : divergences et éclaircies


Ce soir-là, nous rentrâmes du travail sous une pluie battante. C’était la première fois que Bastien et moi travaillions ensemble sous couverture, mais pas en tant que mari et femme. J’avais, ce jour-là, dû séduire une cible sous les yeux de mon mari.



Je l’avais déjà fait auparavant, mais jamais alors qu’il était là. Je pensais qu’il aurait compris. Je me trompai. Sa réaction fût sans appel.

- Tu t’es bien amusée ce soir, on dirait !


- Pourquoi utilises-tu ce ton ? Je n’ai fait que mon travail. Tu le sais bien.


- J’ai eu l’impression, moi que tu faisais un peu plus que ton travail !

- Quoi ?


- Tu es injuste, Bastien !

- Cela m’a fait beaucoup de mal.


- Je peux le comprendre, mais ne dis pas que cela m’a amusée.

- Avoue quand même que ce type te plaisait bien !


- Bastien, arrête...

- C’était un bel homme en plus !


- Et quel rapport avec la mission ?

- Il t’a prise par la taille. Tu t’es laissé faire !


- Mon Dieu, mais que voulais-tu que je fasse ? Il nous fallait ces informations, non ?

- Tu aurais pu le tenir à distance.


- Tu sais très bien que c’est impossible et tu es très bien placé pour le savoir.

- Peut-être mais je n’ai pas supporté.


- Alors ne m’accuse pas de choses qui ne sont pas, tout ça parce que ton attitude n’est pas professionnelle !

- Pas professionnelle ?


J’en avais assez. Bastien me tapait sur les nerfs, et il faisait froid. Je rentrai au salon mais il me suivit.

- Qu’est-ce que tu entends par « pas professionnelle » ?


- Nous avons toujours fait ce genre de choses, Bastien. Chacun de notre côté, certes, mais nous l’avons fait et le ferons encore. En quoi est-ce différent ? Tu te comportes comme si tu étais un mari trompé ! C’est là que tu n’es pas professionnel.

- Peut-être, mais ce qui est différent, c’est justement que je t’ai vue à l’œuvre, et que tu es très convaincante !


- Parce que tu n’es pas convaincant, toi, lorsque tu dragues toutes tes poupées de luxe ?

- Sûrement, si !


- Ben tu vois !

- Et si nous jouions aux échecs ?


Nous avions à peine entamé notre partie que Linette descendit.

- Qu’est-ce qu’il se passe ? Je vous ai entendu parler fort.

- Rien du tout ma chérie. Un petit problème entre le roi et la reine, lui dit Bastien.


Je relevai la tête :

- Vraiment ?

- Oui. Regarde la reine : elle fricote avec le cavalier !


- Ça te va mieux comme ça ? Il y a moins de fricotage ?


- Tu te l’es quand même gardé sous le coude !

- Quoi ? Mais qu’est-ce que tu racontes !


- Tu es fini Valdeblore !

- Aie ! Maman va gagner...

- C’est l’impression que j’ai eu ce soir, oui...


Linette nous demanda ensuite de regarder la télé avec elle. Nous nous assîmes chacun d’un côté du canapé, notre fille au milieu. La tension était palpable.


- La reine aurait tout de même pu faire attention à ne pas heurter le roi...

- Je ne vois pas comment...


- Il suffisait d’avoir envie de trouver...

- Ce n’est qu’un jeu, Papa...

- Exactement. Ce n’est qu’un jeu, lui dis-je aussi.


Le lendemain, Charles qui était venu garder Linette, me raconta leur petite conversation.

- Je t’assure que leur jeu d’échecs était vraiment bizarre, Tonton.


- Bizarre comment ?

- C’est comme s’ils se parlaient en codes. Mais je crois qu’ils se disputaient.


- Tu sais, des fois les enfants s’imaginent des choses qui ne sont pas...

- Je n’ai rien imaginé. En plus, je les ai entendu crier, juste avant ça.


- Je crois que Papa reprochait un truc à Maman qui ne lui a pas plu. Et Maman n’était pas d’accord avec lui.


- Ce sont des histoires de grande personne. C’est parfois difficile à comprendre pour une petite fille de ton âge. Tu ne devrais pas t’en mêler.

- Mais si ils divorçaient ?


- Ils ne divorceront pas. Tes parents s’aiment beaucoup trop pour ça.

- C’est vrai, tu as raison. Ils se font tout le temps des bisous !


- Tu vois ! Il ne faut pas t’en faire ! Et si nous dînions maintenant ?

- D’accord.


Charles et Linette étaient en train de danser lorsque nous sommes arrivés.

- Eh bien ! C’est une véritable boîte de nuit ici !

- Tonton a mis la musique fort exprès pour qu’on danse mieux !


- Je vois ça ! Bonsoir Charlie !


- Tout s’est bien passé ?

- Magnifiquement bien !

Bastien demanda à Linette d’aller se coucher car il était vraiment très tard.


Elle embrassa son oncle puis se dirigea vers sa chambre.


Lorsqu’elle se fut éloignée, Charles me relata ensuite sa conversation de début de soirée avec Linette. Bastien et moi échangeâmes un regard.

- Elle était vraiment inquiète...

- Il n’y a pas de quoi, je t’assure.

- Tant mieux, alors.


- Tu penses réellement qu’il n’y a pas de quoi s’en faire ? me demanda Bastien lorsque Charles s’en alla.


Je ne lui répondis pas et allai me coucher. J’étais encore fâchée...

Le lendemain, jour de son anniversaire et de celui de Linette, nous entreprîmes de décorer la maison. Nous déplaçâmes le bar de la salle de détente au séjour et descendîmes de même le piano de Linette. Nous accolâmes la table de la terrasse à la table de la cuisine pour recevoir tout le monde.

- Voilà ! ça m’a l’air pas mal, non ?

- C’est même très joli !


- Je ne savais pas que tu avais acheté toutes ces décorations et ces ballons !

- Je voulais te faire une surprise. Je veux que tu aies un bel anniversaire. C’est sûrement parce que j’ai fricoté avec un autre que toi ! Qui sait ?


- Michèle... Je n’aurais jamais dû te dire tout ça... Je suis désolé, d’accord ?


- Tu as dit que tu étais désolé ?

- Oui, je l’ai dit. Je te présente mes excuses. Je me suis comporté comme un mufle.


- Merci ! On fait la paix alors ?

- Oh mais oui !


- Super ! C’est pas tout ça mais il faut que je prépare à manger !

- Je vais aller m’occuper des boissons.


- Et qu’est-ce que tu prépares de bon ?

- Du homard thermidor.


- Tu nous gâtes dis-donc ! Tiens, ta sœur est là !

- J’arrive. Va lui ouvrir.


- Ça sent drôlement bon chez toi ! me dit Claire.

- J’espère. Je me suis donné du mal.


- C’est du homard Thermidor ?

- Oui, je vais le mettre au frais.


- Je sens qu’on va se régaler ! dit-elle à Bastien.

- A qui le dis-tu !


- Pour la déco, vous avez vu les choses en grand.

- Michèle a tout acheté dans mon dos pour nous faire la surprise, à Linette et à moi !


- En tous cas, c’est très joli.

- Je pense qu’elle a voulu marquer le coup.


- Il faut dire que ce ne sont pas n’importe quels anniversaires... me sourit Claire.

- En effet. Avec Bastien qui va avoir un âge vénérable, et Linette qui entre dans l’adolescence, ça fait deux gros changements.


- Et toi, comment te sens-tu par rapport à ça, Bastien ?

- Très bien.

- Je crois qu’il est plus inquiet pour sa fille que pour lui !


- Haha ! Oui, ça ne m’étonne pas !


- Bon, je vais vous laisser. Vous devez encore avoir des choses à préparer, j’imagine.

- Encore quelques-unes, oui.


- A tout à l’heure ! Et ne t’en fais pas trop, Linette est une brave fille. Elle va le rester.


Linette rentra un peu plus tard de l’école.

- Wow ! Comme elle est belle la maison !


- C’est pour mon anniversaire ?

- Oui, et celui de Papa.


- On en a de la chance, tu ne trouves pas ?

- Oui ! C’est vraiment trop beau !


 

Tout le monde arriva à l’heure. Après avoir discuté un long moment autour d’un verre tout en portant un toast à nos deux célébrés du jour, nous finîmes par passer à table. Toute la famille avait pu se libérer pour cet évènement important pour nous : Olivier, Amandine et Emilie, Charles, Elsa et Céline, Claire, Alistair et Lucie. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas été au complet mais ce jour-là, nous avons réussi.


J’adorais avoir tout mon petit monde autour de moi. Ils comptaient tous tellement pour moi. Nous nous délectâmes ensemble de ce homard thermidor que j’avais particulièrement réussi mais également de conversations aussi légères que désinvoltes.


Je débarrassai ensuite toute la tablée, aidée de mes nièces, pour faire de la place aux gâteaux que j’avais préparés dans la matinée. L’ambiance familiale était au beau fixe. Je surpris même Charlie en train d’envoyer un doux baiser à ma belle-sœur Elsa.


Les commentaires allaient bon train sur les belles pâtisseries originales que j’avais apportées sur la table et Linette étaient en extase devant son gâteau « zombie ». Claire avait disposé les bougies sur le gâteau à la crème de Bastien afin qu’il souffle le premier.


Je vis mon mari s’approcher du gâteau au milieu des confettis et des rubans, ...


...au son de la corne de brume et des chants de « joyeux anniversaire » ....


J’aurais voulu arrêter le temps, ne pas le voir vieillir si vite... Je l’encourageais, malgré tout, à souffler.


- Tout va bien Papa ? s’inquiéta Linette en le voyant se tenir le bas du dos.


Le changement s’opéra sous mes yeux.

- Oui, tout va bien ! C’est ton tour maintenant il me semble !


Claire s’occupa à nouveau des bougies. Linette les souffla plus rapidement que son père.


Elle aussi grandit sous nos yeux pour devenir une belle jeune fille, aussi belle que ses cousines.


Lucie discutait depuis un moment avec son père. Je les entendais vaguement parler de la carrière d’humoriste de ma nièce. Elle avait l’air de bien s’en sortir et elle était plus souriante qu’avant.


- On n’oubliera pas, c’est promis ! Les devoirs avant tout ! assura Céline.


- Et toi Elsa ? Comment ça va le boulot ? demandai-je à ma belle-sœur.

- Je passe plus de temps au B.P.E.H. qu’au commissariat. Je crois que je vais prendre ma retraite.


Mon petit monde allait très bien.



Charles, lui, avait déjà pris sa retraite. Il avait atteint le sommet de sa carrière d’athlète professionnel et ne pouvait, de toute façon plus rivaliser avec ses jeunes congénères.


Quant à Olivier, je pense sincèrement qu’il travaillerait jusqu’à la fin tout comme sa femme Amandine. C’étaient de vrais bourreaux de travail.


Claire et Alistair, eux, seraient à la retraite la semaine prochaine. Ils comptaient profiter de leurs vieux jours ensemble en allant notamment régulièrement à Granite Falls, le lieu de pèlerinage de notre père. Je n’y étais, pour ma part, jamais retournée depuis sa mort.


Voir ainsi toute ma fratrie vieillie, et nos enfants devenus grands, ne me rajeunissait pas. Je serai la dernière d’entre nous à passer le cap... Je me demandais si Bastien allait prendre sa retraite, lui qui venait d’être promu directeur de l’Agence... Nous n’en avons jamais parlé.


Je me disais aussi qu’il faudrait sérieusement que je pense à finir ma part de la mission familiale afin de passer tranquillement le relais à Linette, laquelle devra être informée un peu plus dans le détail sur ce sujet-là.

- Alors, comment tu te sens, à l’Agence ? demanda Bastien à Céline.


Olivier, qui avait d’ailleurs écrit tous les livres pour enfant sur toutes les générations depuis Mamie Perrine, s’était mis en tête d’écrire également un livre sur moi. Je sais qu’il avait déjà commencé mais il me priait de finir ma mission afin qu’il puisse finaliser son histoire avant sa mort.

- Tonton, c’est merveilleux ! Merci de ton coup de pouce.


Ses paroles m’avaient permis de réaliser que nous n’étions pas éternels et que le temps était désormais compté pour plusieurs d’entre nous.


Bastien et Céline discutaient à bâtons rompus sur le nouveau métier d’agent secret de ma nièce. Bastien l’avait directement fait rentrer en tant que responsable d’agents, et l’aidait beaucoup.


La soirée touchait à sa fin. Tout le monde était fatigué et beaucoup travaillaient le lendemain.


Je décidai donc d’y mettre un terme.

- Je vous remercie tous d’être venus mais je crois qu’il est maintenant temps de finir cette fabuleuse soirée.

- Quoi ? Déjà ? râla Olivier.


- Olivier, ne fais pas le capricieux ! Il est déjà trois heures du matin, et tu fais partie de ceux qui bossent demain !

- Je vais finir par t’appeler Maman si ça continue !

- Michèle a raison ! Il est tard. Il faut qu’on rentre ! me soutint Alistair.


Après le départ de la famille, Bastien se mit au piano.

- Papa, c’est génial ce que tu joues ! ça donne envie de danser !


- Et pourquoi ne danserions-nous pas ? lui proposai-je.

- Carrément !


- Allez les filles, c’est parti ! Je vais vous mettre l’ambiance !


- Maman, tu es un peu coincée je trouve ! me dit Linette en rigolant. Bouge ton popotin !


Il faut dire, à ma décharge, que je ne dansais pas beaucoup. J’essayai d’imiter Linette mais le résultat était loin d’être le même !


Puis Bastien arrêta car il se sentait fatigué et voulait aller dormir.


Ma fille enlaça son père :

- Merci Papa !


- Tu as clôturé notre soirée d’anniversaire comme il se doit !

- J’ai fait de mon mieux.


- Ne sois pas si modeste ! J’aimerais un jour savoir jouer du piano comme tu le fais !


- Tu y arriveras ! Tu es très douée. En attendant, allons-nous coucher. Je suis éreinté.

- Merci encore à vous deux pour cette magnifique soirée.


Cette nuit-là, Bastien et moi nous réconciliâmes pour de bon.

Le lendemain matin, en nous levant, nous débarrassâmes toute la pièce et la remîmes en état. Je préparai ensuite le petit déjeuner tandis que mon mari finissait de nettoyer la vaisselle de la veille.


C’est à ce moment-là que Linette apparut.

- Bonjour !


- Mais vous avez déjà tout remis en place ?


- Mais oui !

- Figure-toi qu’il y en a qui travaillent pendant que d’autres dorment ! lui dit son père.

- Mais je me suis couchée à quatre heures !


- Et à quelle heure crois-tu que nous nous soyons couchés ? insista Bastien.

- Mais j’étais très fatiguée !


- Allez, viens prendre ton petit déjeuner ! Maman a fait des pancakes !

- Et ça sent drôlement bon !


- Papa, tu as l’air fâché...

- Je ne suis pas du tout fâché. Je veux juste que tu comprennes que nous sommes une famille et que nous aurions eu bien besoin de toi ce matin pour nous filer un coup de main.


- J’aimerais juste, lorsque tu vois du bazar, que tu te sentes concernée. Nous vivons tous sous le même toit.

- Je suis d’accord avec ton père.


- Maintenant tu es grande Linette, lui dis-je. Et nous comptons aussi sur toi.

- J’ai compris ce que vous voulez dire. Je vous promets que je ferai attention la prochaine fois.

- C’est tout ce que je voulais entendre, lui dit Bastien.


- Eh bien voilà ! Tout le monde est content. Alors ? Comment étaient ces pancakes ?

- Délicieux !


Je ne sais pas si le discours de Bastien avait porté mais Linette débarrassa la table...


...et fit même la vaisselle.


 

Ce jour-là, Bastien et moi discutâmes de la mission familiale.

- Tu es en train de me dire qu’il ne reste qu’un objet à choisir et que tu ne t’es pas encore décidée ?


- C’est exactement ça. Je ne sais quel objet serait le mieux pour traverser les générations.

- Fais déjà le point sur ce que nous ont laissé tes ancêtres.


- Alors, Perrine a transmis son premier ordinateur, Mamie Angélique une lampe soucoupe volante et une antenne satellite.

- Deux objets ? C’est possible ça ?


- Bien sûr. Du moment qu’il y en a au moins un. Et Papa nous a laissé sa vieille glacière.

- Tu sais ce que je te propose ? Que nous choisissions l’objet avec toi, Linette et moi. Qu’en dis-tu ?


- C’est une merveilleuse idée ! Mais que fais-tu de cette histoire de spa où j’étais sensée me rendre tous les dimanches ?

- Mais, tu y vas tous les dimanches.


- Mais j’ai quand même laissé tomber pendant deux ans et demi, tout le temps que nous avons passé à la planque.

- Et tu crois sincèrement que le Créateur t’en tiendra rigueur ? Moi, je ne le crois pas.


- Le problème est que je n’en sais rien. Et si nous avions une mauvaise surprise le jour de l’anniversaire de Linette ? Si la mission s’arrêtait avec moi ?

- Je ne peux pas le croire. Nous avons protégé les héritiers. Et je pense qu’Il attendait ça de nous.


- J’espère que tu as raison.

- Fais-Lui confiance, d’accord ?


- D’accord. Mais tu sais ce qui me chagrinerait ? Que Linette ne puisse pas continuer. Elle a l’air tellement enthousiaste sur le sujet.

- C’est vrai. Elle n’arrête pas de me dire qu’elle voudrait que le monde redevienne comme dans les écrits de Mamie Perrine


- C’est sûr ! Elle m’a dit qu’elle aimerait bien devenir DJ.

- Ça alors ! Ce n’est pas avec ça qu’elle va gagner sa vie !


- Tu sais que mon père a très bien réussi sa vie, même sans travailler. Et surtout, il a été heureux.

- C’est vrai. On ne le lui enlèvera pas.


- Et j’espère que tu sais que ce qui me rend heureux, moi, c’est toi.


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