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  • Photo du rédacteurNathalie986

G5/ Chapitre 12 : La clairière


Le lendemain, je me levai à l’aube. J’étais réveillée depuis un moment et je tournicotai dans mon lit, le cerveau en ébullition de toutes ces idées qui fusaient à la perspective d’écrire un livre.

Nous étions dimanche matin et, ce matin-là, je tapai les premières lignes de ma biographie intitulée sobrement « Ma vie à Windenburg ».

Sa rédaction m’absorba un long moment. J’entendis vaguement la porte de la chambre s’ouvrir, un petit bonjour, puis des pas descendre l’escalier. Mais je n’y prêtai pas attention réellement...


La sonnerie du téléphone me fit sursauter. C’était Samuel. Il avait parlé avec Rangi.

Ce dernier n’était pas au mieux de sa forme. Samuel n’avait même pas eu à lui raconter ce que nous avions tous vu.

Il avait découvert sa femme au lit, avec son amant, un jour où il était rentré plus tôt du travail. Le pauvre était sens dessus-dessous et ne voulait voir personne pour le moment.


Aussitôt le téléphone raccroché, je descendis prévenir Jules.

- Salut ma chérie. J’ai vu que tu avais l’air très concentrée tout à l’heure. Tu as commencé ton roman ?

- Oui.


- J’ai bien fait de ne pas te déranger alors.

- Jules, Samuel a appelé à propos de Rangi. Il a découvert de lui-même que sa femme le trompait.

- Samuel ne lui a rien dit ?


- Il n’en a pas eu le courage. Rangi venait de lui dire qu’il avait trouvé sa femme au lit avec un autre homme, en rentrant à la maison...

- C’est une blague !


- Malheureusement, non.

- Pauvre Rangi. On devrait aller le voir pour lui remonter le moral...

- Il ne veut voir personne.

- Ça se comprend un peu. Je crois que je ferais pareil, dans le même cas. Laissons-le tranquille dans ce cas. Il nous appellera s’il a besoin de nous.


- Tu as sans doute raison.

- Et si nous sortions ? Ils ont annoncé une belle journée à la météo. Et ça nous changerait les idées.


- Justement ! J’aimerais faire le tour de toutes les maisons habitées par mes ancêtres. Ça te dit ?

- Mais oui ! Et qu’est-ce qu’on attend pour partir ?


- Je vais prendre ma douche et je préviens Cassandre qu’on s’absente.

- Va prendre ta douche. Je m’occupe de Cass !


 

Nous arrivâmes au petit jour à Newcrest devant la maison de mon enfance et celle qui avait vu les premiers pas de Cassandre.

- Elle n’a pas changé... Regarde, la foudre a dû tomber dans coin !


- Viens, allons faire le tour !

- Tu crois ? Ce n’est plus chez nous... Et si on se faisait prendre.


- Regarde ! Il y a un feu dans la cheminée !

- Ils ont dû le laisser allumer. Il n’y a personne. Jette un œil par la fenêtre, tu verras bien !


Je finis par céder. Nous étions de toute façon déjà bien avancés dans le jardin...

Nous allâmes jusqu’à l’espace détente, puis jusqu’à la serre de Maman. Que de souvenirs ! Les larmes me montèrent un instant aux yeux.

Les nouveaux habitants avaient tout laissé en l’état. J’aurais bien voulu récupérer quelques récoltes mais la porte était fermée... Tant pis pour moi !


Nous fîmes demi-tour. J’avais tout de même le cœur un peu serré. Nous avions été heureux dans cette maison...


Lorsque nous parvînmes à Willow Creek, le jour s’était franchement levé et il faisait très beau. Nous étions devant « Les Jacinthes ». C’est ainsi que Perrine avait appelé sa maison.

- Tu vois, mon chéri, cette maison était celle d’Angélique et de Marc. C’est là que Papi Maxime est né. Le père d’Angélique, Christophe, avait fait construire cette maison à la naissance de sa fille car la leur était devenue trop petite pour trois.

- Christophe c’est le mari de Perrine, la fondatrice, c’est ça ? Et aussi le fondateur du BPEH ?


- C’est ça. Il y aurait dû avoir une serre ici... J’avais lu ça dans les livres d’Angélique et de Papi Maxime.

- Les nouveaux propriétaires s’en sont sans doute débarrassés.


- Probablement. Tu viens, on fait le tour. Mais par l’extérieur cette fois ! Il y a du monde dans la maison...

- C’est parti !


- D’après mes indications, Mamie Perrine emmenait souvent Angélique pêcher ici.

- C’est un très joli quartier.


- Et c’est dans cette piscine qu’elle a sauvé Christophe de la mort ! s’enthousiasma Jules.

- Tu as bien retenu l’histoire ! Le pauvre était déjà âgé et il était en train de mourir de chaud. Elle l’a plongé dans l’eau !


- Et ici, dans l’angle, il y avait le bain à remous que Christophe avait acheté à Perrine, et qu’il avait amélioré pour elle.

- Les nouveaux propriétaires n’ont pas cru bon le conserver celui-là !

- Parce que, ce que tu ne sais pas, c’est que ce bain à remous est à présent le nôtre !

- Petite cachotière ! Nous avons un bain à remous familial, alors !


Nous finîmes la visite par le banc qui avait vu la fin de Perrine.

- Une chance pour Angélique, sa mère avait eu le temps de lui dire aurevoir comme il se doit !

- Et nous savons qu’Angélique a eu une vie passionnante !


Jules m’épatait. Il avait lu toutes les biographies de ma famille ainsi que tous les livres écrits en parallèle. Il en savait presqu’autant que moi sur mes ancêtres.

- Bon, et si nous allions voir la maison qui a vu le commencement de tout ça ?

- Je te suis.


J’embrassai alors mon amour. Nous étions devant le « Taudis des Marguerites ». D’après ce que j’en voyais, cette maison ne ressemblait pas à un taudis. Mais je sais aussi que Christophe l’avait fait agrandir peu de temps après son installation avec Perrine.

- Merci de m’avoir permis de voir tout ça mon amour.

- C’est moi qui te remercie de me faire partager ces instants...


- Oh, et le cimetière familial est juste en face !

- Oui, Angélique avait tenu à ce que la boutique soit dans le quartier où avait vécu sa mère, après la Brume. En plus, elle s’était servi des fonds familiaux pour l’ouvrir. Elle avait donc tout intérêt à mettre Perrine dans sa poche.

- C’est du joli !


- Et cette maison était donc celle de Christophe ?

- Oui. Il habitait ici avant de connaître Perrine. Et puis un jour, il a vu sa voisine en train de relever son courrier.


- Elle n’était pas du tout apprêtée. Elle comptait juste prendre son courrier et rentrer chez elle. Elle portait un petit peignoir bleu. Christophe est tombé sous le charme. Ils ont vraiment eu le coup de foudre !

- Comme nous deux !

- Il n’y a que de belles histoires d’amour dans la famille.


- A part ta mère, avec son premier mari...

- Elle s’est bien rattrapée ensuite. Mon père et elle s’aimaient comme des fous !


- Puisque nous sommes là, tu crois qu’on pourrait aller voir cette fameuse clairière dont il est question dans les livres de tes ancêtres ?

- Nous sommes juste à côté. Tu vois cet arbre derrière moi ?


- Je pense que c’est le fameux arbre majestueux de Perrine ! Il correspond parfaitement à la description qu’elle en a faite.

- C’est par lui que nous allons devoir passer pour aller à la clairière ?


- Oui ! Allons-y !

- Maintenant ? Tu sais comment ouvrir l’arbre ?


- J’ai ma petite idée ! Et j’aimerais beaucoup voir à quoi ressemble cette clairière.

- Alors il n’y a plus qu’à !


- Je crois me souvenir qu’il faut d’abord inspecter l’arbre puis l’arroser.

- Oui, j’avais lu quelque chose comme ça...


J’inspectai donc l’arbre et l’arrosai, en sifflotant, deux fois de suite.


Mais il ne se passa rien.

- J’ai dû rater quelque chose...

- Essaye de l’arroser encore une fois...


- Tu crois ?

- Qui ne tente rien...

- D’accord. J’essaye une dernière fois !

- Ne te décourage pas, tu vas y arriver.


Et c’était reparti !... Sans plus de succès malheureusement.


- Mais pourquoi ça ne fonctionne pas ?


- Il n’y avait pas quelque chose comme « parler de ses feuilles » ?

- Mais oui ! C’est « Complimenter les feuilles » et « discuter de ses racines », je m’en souviens maintenant ! Tu es formidable mon chéri !


- On lui parle, alors ?

- Moi aussi ?

Bien sûr que oui ! C’était grâce à Jules que j’avais trouvé la solution, c’était donc à deux que nous devions parler à l’arbre. Jules était très enthousiaste de participer à cette aventure. Nous nous prîmes donc eu jeu et complimentâmes le bel arbre.


Un mystérieux passage s’ouvrit à la base de son tronc.

- Ça y est ! Il s’est ouvert !


- Qu’est-ce qu’on fait ? demandai-je, soudain prise d’appréhension.

- On y va, non ? Ce n’est pas ce qui était prévu ?


- J’ai un peu peur, tout d’un coup...

- Je vais y aller le premier, ma chérie. Et tu me suis. Si jamais il y a danger, je te préviens et on repart dans l’autre sens. Ça te convient ?


La voix chaude et calme de Jules me rassura.

- D’accord. Mais pas d’imprudence...

- Je suis là, ma chérie, ne t’en fais pas.

Je vis mon mari s’engouffrer dans le passage.

- Viens Linette ! Tout va bien, je te le promets.


Arrivée à la clairière, la première chose que je vis est Jules, dans une lumière éclatante.

- Tu as vu toute cette beauté, mon amour ? me dit-il.

- Oui... c’est magnifique...


- Et toi aussi ! Tu es si beau mon amour.


- Tu brilles tellement dans cette lumière...

- Tout comme toi, ma chérie.

- Allons visiter cette superbe clairière !


Jules m’emboîta le pas et nous commençâmes notre exploration de l’endroit.


Je comprenais un peu mieux ce qu’avait ressenti Perrine en arrivant ici, et ce qu’elle avait essayé de transcrire au travers de ses écrits.


Mais rien ne valait le visuel, la découverte ou le ressenti que j’avais.

- Tu as vu ce lac ? On dirait de la boue mais les poissons sont frétillants.


Jules voulut nous emmener plus loin.


Mais je courus dans le sens opposé. Tout était tellement beau par ici. Nous explorâmes ainsi chacun un coin de la clairière, jusqu’à ce que Jules m’appelle.


- Linette ! Viens voir ! Il y a des jacinthes ici !

- Elles sont magnifiques !


J’en cueillis quelques-unes puis nous repartîmes, marchant les yeux dans les yeux...


A mesure qu’on avançait, j’avais un sentiment bizarre :

- Chéri, tu n’as pas l’impression de perdre un peu la notion du temps ?

- Si. C’est justement ce à quoi je pensais.


- On devrait peut-être appeler Cassandre.

- Tu as raison. Appelle-la.


Mais lorsque j’eus Cassandre : « Maman, mais où êtes-vous ? Il est déjà dix-neuf heures. Papa ne m’avait pas dit que vous partiez toute la journée ! »

Surprise qu’il soit aussi tard, je me demandais alors combien de temps nous allions encore rester dans la clairière avant d’en repartir. Je dis à notre fille de ne pas nous attendre pour manger, et d’aller se coucher car nous ne rentrerions sûrement pas tout de suite.


- Je l’ai senti déçue qu’on ne l’ait pas prévenue avant...

- Nous n’allons plus traîner. Nous irons lui faire un bisou en arrivant.


- Dix-neuf heures ! La nuit doit commencer à tomber sur Windenburg.

- Et ici, il fait encore jour. Tu ne trouves pas ça bizarre !

- A Oasis Spring aussi, il doit faire encore jour !


Nous continuâmes à marcher...

- Il y a un cours d’eau en contrebas.


Mais en m’approchant, je constatai que le cours d’eau ressemblait davantage à un marais...

- Tu as vu ces yeux rouges !

- Oui, ça y ressemble beaucoup mais ce doit être autre chose.

- Ils sont en train de nous regarder, Jules !

- Je pense que ce sont des cristaux qui brillent avec la lumière du soleil. Probablement des rubis.


- Quelle lumière ? Il y a de plus en plus de brume par ici...

- C’est cette brume qui rend tout cela angoissant. Mais je t’assure que ce n’est rien.


Ma famille ayant quelques antécédents avec la brume, je n’aimais pas trop ça. Quoiqu’il en soit, je préférai m’en éloigner pour retrouver un peu clarté.


Nous approchâmes de la cascade. Je reconnus l’endroit d’après la description de Perrine. J’expliquai à Jules que c’était ici que Perrine et Angélique venaient souvent pêcher.


Jules et moi choisîmes de pêcher dans le petit étang situé juste derrière, mais nous n’attrapâmes malheureusement aucun poisson ce jour-là.


- Je me demande pourquoi Maman et Papi Maxime ne sont jamais venus ici...

- Cela restera un mystère pour toujours ma chérie, j’en ai bien peur.

- Tu te rends compte que c’est mon arrière-grand-mère Angélique qui a mis les pieds ici pour la dernière fois.

- Non, ma puce. C’est toi la dernière !


- Mais c’est vrai ça, mon amour !

- Il faudra qu’on emmène Cassandre ici. Qu’est-ce que tu en dis ?

- Oui. Ce serait dommage qu’elle ne voit pas une telle beauté.

- Nous pourrions même y faire des sorties en famille de temps en temps.


- Sais-tu que tu es un mari et un père merveilleux, mon chéri ?

- C’est grâce à ton amour...


Lorsque nous rejoignîmes notre domicile, la nuit était tombée depuis longtemps sur Windenburg.

- Tu te rends compte qu’il est déjà minuit et demi !

- Mais ce n’est pas possible ! Quand tu as eu Cassandre, il était à peine dix-neuf heures...


- Je suis persuadée que cette clairière a quelque chose de magique. Perrine aussi le sentait...

- J’espère que tout s’est bien passé pour Cass. On l’a laissée seule beaucoup trop longtemps.

- Nous allons aller la voir tout de suite.


Cassandre dormait à points fermés, ce qui nous rassura...

- Elle est dans son lit...

- Heureusement qu’elle n’est pas du genre à faire des bêtises.


- Comme tu dis ! N’importe quoi aurait pu se passer !

- La prochaine fois que nous irons à la clairière, soit nous l’emmènerons, soit nous la ferons garder.

- Nous avons vraiment été inconscients !

- Nous ne pouvions pas savoir...


- Je sais, mais en attendant, je me sens quand même honteuse !

- Moi aussi, pour tout te dire...


Ce soir-là, nous avons ressenti une immense fatigue, dès notre retour à Windenburg. Pourtant, nous étions encore plein d’énergie lorsque nous nous trouvions à la clairière forestière...

Nous nous endormîmes comme des loirs.


 

Le lendemain matin, nous étions encore fatigués, mais nous tenions à être levés avant Cassandre. Jules trouva l’énergie pour préparer le petit-déjeuner et nous faire couler du café.

- Je suis vanné !

- Moi aussi. Et c’est rien de le dire !


Cassandre descendit pour nous rejoindre. Nous ne nous sentions pas très fiers de nous...

- A quelle heure t’es-tu couchée ma chérie ?

- Vers vingt-deux heures. Et vous êtes rentrés très tard ?


- Oui. Très tard malheureusement. Et nous en sommes désolés.

- Oh c’est pas grave ! Je me suis débrouillée. Vous avez fait quoi ?


Nous nous étions mis d’accord pour lui dire la vérité.


- J’ai vraiment du mal à refaire surface ce matin... me dit Jules, une fois que Cassandre eut quitté la pièce.

- Moi aussi. Et dire que je dois voir mes cousines cet après-midi...


- Je crois que je vais aller refaire un petit somme...

- Ce n’est pas une mauvaise idée du tout.


 

J’avais rendez-vous au Cuba Libre avec Emilie, Lucie et Céline pour parler de l’avenir du BPEH. Emilie était déjà là, en grande conversation avec Louis Robert, mon employé. J’ignorais qu’ils se connaissaient.


- Vous saviez qu’Emilie le connaissait ? demandai-je à mes cousines.

- Pas du tout. Mais j’ai l’impression qu’ils ne font pas que se connaître. On dirait qu’ils se fréquentent.

- C’est aussi l’impression que j’ai...


Louis s’était éloigné et Emilie était rentrée dans le bar.

- Allons-y les filles ! Nous verrons bien si Emilie nous dit quelque chose, claironna Lucie, en ouvrant la marche.


Mais elle n’en fit rien et la conversation tourna directement sur le BPEH. Le temps passait vite et il fallait un successeur à Céline, quelqu’un digne de confiance.


Louis arriva quelques minutes plus tard.


Je le sentis mal à l’aise et essayai de détendre l’atmosphère.


En partant, j’aperçus Hortense accoudée au comptoir.


J’allai m’assoir près d’elle.

- Qu’est-ce que tu viens faire, ici ? me questionna-t-elle sèchement.

- Je viens te dire bonjour. Et prendre de vos nouvelles, à Rangi et à toi.


- Tu viens surtout espionner pour tout raconter à ta bande, oui ! Va-t’en. Je n’ai pas envie de te parler.

- Comme tu veux. Je te laisse.


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