top of page
  • Photo du rédacteurNathalie986

G5/ Chapitre 17 : Céline, ma cousine


Céline était de plus en plus fatiguée et passait la plupart de son temps à dormir. Lorsqu’il faisait beau, elle se traînait sur sa terrasse avec l’aide de son mari, ou de son fils, enfilait un gilet, et s’endormait au soleil. J’allais la voir régulièrement espérant qu’elle ouvre les yeux.


Mais elle dormait indéfiniment, et je restais là, à la regarder, repensant à tout ce que nous avions vécu. Tout cela avait commencé à la planque. C’est là qu’Emilie, Lucie, Céline et moi nous étions rapprochées les unes des autres. Cette épreuve nous avait soudées.


Aujourd’hui, la boucle était bouclée, et je pense que c’est pour cette raison que Céline se laissait partir. Elle avait fait ce qu’il y avait à faire pour protéger les héritiers. Elle pouvait maintenant s’en aller tranquille. Elle l’avait bien mérité.


Et puis un jour, elle n’eût plus la force de se lever et elle ne quitta plus sa chambre.

- Comment est-elle ?

- Le médecin vient de passer. Il dit que son état est stable.


Clément était complètement abattu, et épuisé. Je m’inquiétais pour lui :

- Et toi ? Comment ça va ?

- Oh... j’ai connu mieux...


- C’est sûr... Quelle tristesse...

- Je vais prendre un congé. Je veux rester près d’elle jusqu’à la fin. Je ne supporterai pas qu’elle parte toute seule. Je l’aime tellement...


Lorsque je ne rendais pas visite à Céline, j’appelais Clément pour avoir de ses nouvelles.


Nous devions fêter son anniversaire en même temps que celui de Jules le lendemain à la maison.

Clément m’annonça ce jour-là qu’il ne viendrait pas. Il ne se sentait pas la force d’abandonner Céline, même pour quelques heures.

- Mais oui, je comprends, ne t’en fais pas...

- ...

- Jules aussi va comprendre, bien sûr. Nous sommes tes amis, Clément. Prends soin de Céline, c’est ça le plus important.


J’étais si peinée pour Clément que je n’entendis même pas Jules arriver.

- Ça va ma chérie ?


- Clément ne sera pas avec nous, demain. Il veut rester auprès de Céline.

- Je m’y attendais un peu...


- Il a l’air tellement triste, tellement désemparé...

- On le serait à moins. S’il t’arrivait la même chose, je serais dans le même état que lui.


 

Lorsque Cassandre rentra du lycée, Jules venait de sortir une tarte aux pommes du four.


Ma fille se jeta dans mes bras, à moitié larmoyante.

- Mamounette !

- Qu’est-ce qu’il y a ma chérie ?


- Tu sais que j’ai envoyé ma candidature à Britechester, il y a deux jours ?

- Oui.

- Je n’ai toujours pas nouvelles. Ils ne m’ont pas répondu. Et si mon dossier avait été rejeté ?


- Mais qu’est-ce que tu racontes ? Ils ne peuvent pas te répondre aussi vite ! C’est impossible.

- Mais j’en peux plus d’attendre, moi !


- Il va quand même te falloir patienter. L’administratif, c’est long, ma chérie.

Jules essaya aussi de la rassurer :

- Il faut que tu te détendes. Tu ne vas pas avoir ta réponse tout de suite, et tu vas te rendre malade.

- J’ai essayé de courir, après le lycée, pour me vider l’esprit, mais rien à faire. Je suis toujours aussi stressée. Je ne pense qu’à ça.


- Papa devrait te faire un massage.

- Quoi ? s’exclama-t-elle. Tu veux ma mort ou quoi ?

- Sympa pour moi ! lui dit Jules.


- Je ne voulais pas te vexer, mon p’tit Papa, mais franchement, tes massages, ils ont pas l’air fun...

- Tu ne m’as pas vexé. Je sais que mes massages sont bénéfiques. C’est ça, l’important. Demande à ta mère.


- Je ne demande rien à personne, moi ! Je n’ai pas envie de me faire torturer, c’est tout !


En plus d’être tendue, Cassandre était vraiment de mauvais poil. Il fallait absolument que j’arrive à la convaincre, ou nous nous préparions une pénible soirée :

- Qui te parle de torture ? Tu vas ressortir de là toute détendue.

- Tu es sûre ?


- Un massage des tissus profonds ? Qu’est-ce que tu en penses ? demandai-je à Jules.

- C’est exactement ce qu’il lui faudrait.


Nous réussîmes à traîner Cassandre jusqu’à la table de massage. Son père la massa doucement pour commencer, histoire de la mettre en confiance...


...puis attaqua les choses sérieuses.

- Attention, ça va tirer un peu...

- Aïe ! Je l’savais ! hurla-t-elle.


- Détends-toi, ça va aller...

- Non, ça va pas !


- Essaye de te détendre, ça fait moins mal.

- J’y arrive pas ! Tu me fais trop mal...

- Allez, courage. C’est presque fini.


Quand ce fut fini, Cassandre avoua qu’elle allait beaucoup mieux.

- Je vais mieux, oui. Mais je n’oublierai pas que tu as été la complice silencieuse de cette torture, Mamounette !


 

Le lendemain était le jour de l’anniversaire Jules. Hélène, la sœur de Clément était encore parmi nous comme mixologue. Clément voulant rester seul avec Céline et Corentin, elle n’avait pas souhaité annuler son engagement.


L’anniversaire se ferait en petit comité : Alexandra, la sœur de Jules, et nos amis de toujours, Rangi et Samuel. Lilas étai restée chez elle avec ses enfants, mais Rangi avait emmené son fils, Frédéric.


Cassandre avait passé l’après-midi à confectionner le gâteau pour son père, et elle l’encouragea de tout son cœur, à changer de tranche d’âge.


Elle avait même prévu les cotillons, qu’elle avait distribués à tout le monde, à leur arrivée.


Jules était très ému :

- Et bien, que dire ? commença-t-il. Merci à tous d’être là.


- Vous êtes presque tous là, ajouta-t-il, ma tendre épouse, ma fille, et ma sœur chéries, et mes vieux amis.


Il marqua une pause :

- Evidemment il y a deux absents. Alors, je tiens à avoir une pensée pour Clément et Céline...


- Vous avez eu des nouvelles ? demanda Rangi.

- Oui. Hier soir.

- Et comment vont-ils ?

- Céline est stable, mais Clément est complètement à plat.


L’anniversaire de Jules ne fut pas des plus joyeux, compte tenu des circonstances, et la soirée ne dura pas bien longtemps.


Lorsque tout le monde partit, nous montâmes prendre nos douches, puis nous rejoignîmes autour d’une partie de cartes.


Jules plantait sur moi son regard amoureux. J’avais du mal à me concentrer, et je me demandai s’il ne le faisait pas exprès.


Nous passâmes tous les trois un joyeux moment en famille, certainement le meilleur de l’anniversaire de mon mari.


- Quelle bonne soirée ! me dit Jules au moment où nous allions nous coucher. J’aurais bien besoin d’un p’tit câlin pour finir !

J'étais même certaine qu'il en avait grand besoin...

- Je crois qu’on va pouvoir arranger ça !


 

Jules et moi, lors de nos discussions, nous étions mis dans la tête d’écrire un livre de compétences chacun, lui sur la mixologie, et moi sur le piano. Nous voulions transmettre notre savoir aux futurs générations, un petit plus, en somme. Aussi, nous nous retrouvions souvent, à l’étage, chacun devant son ordinateur et, tout en écrivant, nous échangions des idées, ou partagions des banalités.


Ce soir-là, j’écrivis quelques lignes de mon livre, puis appelai Clément pour prendre des nouvelles de ma cousine.


Il me dit qu’il n’y avait rien de neuf. Céline dormait paisiblement.

- Je te remercie. Nous aussi, on t’embrasse.


Mais le lendemain, ce fut Clément qui m’appela, et il m’annonça LA nouvelle... Ma voix s’étrangla et je me mis à trembler... Mes larmes coulèrent...

- Mon Dieu... Non...


Nous savions tous que cela allait arriver, mais la douleur n’en était pas mois présente. Je restai assise quelques instants, le temps de me ressaisir. Clément m’avait dit que nous enterrerions Céline, tout à l’heure. Le corbillard était déjà arrivé devant chez lui.


J’allai annoncer la nouvelle à Jules et Cassandre. Céline était morte, paisiblement, dans son sommeil. Je parlais comme un robot...

- On l’enterre en fin de journée.


- Je propose que nous allions les voir tout de suite, me dit Jules. Ils ont besoin de nous, et nous avons besoin d’eux...

- Merci mon chéri...


Ma voix se cassait à chaque mot que je prononçais. Mon mari fut, une nouvelle fois, une épaule pour pleurer de tout mon soul... Combien de fois était-ce arrivé dans notre vie ?


Nous arrivâmes devant chez Clément alors que le corbillard quittait à peine les lieux.


Clément tomba dans les bras de Jules, et Corentin dans ceux de Cassandre. Je restai là, plantée, repensant aux dernières paroles qu’elle m’avait dites : « Je t’aime, ma Linette, je t’aime. »


- Si je peux faire quoi que ce soit, dit Jules à son meilleur ami, tu sais que je suis là...

- Tu ne peux rien faire malheureusement...


- Même si tu veux juste pleurer, je suis là...

- Je n’y arrive pas...


Nous passâmes l’après midi avec Corentin et Clément avant d’aller au cimetière.


Toute ma famille, qui se résumait désormais à Jules et Cassandre, ainsi que celle de Clément, était là.

- Comment te sens-tu, Clément ? lui demandai-je.

- Je ne sais pas... J’ai du mal à savoir...


Il y avait Hélène, bien sûr, la belle-sœur de Céline. Ma cousine m’avait dit plusieurs fois qu’elles étaient très proches toutes les deux. Et puis son mari, Vince.


Et leurs enfants aussi. Les cousins de Corentin, Valentine et Sébastien. Cassandre les avait rencontrés à l’anniversaire de Céline. Valentine avait le même âge qu’elle. Ils avaient bien grandi tous les deux...


Et il y avait Aldéric... Tout le monde avait pris l’habitude de le voir, car il était le meilleur ami de Corentin, et présent à toutes les fêtes de famille, mais personne ne pouvait imaginer, aujourd’hui, à quel point la disparition de Céline pouvait aussi le faire souffrir... sauf moi. Elle avait été son mentor, son guide, son amie... et sûrement une mère.


Nous raccompagnâmes Clément et Corentin chez eux.

- Vous êtes sûrs de ne pas vouloir venir à la maison ce soir ? demandai-je à Clément.

- Oui. Nous avons besoin de nous retrouver tous les deux, Corentin et moi.


- Très bien, mais n’hésite pas à appeler si tu as besoin. Peu importe l’heure.

- Je te le promets. Rentrez chez vous, maintenant. Vous aussi, vous avez de la peine.


Nous rentrâmes à la maison, complètement accablés.


Cassandre s’excusa, et nous laissa seuls.

- Je n’ai plus de famille, Jules... m’attristai-je.

- Et moi ? Et Cassandre ? Ça ne compte pas ? me répondit mon mari, blessé.


- Bien sûr que si... Je parlais de mes cousines...

- Clément et Corentin sont aussi ta famille.


Je m’excusai, à mon tour, auprès de Jules, me fit couler un café, et allai m’isoler dans notre chambre.


Même si mon mari souhaitait m’aider, il ne comprenait pas le sens profond de mes mots. Mon grand-père, Papi Maxime avait eu quatre enfants. Il avait fondé une grande famille unie. Chacun de ses enfants avait eu à leur tour, un enfant chacun. Nous étions encore quatre. Quatre cousines. Et de tout ce petit monde, cette grande famille qui s’aimait tant, il ne restait que moi.


Ce soir-là, je reprochai à la Faucheuse de me les avoir prises...


Puis j’allai pleurer sur mon lit, inconsolable, jusqu’à m’endormir complètement.


Lorsque je me réveillai, il était vingt-deux heures. Jules n’était pas à côté de moi. J’allai prendre une douche, enfiler un peignoir, puis décidai de descendre pour affronter le monde. Je me sentais un peu mieux.


Lorsque je descendis, j’entendis Cassandre et Jules en pleine conversation dans le salon.


Ils parlaient de Céline, et se remémoraient de petites anecdotes à son sujet. Jules avait passé un peignoir, et Cassandre était en pyjama. Je ne les avais même pas entendu monter pour se changer.


Les voir ainsi, le sourire aux lèvres, en train d’évoquer de beaux souvenirs d’elle, me mit un peu de baume au cœur.


- Mamounette ! Comment vas-tu ? me demanda Cassandre, en m’apercevant.


- Couci-couça. Mais ça va mieux que tout à l’heure.

- Nous sommes là, Linette. Nous sommes là pour toi, tenta de me réconforter mon mari. Nous sommes une famille qui se serre les coudes, et qui s’entraide. Tu le sais.


Je m’en voulais tellement pour ce que je lui avais dit...

- Je le sais bien Jules. Pardon de t’avoir blessé.

- Mamounette n’a pas voulu dire ça, de toute façon...

- C’est fini. On n’en parle plus. Maman est très triste, lui répondit Jules.

Toujours prévenant, toujours attentionné. Mon Jules tel que je l’aimais...


 

Durant le mois qui suivit le décès de Céline, Jules resta près de moi pour me consoler dès que l’occasion s’en faisait sentir.


Je m’étais excusée mille fois pour lui avoir dit, ce jour-là, que je n’avais plus de famille. Je m’en voulais atrocement de l’avoir blessé, mais il m’avait pardonnée depuis longtemps.


Et puis, un jour, il me fit rire de nouveau...


5 vues0 commentaire

Posts similaires

Voir tout
bottom of page