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  • Photo du rédacteurNathalie986

G5/ Chapitre 2 : Maman


Jules et moi savions que nous nous aimions. Nous l’avons toujours su et ce, dès le premier regard. D’ailleurs toute notre histoire n’avait été qu’une histoire de regards. Des regards intenses, puissants, attendrissants ou amoureux. Nos regards s’étaient toujours captés, tout comme aujourd’hui d’ailleurs. Mais ce que j’y avais lu cette fois, je ne l’y avais jamais lu auparavant. Le regard de Jules, après avoir été tout aussi suppliant que sa voix, était devenu douloureux et inconsolable.


Il m’avait transmis cette agonie absolue, ce sentiment de ne plus pouvoir respirer, car j’avais mis un terme à cette belle histoire qu’était la nôtre, bien qu’elle n’ait jamais vraiment commencé si on y pense vraiment...

Alors pourquoi tant de douleur ?


J’entendis ses pas derrière moi et lorsque je me retournai, il était déjà là, tout près...

- Linette !

- Jules ?


Je pouvais ressentir son désespoir :

- Linette...

- Jules...


- Je te demande pardon. Tu avais raison. Je t’ai menti. J’aurais dû être disponible dès que tu es devenue adulte.


Je n’arrivais plus à parler... Je l’écoutais, simplement.

- Mais je veux me racheter. Je ne supporte plus de voir tes beaux yeux si tristes et si déçus... Je t’aime trop. Je t’aime pour toujours. Est-ce que tu peux me laisser une chance de te le prouver ?

- Oui ! Bien sûr que oui ! J’ai été tellement bête de te dire tout ça ! Tu me pardonnes ?


J’avais tellement envie de croire que notre histoire restait possible.

- Tu n’as rien à te faire pardonner. C’est moi l’idiot. Toi, tu es une femme merveilleuse.

Ses paroles me submergeaient et je laissais, impuissante devant lui, s’écrouler mes dernières défenses.


Puis Jules m’embrassa... et m’embrassa encore. Notre premier baiser. Le plus beau du monde.


Puis il me tint dans ses bras, longtemps, très longtemps, de la plus belle étreinte du monde.



- Maintenant, il ne nous reste plus qu’à prévenir la bande !

- C’est vrai ? Tu veux le dire à tout le monde ?!

Il me semblait sortir d’un mauvais rêve.



- Oui ! J’ai envie de crier mon amour au monde entier ! me confirma-t-il. Pas toi ?

- Oh que oui !


Jules me raccompagna jusqu’à la maison. J’étais suspendue à ses lèvres, sans pouvoir parler... Ses paroles étaient les plus belles du monde :

- T’embrasser, te tenir dans mes bras, te caresser la joue... J’ai bien cru que ce moment n’arriverait jamais...


- Et pourtant, tout cela me remplit de bonheur à un point que tu ne peux même pas imaginer ! Te toucher est un vrai bonheur !

Sa main frôlait ma joue... ses mots n’en finissaient pas de m’étourdir.


Chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, me communiquaient l’amour qu’il avait pour moi, un amour que je ressentais très puissant, indestructible, une fusion de nos deux êtres. Son regard, toujours son regard ; il me transperçait et je faiblissais sous sa profondeur, il m’atteignait jusqu’au cœur, que je le savais pouvoir ébrécher ou briser à sa guise, mais que, dans l’instant, il renversait et retournait jusqu’à le faire fondre. J’avais aussi ce pouvoir sur mon amour. Nous étions indiscutablement fusionnels.


Je mesurais le sens de ses paroles, puis Jules dut s’en aller. Il avait rendez-vous avec sa mère et sa sœur pour déjeuner et leur avait assuré qu’il serait à l’heure.

Je le regardai s’éloigner... Mon amour... Mon homme... Pour toujours, je l’espérais.


 

Quelques jours plus tard, Tonton Charlie expira dans le salon.


Maman resta un moment, prostrée sur le canapé avant de réaliser ce qui se passait.


Papa essaya de la consoler mais c’était peine perdue. Elle venait de perdre son dernier frère.


Je sortis dans le froid pour les laisser seuls, et appeler Jules et lui raconter ce qui se passait.


Il arriva en courant. Il s’était écoulé très peu de temps entre mon appel et son arrivée auprès de moi.


- Mon amour...

- Jules...


- Que s’est-il passé ?

- Il est tombé... Là, dans le salon.


- Nous n’avons rien pu faire, lui dis-je en pleurant.

- Vous ne pouviez rien faire. C’est ainsi, malheureusement.


- Il était âgé mais pas si vieux que ça tout de même... Et c’était un grand sportif...

- Mon amour. C’est dans l’ordre des choses. Tu ne peux pas y faire quoi que ce soit, crois-moi.


- Ton oncle a eu une belle vie, personnelle et professionnelle. Tous les enfants de notre génération se souviendront longtemps de lui...

- C’est vrai... Tu as raison...


J’étais complètement à plat mais Jules trouvait les mots à mes maux...

- Alors, ce n’est peut-être pas le moment idéal pour te dire ça, mais sache que j’ai quitté Chantal.

- Vraiment ?


- Oui mon amour. Je veux être là pour toi à tous les moments importants de ta vie, comme maintenant. Je t’aime, tu sais.


J’étais heureuse qu’il ait quitté cette femme, oui... mais, au plus profond de moi, ce qui compta en cet instant, était qu’il soit auprès de moi. Je craignais de trop lui demander mais j’avais besoin de lui :

- Jules ? Est-ce que tu voudrais venir avec moi à l’enterrement de Tonton Charlie ?

Il n’eut aucune hésitation, ni dans la voix, ni dans le regard :

- Bien sûr, mon amour.


- Tes parents n’y verront pas d’inconvénient, tu crois ?

- Non. Je leur ai déjà parlé de nous, le rassuré-je.


- Alors je serai là. Toujours avec toi.


- Je suis désolée que notre histoire commence si mal... ne pus-je m’empêcher de lui dire.

- Entre nous deux, il ne devrait jamais y avoir d’excuses mon amour... On s’aime c’est tout.

Cette vérité explosa dans mon cœur...


Le jour de l’enterrement, Jules était là, comme promis.


Il nous fallut encore supporter le poids d’un décès dans la famille...


...et chaque fois, cela devenait un peu plus pénible.


Les jours suivants, je restai à la maison pour être auprès de Maman qui ne se remettait pas de la mort de Tonton Charlie.


Papa essayait de la remonter mais je voyais bien que ses efforts étaient vains... Papa souffrait autant qu’elle... Tonton avait été pour lui, plus qu’un simple beau-frère. Il avait été un frère.


Papa et moi étions tellement désespérés que nous ne vîmes pas que Maman allait plus mal que nous ne le pensions...


Nous ne la vîmes pas, non plus, tomber...


Mais elle était là, inerte... Ma Maman... Maman...


Et Papa... Il pleurait tellement... Il avait l’air si triste...

- Papa ? Comment va-t-on faire sans elle ?


... et pourtant... Il essaya de me rassurer.

- Nous sommes deux, ma chérie. Nous y arriverons.


- Je n’ai plus de Maman ! Tu n’as plus de femme... Qu’allons-nous faire ?

- Nous allons vivre ! Parce que ta maman le voudrait !


Je me mis à pleurer...


Je ne pouvais plus m’arrêter... La douleur était beaucoup trop forte.


J’entendis alors sa voix, au plus profond de mon chagrin :

- Ma chérie...

- Quoi, Papa ?


- Cesse de pleurer. Maman n’approuverait pas. Tu as une vie à mener. Une belle vie. Nous avons eu la nôtre ma chérie. A toi d’avoir la tienne.

Je n’étais pas sans ignorer à quel point il devait pendre sur lui pour m’empêcher de sombrer...

- J’aimerais tant, mon petit Papa...


Le lendemain, alors que nous nous préparions à partir pour l’enterrement de Maman, on frappa à la porte.


Jules était là devant moi. Il était venu juste avant d’aller au travail lorsqu’il avait su... A ce moment-là, je ne me demandai même pas comment il avait fait pour savoir... Il était là, c’était tout ce qui comptait.

- Mon amour...

- Maman... Maman n’est plus là... réussis-je à prononcer.


Jules me prit dans ses bras...

- Mon amour... je suis là...


- Est-ce que tu peux venir à l’enterrement avec nous ?


Papa était complètement d’accord avec moi. Jules était le bienvenu.


Seulement, Jules devait aller travailler... Il promit de revenir après son travail.

Nous comprîmes... et peut-être que c’était mieux ainsi. Papa et moi serions ensemble, ous les deux, pour dire au revoir à celle que nous avions tant aimée.


Notre grande famille avait considérablement diminué...


Et Maman avait raison : les tombes s’alignaient les unes à côté des autres dans ce cimetière sans fleurs...


Il faudrait vraiment que je fasse quelque chose. Je le lui avais promis.


Papa était inconsolable.


Il resta pleurer longuement devant sa tombe tandis qu’Emilie tentait de me remonter le moral.


Puis il partit en me disant de le rejoindre à la maison.


Je profitai alors d’être seule pour donner libre cours à mon chagrin. Maman... ma chère maman...


Je n’avais pas entendu les pas feutrés de Lucie dans la neige. Elle se tenait près de moi. Elle pleurait silencieusement...


... puis nous pleurâmes dans les bras l’une de l’autre, sans rien nous dire. Notre chagrin était tellement semblable...


Lorsque j’arrivai à la maison, Papa et Jules étaient à la cuisine en pleine conversation. J’avais presque oublié que Jules avait promis de nous retrouver après son travail :

- Oh... Salut Jules.


Je m’assis quelques minutes avec eux puis décidai de m’isoler dans le bureau. J’avais vraiment besoin d’être seule pour pleurer Maman.

- Excusez-moi mais je vais vous laisser...


Je m’étais levée sans dire un mot de plus et étais partie.

- Ne lui en veux pas... venait de dire mon père. Elle vient de perdre sa mère et elles étaient très proches.


- Loin de moi cette idée. Je comprends très bien, Monsieur. D’ailleurs je ferais mieux de vous laisser.

- Reste un peu, cela nous fera du bien.


- Vous êtes sûr ? J’ai déjà l’impression de m’être suffisamment imposé.

- Sûr et certain. Linette et toi êtes amoureux. Tu seras toujours le bienvenu dans cette maison.


J’avais laissé la porte du bureau entr’ouverte et je pouvais entendre leur discussion...

- Merci Monsieur Chevalier. C’est vraiment gentil de votre part.

- Et arrête de m’appeler Monsieur Chevalier. Appelle-moi Bastien. Je préfère. Et, pour tout te dire... Chevalier n’est pas mon nom de naissance.


- Je vais essayer de vous appeler Bastien, mais je ne vous garantis rien !

- Tu es un brave garçon Jules. Et j’ai l’impression que tu aimes ma fille depuis longtemps, je me trompe ?


Cette conversation, avec mon petit ami, avait l’air de faire beaucoup de bien à Papa.

- Oui.. et d’ailleurs, puisque nous sommes là, tous les deux, j’aimerais vous demander la permission de demander sa main à Linette.

- Tu me demandes la permission ? Tu veux épouser ma Linette ?


Alors que j’étais complètement surprise par cette requête, Papa semblait beaucoup s’amuser de la situation.

- Oui. Enfin, je ne vais pas lui faire ma demande tout de suite, ce serait déplacé. Mais plus tard, oui. Et j’aimerais beaucoup avoir votre approbation.

- Tu es un petit malin, toi ! Tu te mets d’abord le père de ta future femme dans la poche, et après tu lui fais ta demande ! Bien sûr que tu as mon approbation !


J’aurais tellement voulu que Maman soit là pour entendre ça...

- Merci beaucoup ! J’avoue que je suis soulagé !

- Pourquoi ? Tu avais un doute sur ma réponse ?


- Je n’y avais pas trop pensé. Mais j’aurais été très embêté si vous aviez dit non.

- Je suis persuadé que tu feras le bonheur de Linette. Ma femme et moi en avions déjà discuté. Je ne me fais aucun souci pour ça. Tu la rendras heureuse. Et Michèle... ma tendre épouse... eh bien, elle le sera aussi.


Ils continuèrent à parler un moment puis Jules prit congé de Papa.

- Je vous dis à bientôt alors...

- Reviens quand tu veux. N’hésite pas surtout. Que ce soit pour voir Linette ou même un vieux routard comme moi !

- Avec plaisir, Monsieur Chev... euh.. Bastien.


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