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  • Photo du rédacteurNathalie986

G6/ Chapitre 5 - L'insouciance envolée


En arrivant à l’université, je me rendis directement au repaire de Darby pour aller vérifier sur l’intranet les horaires des cours que j’avais, ce semestre.

 

Le lendemain, j’allai récupérer mes livres. Il me faudrait aussi récupérer toutes mes affaires dans ma chambre car, ce semestre, je déménageais.

 

J’avais décidé de quitter le Hall Drake pour un logement plus tranquille. Je n’aurais que trois co-locataires. J’imagine que ce sera plus facile pour travailler, sans toutes ces allées et venues dans ma chambre. Et surtout, j’en avais marre de devoir m’assurer qu’il n’y aurait personne dans les sanitaires, lorsque j’allais me doucher. Je n’en pouvais plus de ces douches communes.

J’avais récupéré toutes mes affaires personnelles. La chambre me paraissait encore plus vide qu’avant.

 

Julie vint me dire au revoir. C’était la seule à être encore là, à cette heure de la journée.

-          Alors ? Il paraît que tu nous quittes ?

-          Oui mais je ne serai pas loin. Le campus est petit.

 

C’est marrant. Nous n’avions jamais échangé que des banalités, elle et moi. Pourtant, je fus touchée par son geste.

-          Tu vas quand même nous manquer... me dit-elle.

 

J’arrivai en fin de journée devant mon nouveau dortoir, la Maison des ailes sombres, un nom un peu noir... que les étudiants de l’UdB avaient préféré renommer le Mas.  C’était une petite maison sur deux étages, qui n’avait rien de sombre.

  

La chambre du rez-de-chaussée ayant, apparemment, déjà été investie, j’installai mes affaires à l’étage et prit le dernier lit disponible. Un autre étudiant avait déjà installé ses affaires sur le lit de gauche.

 

J’avais installé mon tapis, mon drapeau, ma glacière et surtout, la photo de Papa et Maman.

 

 J’apportai la touche finale avec ma nouvelle acquisition : un fauteuil aux couleurs de mon université. Ainsi que des fanions. Je trouvais l’ensemble sympathique et j’espérais que mon camarade de chambre ne verrait aucun inconvénient à mon tapis, qui prenait toute la pièce.

 

J’allai ensuite effectuer une reconnaissance des lieux. Je sens que j’allai me plaire, ici. L’ambiance était très agréable, et la vue m’envahissait d’une impression de sérénité.

 

 Je pris une douche digne de ce nom, dans une vraie salle de bain, puis je me changeai pour aller au pub. J’avais besoin de me changer les idées. Je pensais trop à Papa, mais aussi à Maman que j’avais laissée seule. Angela était là. Henri aussi. Il était en grande conversation avec une fille que je n’avais jamais vue.

 

 Il y avait de nouvelles têtes sur le campus. C’est ce qui se produisait à chaque nouveau semestre.

 

Heureusement, les vieux amis étaient toujours là. Marc me présenta ses condoléances.

-          Cassie ! Comment tu t’en sors ? J’ai appris pour ton père...

-          On fait aller.

-          Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas. Tu le sais, hein ?

-          Bien sûr Marc. Merci.

 

Les valeurs sûres... Voir Inès au bar me réconforta énormément. Et Anaïs au comptoir... Jonathan (Dumont) me donna l’accolade :

-          Cassie ! Je suis heureux de te revoir. Nous avions peur que tu ne reviennes pas...

-          T’aurais été trop content !


La jeune fille qui discutait avec Henri, tout à l’heure, s’appelait Marina. Elle logeait au Mas, tout comme moi, mais dans la chambre du rez-de-chaussée. Nous allions être colocataires.

  


 Les grands absents ce soir étaient Jonathan (Moreau, le mien) et Christian. Mais, après tout, je ne leur avais pas dit que j’étais de retour.

 

Lorsque je rentrai à la maison, j’eus la surprise de trouver Jonathan devant ma porte.

-          Salut. Qu’est-ce que tu fais là ?

-          Je t’ai cherchée partout. Tu ne m’avais pas dit que tu quittais le Hall Drake... Heureusement que Julie était là pour me dire où te trouver.

 

-          Désolée mais j’avais d’autres choses en tête.

-          C’est vrai. J’ai appris pour ton père... Je suis navré.

 

Comme il n’y avait personne au Mas, je fis faire le tour du propriétaire à Jonathan.

-          Et voilà notre salle de bain. Une salle de bain, bien privée, pas comme au Hall Drake.

  

-          C’est là que je t’ai vue pour la première fois, Cassie...

-          Je m’en souviens très bien. Mais tu n’aurais pas eu ce loisir si j’avais emménagé ici dès le début.

-          Tu m’aurais ainsi privé d’un beau spectacle.

-          Certainement. Mais j’aurais eu mon intimité.

 

-          Tu es partante pour qu’on essaye ta nouvelle douche ?

-          Sûrement pas ! Mes coloc’ vont arriver.

 

Jonathan reparti donc penaud, la queue entre les jambes... Il faudrait peut-être qu’il pense à essayer autre chose que les douches...

Ce soir-là, je fis la connaissance de Jade Labaie, ma copine de chambre, une petite brunette pleine de vie.

-          J’adore ce que tu as fait de cette chambre. Le tapis me plait beaucoup.

-          Tant mieux. J’avoue que j’avais un peu peur qu’il ne te plaise pas, et de devoir l’enlever.

-          Surtout pas ! Il égaye notre environnement.

 

-          Je suis vraiment contente qu’on soit dans même chambre, lui dis-je. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu’on va bien s’entendre.

-          Moi aussi. J’en suis sûre.


Je m’entendais vraiment très bien avec Jade. Nous faisions souvent nos devoirs ensemble, et ce qui était appréciable, c’est que personne ne venait jamais nous déranger.


Cet endroit était un vrai havre de silence comparé au Hall Drake, vraiment propice à tous les travaux universitaires.

-          Tu as vu ? Quelqu’un a mis les banderoles de Foxbury sur notre stade ? me dit Jade, atterrée.

Elle avait déjà l’âme d’une Brit girl !

 

Mon sang ne fit qu’un tour. Je courus enlever ces horribles banderoles, et les remplaçai par les nôtres. Puis, j’allai vérifier notre statue. Elle était couverte de tricot. Je pris une photo et l’envoyai à Christian, accompagnée d’un petit message : « Je suis partante pour une virée à Foxbury ! »

 

Christian ne tarda pas à arriver.

-          Ils ont dû faire ça cette nuit...

-          Ils avaient aussi mis leurs banderoles sur la façade de notre stade, mais au Mas, on est juste à côté. Donc, je peux vite réagir en cas d’attaque de l’Institut.

  

-          Tu étais sérieuse lorsque tu as dit que tu voulais aller à Foxbury ?

-          Bien sûr. Je veux leur rendre la monnaie de leur pièce.

 

 Je ne sais pas pourquoi mais j’étais de plus en plus révoltée, lorsqu’on touchait à mon université. Christian m’avait un jour, parlé d’identité, et je pense qu’il n’avait pas tort. Nous appartenions tous à un groupe, quel qu’il soit, et nous nous sentions concernés lorsqu’on lui fait du mal. On ne touchait pas à l’UdB !

-          Ça alors ! ça me fait vraiment plaisir, me dit-il simplement.

-          Et puis, je te dois une dégradation de statue, ne l’oublions pas.

 

-          Bien, alors, rendez-vous à minuit trente. Je ramènerai du monde.

-          Parfait. En attendant, je vais prendre mon courage à deux mains pour enlever tout ce tricot.

 

Marina était sympa, mais un peu trop pipelette à mon goût surtout lorsque je travaillais sur ma dissertation...

-          Mathieu est vraiment trop cool, tu ne trouves pas ?

  

Mathieu était notre colocataire, le seul garçon au milieu de trois filles.

-          Cassie ! Tu ne me réponds même pas !

-          J’essaye de me concentrer, tu vois !

 

-          Mais tu pourrais au moins me dire ce que tu en penses !

-          Je m’en fous ! J’ai besoin de calme.

 

 -          T’es pas drôle.

  

-          Alors je vais être plus claire ! Je ne veux pas être drôle, je veux que tu quittes la pièce. Tu me soules !

 

 -          Tu n’es vraiment pas gentille...

-          Excuse-moi, Marina. Je n’ai rien contre toi mais là, j’ai besoin de travailler.

J’y avais peut-être été un peu fort, mais elle quitta la pièce et je pus travailler en paix. C’est pour cette raison que j’avais quitté le Hall Drake, et je ne comptais pas me laisser envahir à nouveau.

 

À minuit trente, j’étais à Foxbury, comme convenu.

-          Alors, tu es prête ?

-          Oh que oui ! Je suis remontée !

-          Alors, on y va. Les autres sont déjà là.

 

Stéphane était là, et Mathieu, mon nouveau colocataire aussi, celui dont Marina m’avait vanté la gentillesse, un peu plus tôt dans la soirée.

-          Salut tout le monde !

 

  


Et je taguai ainsi toute la statue en les maudissant d’avoir dégradé la nôtre. En même temps, je pestai intérieurement contre la mort qui m’avait pris mon père. Cela me fit le plus grand bien.

 

Je regardai fièrement Christian :

-          Et voilà ! Mission accomplie !

-          Cette fois, tu es officiellement des nôtres Cassandre Chevalier, me répondit-il, alors que les autres étaient partis.  Félicitations.

 

Mais je n’en n’avais pas fini, et Christian resta avec moi. Nous accrochâmes, sur la façade du stade prétentieux de Foxbury, des banderoles aux couleurs de Britchester.

-          Et voilà ! Tu ne trouves pas que le vert leur va bien ?

-          Indubitablement !

-          Ha, qu’est-ce que ça fait du bien !


Christian me serra contre lui.

-          Cassandre, c’est toi la meilleure.

-          Grâce à toi !

-          Je suis vraiment fier de toi.

 

Les jours suivants, je me remis d’arrache-pied sur ma dissertation semestrielle. Mes colocataires, et surtout Marina, avaient compris qu’il ne fallait pas venir me distraire, lorsque je travaillais dans le petit bureau.

J’avais donc retrouvé le calme nécessaire à une bonne ambiance de travail.


Ce jour-là, j’avais retrouvé Marc, après les cours. Il voulait participer à la manifestation de la société d’art sur le quai.

-          Comment vas-tu Cassie ? ça va mieux ?

 

-          Tu ne dis jamais rien, tu ne te plains jamais, mais j’imagine que tu dois vivre des moments difficiles.

-          Je me remets peu à peu, je te remercie. Mais dis-moi, c’est quoi cette tenue ?

 

-          Ma tenue de sport ! Elle te plait ?

-          J’adore les baskets roses !

 

-          Je savais que je ferais des jalouses ! Bon, tu viens avec moi ou pas ?

-          Je viens, comme promis.

 

Quelques soirs plus tard, j’avais rendez-vous avec mes amis au pub. J’y croisai aussi Daniel.

-          Tu n’es pas derrière ton bar ? demandai-je à Inès.

-          Non j’ai cédé ma place à une fille qui est en formation.

 

-          Tu peux venir un peu avec nous dehors, alors ?

-          Avec plaisir. Elle sait très bien se débrouiller sans moi. Et puis, je ne suis pas loin.

 

-          A la vôtre les loulous ! nous dit-elle.

-          A la tienne !

 


 

Après quelques minutes de discussion, Mathieu posa une drôle de question à Inès, à notre sujet, à Christian et à moi :

-          Ils sont ensemble depuis combien de temps ces deux-là ?

-          Ils ne sont pas ensemble.

-          Ah bon... On dirait un vieux couple, pourtant...

 

La vie suivait son cours sur le campus. Deux semaines plus tard, je reçus la visite de Tatie Lexa, la sœur de Papa. Elle m’avait très souvent gardée lorsque j’étais petite, mais depuis, nous nous étions perdues de vue.

-          Tu es très bien installée ici, ma chérie.

-          Beaucoup mieux qu’au Hall Drake. Tu te rends compte que nous avions des douches sans porte ? J’ai supporté ça pendant six mois !

 

-          J’avais déjà entendu des histoires à propos de ces douches. Il ne t’est rien arrivé de fâcheux, j’espère.

-          Pas du tout. A part des garçons qui se rincent l’œil... Mais ça ne m’est arrivé que le premier jour. Ensuite, j’ai bien fait attention à mes horaires. Mais franchement, c’était assez pénible.

 

Marina, qui avait vu ma tante arriver, ne put s’empêcher de monter dans ma chambre pour faire la curieuse. Quelle fouineuse, celle-là ! Plus ça allait et moins j’arrivais à la supporter.

-          Tatie, je te présente Marina. Elle a sa chambre au rez-de-chaussée, n’est-ce pas Marina ?

 

Je présentai ensuite Tatie Lexa à Mathieu et Jade. Nous dînâmes tous ensemble puis elle s’en alla.

Un peu plus tard dans la soirée, alors que j’allais prendre l’air, je reçus un appel de Maman. Elle m’annonça le décès de Tatie Lexa.

-          Ce n’est pas possible ! Elle était ici il y a trois heures à peine... Elle allait très bien.

 

« Je sais », me dit Maman. « Elle était encore avec moi il y a une heure. Elle me l’a dit. J’imagine qu’elle voulait nous voir avant de partir ».

-          Mais pourquoi ? Pourquoi a-t-elle fait ça ?

  

« Parce qu’avant de mourir, on a envie de revoir les gens qu’on aime ».

Le lendemain, je devais aller en cours mais je n’avais pas le moral. Pourquoi mon père ou ma tante, ressentait-ils le besoin de me voir avant de mourir ? J’étais encore plus triste après... J’entendis une voix.

-          Cassie ? Ça va ma belle ? Cela fait un moment que je ne t’ai pas vue.


Emilie, mon ancienne camarade de chambre au Hall Drake. Et Julie.

-          Tout va bien.

-          Ça n’a pas l’air pourtant.

 

-          Si tu as besoin, nous sommes là, Cassie, me dit Julie.

-          Je sais. Merci les filles.

-          Appelle-moi. N’importe quand. D’accord ? m’assura Emilie.

 

Nous étions convenues, Maman et moi, d’enterrer Tatie Lexa ce week-end afin que je ne rate aucun cours du semestre. En attendant, ce vendredi-là, j’allais me défouler au ping-pong à la fête des jeux, contre de nouveaux arrivants.

 

J’avais bien vu que Christian était là, et qu’il me regardait. Mais je feignis de ne pas le remarquer.

 

Si j’avais croisé son regard, j’aurais fini dans ses bras en sanglotant. Christian et Angela étaient les seuls vrais amis que j’avais sur ce campus.

 

Il finit par s’en aller. Il n’aurait pas dû. J’avais gagné ma partie de ping-pong, et l’une des supporters de notre équipe de foot, vint nous annoncer que Britechester avait enfin gagné un match contre Foxbury. Une date à inscrire dans les annales de l’université.

 


 

Ce samedi-là, nous enterrâmes Tatie Lexa, Alexandra de son prénom.


-          Quelle triste journée...

-          Oui... très triste. Elle n’avait pas beaucoup d’amis... Heureusement que nous nous sommes occupées d’elle.

 

-          Tu as raison. Tu es tellement gentille. Sais-tu que je n’ai jamais été très proche de Tatie Lexa, en grandissant ? Pourtant, elle est venue me voir à l’université. Le jour de sa mort.

-          Je le sais bien. Je l’ai aussi perdu de vue, après la mort de ton père. Pourtant elle est aussi venue me voir. Preuve que nous étions la seule famille qui lui restait. Celle de son frère.

  

-          Nous avons bien fait alors de passer la journée à organiser ses obsèques et à l’enterrer. Je n’avais pas compris pourquoi elle venait me voir. Mais nous avons passé une bonne soirée. Je m’étais d’ailleurs dit que j’allais l’appeler plus souvent.

-          Tu as eu raison de te dire ça. Ton père en aurait été heureux.


Nous fûmes interrompues par la sonnerie de mon téléphone. C’était Jonathan. Il m‘invitait à sortir.

-          Je ne sais pas trop... Je suis avec ma mère, là...

-          Vas-y Cass, je t’en prie... me souffla Maman.

 

-          Mamounette... Je ne vais quand même pas te laisser seule...

-          Mon ange, je vais très bien. Tu peux sortir sans regrets avec Jonathan. Moi, je n’ai qu’une envie : aller me coucher.

 

-          Je ne voudrais pas que tu déprimes seule dans ton coin.

-          Je ne déprime pas. Je suis triste pour Alexandra, mais je ne déprime pas. Sors et amuse-toi. Moi, je vais aller dormir de toute façon, donc tu resteras toute seule au salon...

 

-          Tu es vraiment sexy dans ta petite robe noire.

-          Je reviens d’un enterrement...


Nous allâmes nous installer sur la petite terrasse à l’arrière de l’auberge.

-          En réalité, je n’étais pas très proche de ma tante. Je suis triste bien sûr. Mais je ne suis pas anéantie.

-          Très bien. Nous allons donc pouvoir passer une bonne soirée.

 

-          Et tu proposes quoi ?

-          Pourquoi pas une petite soirée intime ?

-          Pas dans une douche, j’espère ?

-          Je vais essayer de faire mieux, c’est promis.

  

-          Et pourquoi ne viendrais-tu pas chez moi ? On entrera sans faire de bruit. Ma mère doit déjà dormir.

-          Oh mais oui ! Nous arriverons sur la pointe des pieds. C’est promis !

 

J’étais folle, inconsciente, mais quoique je puisse dire aujourd’hui, à l’époque, je voulus croire en Jonathan, en son amour pour moi. J’aurais tant voulu que nous soyons un autre « Buffy et Spike ».

-          C’est ta chambre ?

-          Evidemment ! Sinon, pourquoi t’aurais-je emmené ici ?

 

Comme à son habitude, Jonathan ne s’embarrassa pas de préliminaires. Mais ce que je n’avais pas encore expérimenté jusqu’à maintenant (pour cause de douche), c’est qu’il s’endormait une fois son affaire faite.

 

Je me réveillai vers cinq heures du matin. Il ne pouvait pas rester là. Maman allait se réveiller. 

 

Il fallait absolument que je le réveille. J’utilisais une petite voix douce...

-          Jo-na-than... Il faut se réveiller...

-          Huuuum...

  

Il ne se levait pas... Il fallait utiliser la manière forte !

-          JONATHAN ! DEBOUT !

 

-          Mais pourquoi tu cries comme ça ? me répondit-il d’une voix encore ensommeillée.

-          Ma mère va se lever ! Il faut que tu décanilles d’ici !

 

-          Mais c’était pas prévu au programme, ça...

-          On est rentrés en catimini hier soir. Tu croyais quoi ?

 

 -          Je suis désolée mais il faut que tu y ailles...

 

Je laissai donc Jonathan filer, comme un voleur, au petit jour, puis je pris rapidement une douche et descendis au rez-de-chaussée. Maman arriva juste derrière moi.

-          Bonjour, ma chérie. Tu es déjà levée ?

-          Bonjour, Mamounette. Oui, je voulais prendre le petit déjeuner avec toi.

 

 -          Et ta soirée avec Jonathan ? Elle s’est bien passée ?

  

-          Super ! J’ai fait du café, tu en veux ?

-          Non merci. Pas maintenant. Mais n’essaye pas d’éluder ma question.

 

-          Vous avez fait quoi tous les deux hier soir ?

-          Nous sommes allés à l’auberge boire un verre.

 

-          Tu t’y rendais souvent avec Papa, je me trompe ?

-          Oui mais il y a bien longtemps... Tu veux bien m’en dire plus à propos de Jonathan ?

 

-          Et qu’est-ce que tu veux savoir ?

-          Tout ce que tu as dit à ton père. Parce que je sais que tu en as parlé avec lui.

 

-          Cela ne te plairait pas, je t’assure.

-          Et comment peux-tu le savoir ? As-tu déjà au moins essayé d’en parler avec moi ?

 

-          Mamounette... A chaque fois que j’ai voulu le faire, tu me voyais déjà mariée à Jonathan...

-          Et alors ? Ce n’est pas le cas ? Cela fait presqu’un an que vous êtes ensemble...

 

-          Je le sais, oui...

-          Qu’est-ce qui te retient dans ce cas ?

-          Clairement ? Je n’ai pas l’impression de vivre une histoire d’amour, et je ne me vois pas mariée avec lui.

-         Et qu’est-ce qui te fait dire ça ?

-        Pas de « ma chérie », pas de « je t’aime »... Alors, une demande en mariage, faut pas rêver.

-          Je comprends mieux...


Dimanche. Deuxième et dernier jour de week-end.

Maman et moi allâmes faire une petite promenade dans Windenburg, puis nous arrêtâmes pour jouer aux échecs.

 

Elle me proposa ensuite, d’aller déjeuner au resto de Windenburg. Nous nous installâmes en terrasse, et notre serveur habituel vint prendre notre commande.

-          Des saltimboccas, et des gnocchis à la courge, s’il vous plait.

-          Encore des saltimboccas ! me dit ma mère. J’ai l’impression que tu ne te nourris que de ça !

 

-          Pas tant que ça en fait. A la Fac, c’est plutôt mal bouffe, à part quand Angela m’invite mais elle est assez limitée niveau cuisine. Alors dès que j’en ai l’occasion, comme aujourd’hui, je mange des saltimboccas. J’aime trop ça !

-          Je ne comprends pas pourquoi vous n’avez pas de cuisine dans les cités U ? Avec des équipements dignes de ce nom.

 

-          Ils ont peur aux incendies je crois.

-          Remarque, cela peut se comprendre. Ils ont peur aux étudiants éméchés qui oublieraient d’éteindre le gaz !

-          Mamounette ! Mais tu nous fais passer pour qui, franchement ?

 

Maman s’était mise à rire, contente de sa petite blague. J’aimais tant la voir ainsi. Elle semblait reprendre du poil de la bête malgré la perte immense à laquelle elle avait dû faire face, à la mort de Papa, l’homme qu’elle aimait...

Le serveur arriva avec nos plats.

 

C’est à cet instant qu’elle me demanda où j’en étais de mes objectifs pour la mission familiale.

 

Je ne m’attendais pas du tout à cette question. Je crus que j’allais m’étouffer avec mes saltimboccas.

-          Ça avance doucement.

-          En gros, tu n’as pas encore fait grand-chose, c’est ça ?

 

-          Je n’ai pas beaucoup avancé parce que je souhaite d’abord finir mes études mais ça n’est pas incompatible.

-          Evidemment que non, ma chérie.

 

-          J’aime beaucoup les arts culinaires, et je me donne à fond. J’ai déjà 8 sur 10, en cuisine, et 7 sur 10, en cuisine gastronomique.

-          Mais c’est merveilleux. Tu as bien avancé finalement. Et en pâtisserie ?

 

Je fus sauvée par Alexis Laporte, un ancien camarade du Hall Drake.

-          Salut Cassie.

-          Alexis ! Je ne savais pas que travaillais ici ! J’y viens souvent pourtant.

 

-          Je travaille ici, à temps partiel, pour payer mes études.

-          Je suis contente de t’avoir vu.

 

-          Moi aussi. Tu nous manques au Hall D. Bon, il faut que je retourne bosser.

-          A plus. Salue les autres pour moi.

 

Le repas terminé, je raccompagnai Maman à la maison, puis je repartis immédiatement pour l’université.

 


 

C’était la dernière ligne droite avant la fin du semestre. Il allait falloir donner un sérieux coup de collier. J’allais régulièrement à la bibliothèque pour réviser toutes mes matières.

J’adorais venir ici, entre ces murs de pierre, m’offrant une atmosphère propice à la réflexion.

 

Cette semaine-là, je finalisai ma dissertation semestrielle, à la salle commune.

-          Et hop, voilà, c’est envoyé. Je ne peux plus revenir en arrière.

 

Mais je n’oubliais pas, au milieu de toutes ces révisions, d’aller me détendre avec mes amis de l’UdB.

 

-          Jade, ça va ? Joli maquillage !

 

Anaïs, Stéphane et Mathieu étaient là aussi. Et Christian bien sûr. Ainsi que notre mascotte bien aimée, Darby le dragon.

 

Mais aujourd’hui, il y avait une autre mascotte parmi nous, celle de Foxbury, Larry le homard, qui fut intepellée par notre ami Mathieu.

-          Tu prends des risques en venant ici Larry...

-          Aucune crainte. Mes potes sont avec moi.

 

Lorsqu’il me vit, Chris me serra dans ses bras, comme il le faisait toujours mais, ce jour-là, il y avait du monde autour de nous, et cela suscita quelques réactions parmi nos amis.

 

Juste derrière nous, Darby et Larry étaient en train de se battre.

 

-          Non mais qu’est-ce qu’il leur prend à ses deux-là ?

-          Une question de rivalité, j’en ai bien peur, me répondit Christian, que rien n’étonnait.

 

Le dragon avait coupé la tête du homard...

 

Plus le semestre avançait, et plus je me sentais barbouillée. Pas tout le temps mais régulièrement quand même. Ce jour-là, j’avais même failli vomir sur la route, presque devant chez moi.

 

-          Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ?

 

Une semaine plus tard, un matin, après mon petit déjeuner, je m’étais installée dans ma chambre pour potasser mon bouquin d’arts culinaires.

 

J’étais heureuse, car cela faisait bien cinq jours que mon estomac m’avait laissée tranquille. Je mis donc ça sur le dos de toute la nourriture rapide que j’avais avalé. D’ailleurs, j’avais opté pour un régime salade, ces derniers jours, ce qui me confortait dans mon idée.

 

Mais visiblement, ce n’était pas terminé. Je fus pris de violentes nausées. Je me levai subitement...

 

...et courut jusqu’à la salle de bain.

-          Oh non !

 

Tout mon petit déjeuner atterrit dans les toilettes.

-          Ce n’est pas possible. Mais qu’est-ce que j’ai ?

 

Le lendemain, après avoir revécu la même crise que la veille, je me rendis chez Angela. J’étais vraiment inquiète, et je ne savais pas à qui d’autre me confier.

-          Comment ça tu vomis ?

-          Ça a commencé par des nausées mais, maintenant, je vomis. Et de plus en plus souvent.

 

-          Allons à l’intérieur. Nous y serons plus tranquilles pour parler.

 

-          Angela... Je crois que je suis malade, et j’ai peur d’avoir quelque chose de grave.

-          Moi, je ne crois pas. A quand remonte ton dernier rapport sexuel ?

 

-          A un mois, environ... je crois.

-          Et voilà ! Ne cherche pas, tu es enceinte.

-          Ce n’est pas possible. On a fait très attention...

-          Faire attention ne suffit pas parfois. Il faut prendre des mesures plus sûres. Tu devrais faire un test de grossesse.

 

-          Tu as raison. J’irai en acheter un dès demain.

-          J’en ai un, dans l’armoire à pharmacie des toilettes du bas. Prends-le, et fais ton test maintenant. Tu seras fixée comme ça.

 

Je trouvai l’armoire à pharmacie et pris le test. Il n’y avait plus qu’à... 


Angela avait raison...

 

Et ces nausées, toujours ces nausées.

 

Comment allais-je dire ça à Maman...

 

Je revins, toute penaude, vers Angela.

-          Tu avais raison, je suis bien enceinte... C’est la poisse.

-          Et le père, il est fiable ?


-          J’ai des doutes... C’est Jonathan Moreau. Je vais aller le voir au Hall Drake, tout à l’heure. On verra bien ce qu’il me dit.

-          Mais, Jonathan n’est plus au Hall Drake. Il a arrêté ses études à la fin du semestre dernier. Il ne loge plus sur le campus, tu ne le savais pas ?

 

-          Eh non, tu vois ! Il est venu me voir au Mas, puis nous nous sommes vus à Windenburg il y a un mois et demi, mais il ne m’a absolument rien dit.

-          C’est un pauvre type, un vrai coureur de jupons. Je suis désolée de te dire ça mais c’est la vérité. Tu n’as malheureusement pas tiré le gros lot.

 

J’étais complètement démoralisée, même si je m’attendais à quelque chose de ce genre. Jonathan n’avait jamais vraiment été très câlins avec moi.

-          Je m’occuperai de prévenir Jonathan plus tard. En attendant, je vais aller passer le week-end chez Maman. Je partirai demain soir. Il faut que je le lui dise.

-          S’il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour toi, surtout tu n’hésites pas.

 

-          Merci Angie. Mais pour le moment, il faut que je digère tout ça.

-          Je m’en doute bien, ma chérie. Et si ça ne va pas, tu m’appelles. Nous sommes amies. Je serai toujours là pour toi.

 

Vendredi soir.

J’arrivai chez Maman vers vingt-deux heures. Je ne l’avais pas prévenue car je ne voulais pas qu’elle me questionne au téléphone.

-          Mamounette !

-          Ma p’tite chérie ! Quelle bonne surprise !

 

-          Il faut que je te parle.

-          Hou la, ça a l’air sérieux... Allons-nous assoir.

 

J’essayai de mettre les formes pour lui annoncer la nouvelle, mais malheureusement, je crois qu’il n’y aurait eu aucune bonne façon de l’annoncer. J’étais enceinte, voilà tout.

 

-          Tu es QUOI ?

-          Je suis enceinte. Jonathan est le père de mon enfant.

 

Maman écouta, avec attention, ce qui ressemblait à la confession d’une enfant qui avait fait une grosse bêtise, puis elle me dit de ne pas m’en faire. Elle me serra dans ses bras et m’assura que nous en reparlerions le lendemain matin, après une bonne nuit de sommeil.

Elle n’avait émis aucun jugement. Je pense qu’elle avait simplement besoin, elle aussi, de digérer l’énorme erreur de sa fille.

 

Je la retrouvai le lendemain matin, au sous-sol, dans notre spa-piscine.

-          Je t’ai cherchée partout.

-          J’aime bien venir ici. Ton père et moi y avons passé de très bons moments.

 

-          Mamounette, est-ce que tu m’en veux ?

-          Bien sûr que non, voyons. Tu es enceinte, ce sont des choses qui arrivent. Je t’aiderai à gérer cela pour que tu puisses continuer tes études.

 

-          Tu es sérieuse ? Tu ne me demandes même pas si je veux le garder, ou pas ?

-          Pourquoi ? Tu ne veux pas le garder ?


-          Si justement. Plus j’y pense, et plus je veux le garder. Je crois que je l’aime déjà.

-          Et Jonathan ? Qu’en dit-il ?

-          Et bien pour l’instant, je n’en sais rien. Il n’est pas encore au courant.

-          Il faudrait peut-être lui en parler, non ? Il est tout de même directement concerné.

 

-          Je vais le faire, ne t’inquiète pas !

-          Oh oui ! Et tu vas le faire aujourd’hui ! Il est hors de question que tu restes ici pour le week-end.

-          Mais pourquoi ça ? J’aurais bien voulu passer le week-end avec toi, pourtant...

-          Je le sais bien, mais tu dois parler à Jonathan, c’est ça le plus important, dans l’immédiat.


-          J’ai bien entendu, Mamounette. Et je vais t’écouter, puisque tu es ma Maman pleine de bons conseils.

-          Cassandre, je vais te dire une chose : je suis vraiment très heureuse. Je vais être mamie ! Ça me fait tellement plaisir.


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