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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 1

Doreen - C'est écrit sur les murs

Les Mercenaires de l'impossible


Point de vue de Doreen

Ça y est, il était temps d’y aller et de se jeter dans la gueule du loup.

Monsieur le Maire de cette adorable ville sans charme avait pris les devants mais Odely, comme à son habitude, avait décidé d’user de sa vitesse vampirique pour entrer la première dans les lieux.

Elle n’avait jamais peur de rien, ou alors, elle le cachait très bien, mais je la soupçonnais plutôt de vouloir, une fois de plus, montrer à tout le monde, combien elle était puissante.


Je ne sentais pas cette affaire... C’est sûr, elle allait nous rapporter un gros pécule qui nous mettrait à l’abri des soucis jusqu’à la fin de nos jours mais elle sentait mauvais, très mauvais...

Je n’avais jamais ressenti une telle terreur en me rendant sur les lieux de crimes surnaturels et, ici, bien qu’il n’y ait eu aucun homicide de commis à notre connaissance, la peur m’envahissait, incontrôlable et presqu’insurmontable... comme si elle voulait dominer mon corps et le contrôler.

En observant les autres, j’eus l’impression qu’ils n’appréhendaient pas tous cet endroit avec la même hostilité que moi.


Monsieur le maire - Amaël, puisqu’il avait insisté pour que nous l’appelions ainsi - semblait être le seul à être heureux de grimper les marches qui le conduiraient forcément à sa perte.

Je ne m’expliquai pas son air guilleret et en vint même à me demander s’il ne nous conduisait pas dans un traquenard. Comment pouvait-on être si souriant lorsqu’on se rendait dans un hôpital psychiatrique vieux de quatre-vingts ans où des tortures avaient certainement dû être prodiguées aux malades en guise de soins...

Cet homme m’intriguait...


Il n’était cependant pas le seul à ne pas cacher sa joie d’être là.

Yoram était un extraterrestre dans toute sa splendeur et, comme tous les extraterrestres de Sixam, il avait vite compris que l’on pouvait se faire des oreilles en or avec des simflouz sur notre planète.

On lui parlait simflouz et il rappliquait. Sa cupidité n’avait d’égal que sa couardise, et j’espérais que, cette fois, il allait pouvoir nous étonner, mais, en le voyant ainsi, levant les yeux vers le ciel en souriant naïvement, j’eus un doute. Monsieur était, une fois de plus, en train de communiquer avec ses semblables et il leur décrivait certainement le super magot qu’il allait recevoir sans même lever le petit doigt...

Je n’aime pas Yoram, vous l’aurez compris.


Opaline non plus, n’avait pas l’air de ressentir la terreur qu’inspirait cet endroit. Je la voyais avancer, tout sourire, vers notre futur tombeau, sans sourciller.

Mais c’était son style, à Opaline. Même lorsqu’elle avait peur ou qu’elle était en pétard, elle souriait toujours. Alors, difficile de savoir si elle a la trouille ou non. C’est une gentille fille et j’espère que cet endroit maudit ne la changera pas. Il serait dommage qu’elle perde son joli sourire.

Ancelin et Audric avançaient devant, le visage plus fermé. Ils ne disaient rien, mais bien que je ne les sentis pas apeurés, je devinais aisément qu’ils approchaient de l’hôpital avec de nombreuses questions en tête. Audric avait tout de même l’air plus inquiet qu’Ancelin. Pourtant, mon collègue jeteur de sort n’était pas homme à se laisser intimider.


Fantine non plus d’ailleurs... mais elle avait dû ressentir, tout comme moi, les effets néfastes de cet endroit et traduisit sa peur en une colère contrôlée... enfin, pour le moment. Je n’osais même pas imaginer ce qui pourrait arriver si elle se laissait envahir par cette colère.

Elle était humaine, elle n’avait aucun pouvoir, mais elle était très courageuse et nous avait ôté les épines du pied dans plusieurs situation délicates. Pourtant, cette fois, elle semblait perdre ses moyens et pester contre quelque chose que nous n’avions pas encore vu.

J’aime beaucoup Fantine mais je dois avouer que son comportement, dans l’instant, me fait presque plus peur que tout le reste, car je ne l’avais jamais vue ainsi.


Et Odely... Odely a toujours le visage sérieux mais aujourd’hui, c’est autre chose... Elle a monté les marches la première, certes, mais j’aurais presque juré qu’elle hésitait une seconde, ou peut-être une microseconde, car Odely est maîtresse dans le domaine de la dissimulation de ses émotions.

Son visage sérieux était devenu grave et, si moi j’arrivais à ressentir les phénomènes inhabituels de notre monde, je savais qu’Odely excellait à ce jeu et me surpassait sans commune mesure.

Elle avait le pouvoir de lire dans tous les esprits et lorsque je dis tous, je ne parle pas seulement des humains, mais également de toutes les espèces de ce mondes, y compris les fantômes et les démons.

Et aujourd’hui, j’eus l’impression qu’Odely flanchait une microseconde, et elle augmenta le sentiment d’épouvante qui m’envahissait peu à peu.


C’est ce moment-là que choisit Amaël, le sourire beaucoup plus figé que précédemment, pour nous inviter à entrer dans l’hôpital.


L’environnement était déplorable. Des montagnes de déchets gisaient sur le sol, et des fûts contenant probablement des substances toxiques trainaient dans cette pièce qui avait certainement tenu lieu de réception, en des temps anciens.

Essayant d’oublier la nausée qui me saisit subitement, je remarquais une boule de cristal déposée négligemment sur le comptoir.


Ancelin et Odely étaient en train de mesurer l’ampleur de la tâche qui nous attendait pour que l’on puisse espérer vivre dans un endroit décent et nous étions tous convenus que nous devions nous y attaquer tout de suite afin de ne nous laisser surprendre par la nuit tombée que chacun d’entre nous entrevoyait difficile.


Audric s’était assis près du comptoir et attira notre attention sur une étrange décoration en forme de main à laquelle je n’avais pas prêté attention.


Le sol se mit à trembler pour la seconde fois depuis notre arrivée et la main n’en bougea pas pour autant, alors que le bureau sur lequel elle était posée, avait tressauté. Le phénomène n’eut pas l’air d’entamer le stoïcisme d’Odely qui se tourna vers mon confrère :

- On a peut-être autre chose à faire, tu ne crois pas ? Comme déblayer cet endroit nauséabond ? La main pourra finir aux ordures avec le reste.

- Je ne te le conseille pas... Cette main dégage une aura occulte... Elle pourrait nous servir.

- D’accord, c’est toi le spécialiste. On garde la main.


J’interrogeai alors Amaël pour savoir si la ville possédait une entreprise d’ébouage et de déchets verts à qui nous pourrions remettre les immondices et les plantes desséchées que nous allions enlever.

Malheureusement, nous étions éloignés de toute civilisation et l’entreprise de nettoyage ne passait qu’une fois par mois. A notre grand désarroi, Amaël nous apprit qu’elle était passée la veille au soir.


Odely se tourna vers nous.

- Je crois qu’il va falloir qu’on se débrouille par nous-mêmes et, en partant de rien, si on veut résoudre le problème de Monsieur le Maire. On doit tous se séparer de nos liquidités. Alors, si vous avez des espèces ou d’autres moyens de paiement sur vous, débarrassez-vous en.

Nous restâmes un instant interdits devant cette consigne qui semblait sortir de nulle part puis Amaël s’exprima :

- Ce serait insensé. Nous avons besoin d’argent pour pouvoir nous nourrir, et sûrement pour d’autres choses encore. On ne sait pas ce qui nous attend.

- Ce n’est pas moi qui le dis, Amaël, c’est le mur derrière moi.


Nous remarquâmes alors que plusieurs pans de murs de la pièce étaient couverts de documents manuscrits qui avaient jauni avec le temps et qui semblaient écrits dans une langue ancienne.

Opaline semblait fascinée par cette découverte :

- C’est vrai ! C’est écrit dans une langue qui ressemble au latin mais il y a quelques petites différences. Odely et moi avons réussi à traduire ce passage qui disait « In aeternum pandemonium signabitur, si hic manes, virgo omnis fortunae. » Pour l’éternité, le pandémonium sera scellé si, ici vous restez, vierge de tout fortune. C’est super, non ?


Amaël et Odely nous avait séparés en quatre groupes de deux afin de faire le tour de l’immense bâtiment qui avait été un jour un hôpital, afin que nous notions ce qui pourrait être exploitable ou non.

Elle-même était partie avec Monsieur le maire pour jeter dans le lac de la ville tout l’argent que nous avions sur nous. Yoram avait failli nous faire une crise de nerfs mais il avait suffi de le rassurer en mentionnant le pactole qui nous attendait à la sortie de cette aventure, pour qu’il se calme.

Nous nous étions tous retrouvés au jardin, dont la pergola avait été débroussaillée par Ancelin et Audric, afin de faire le point. Et les nouvelles n’étaient pas réjouissantes.


Nous n’avions accès qu’à une partie du rez-de-chaussée de l’hôpital, une partie de l’étage et au jardin, ce qui se résumait à la réception et à quatre salles de bain, sans douche, ni baignoire ; des toilettes et un pauvre lavabo duquel s’écoulait une eau à peine tiède, faisaient office de sanitaires. Je ne mentionne même pas les corridors, car ils ne représentent pas vraiment une pièce...

En gros, nous n’avions pas de cuisine et pas de quoi nous laver correctement...

Les portes condamnées n’avaient même pas pu s’ouvrir sous les puissances vampiriques d’Odely et Ancelin et je crois que leur confiance en eux-mêmes en avait pris un sacré coup.

Yoram et Fantine nous assenèrent le coup de grâce en nous informant que l’électricité ne fonctionnait pas malgré un compteur un parfait état de marche. Nos ennuis ne faisaient que commencer...

Nous avions quand même le jardin... mais ce n’est pas avec des bananes, des avocats et des cerises que nous allions pouvoir nous nourrir.


C’en était trop et je laissai exploser ma colère.

- Et Opaline ? Vous y avez pensé ? Ce ne sont pas quelques bouteilles d’eau qui vont pouvoir la réhydrater !


- Opaline a été celle qui m’a suggéré d’appliquer ce qui était écrit sur le mur et sa décision a été sage. Nous avons une mission, Doreen, il ne faut pas l’oublier. Je sais que cet endroit a tendance à nous rendre irascible mais il va falloir que l’on prenne sur nous pour avancer.

- Ou la colère nous tuera tous, ajouta Ancelin d’un air grave en fermant les yeux, soucieux. Les esprits commencent déjà à nous torturer, et nous ne les avons pas encore vus...


Il pouvait parler, lui ! Tout comme Odely, ses émotions étaient réduites et il n’avait peur de rien. Enfin, j’imagine... parce qu’à voir sa tête en cet instant, je n’en étais plus aussi sûre.

Mais il y a une chose pour laquelle il n’avait pas tort, la colère m’envahissait. Je la sentais s’insinuer en moi, sans que je ne puisse y faire grand-chose. J’essayai tout de même de baisser d’un ton pour rendre mes propos moins agressifs :

- Très bien, mais j’ai une question. Comment va-t-on faire pour manger ? Ce n’est pas si aberrant que ça, ce que je demande, si ?

- On va planter des graines, dit simplement Fantine. Il y a également un poulailler, un hôtel à insectes et plusieurs ruches dans le jardin...


Je me tournai vers elle avec mon plus beau sourire. Non, la colère ne m’aurait pas.

- Ok, mais il va falloir les acheter, les insectes... Les poules aussi. Et si on veut des œufs, il va nous falloir un coq, non ? Quant aux ruches... On ne va pas non plus se nourrir que de miel...

- Le miel et les fruits vont nous dépanner. Je comprends ton angoisse mais je suis sûre qu’on va trouver un moyen de se faire des sous. Il faut avoir confiance.


Confiance en qui ? En ces entités invisibles qui nous rendent la vie impossible alors que nous n’étions sur place que depuis une demi-journée à peine ? Je sais que j’ai un petit côté parano, mais quand même ? Personne ne trouvait ces messages sur les murs, bizarres ? Nous avions tous remis nos derniers deniers à Odely et Amaël pour qu’ils les détruisent. Qui aurait fait une chose pareille sans être sous l’emprise un spectre démoniaque ?


Yoram avait l’air d’être à mille lieues de notre conversation. Il essayait encore de contacter ses congénères de Sixam mais il n’avait pas encore compris que nous n’étions plus reliés à aucun réseau, qu’il soit électrique, aqueux, internet ou satellitaire. Tu pouvais toujours essayer, mon coco, tu n’arriveras à rien dans ce fichu hôpital ! Je m’en réjouissais presque mais ma satisfaction était tout de même amère. Nous étions tous dans la même galère.


La voix d’Audric me sortit de mes pensées :

- Amaël, il y a une boutique de graines dans votre bourgade ?


- Il y a une boutique, oui. Je dirais même qu’elle vaut tous les supermarchés du monde sim puisqu’on peut y trouver tout ce que l’on désire.

Il marqua une pause.

- C’est marrant quand j’y pense... car il suffit de formuler ce pour quoi on est venu et le vendeur vous l’obtient dans la seconde... je ne m’étais jamais fait la réflexion avant, et pourtant, la boutique est toute petite... C’est bizarre, non ? L’objet que vous achetez est toujours exactement tel que vous l’imaginez...


Amaël s’était levé, certainement absorbé par le fil de ses pensées.

Tout ici était étrange. Rien ne ressemblait à ce que nous avions vaincu auparavant. Et pour cause... Où étaient les fantômes et les démons ? Où étaient-ils ? Tout aurait presque pu paraître normal si nous ne ressentions pas cette terreur et cette colère au plus profond de nous. Voulaient-ils nous affaiblir avant de nous apparaître ? Et pourquoi le sol tremblait-il régulièrement ?


Je vis tout de suite que Fantine pensait la même chose que moi.

Amaël s’était approché d’Audric et de Yoram :

- Alors, oui, vous trouverez tout ce que vous désirez dans cette boutique... sauf si c’est hors réseau, je suppose.


Nous approchions des treize heures. Voilà déjà cinq heures que nous étions dans la place. Odely avait alors jugé qu’il était temps de défricher le jardin et de nous débarrasser de tous les déchets. Elle était persuadée que si nous vivions dans un cadre plus sain et plus propre, nous aurions tous un meilleur état d’esprit.

J’en doutais fortement, surtout lorsque je voyais qu’Audric, mon ami de toujours, me toisait avec un regard mordant... mais il était quand même probable qu’elle n’ait pas tort et que notre moral irait mieux.


Nous nous séparâmes donc, et j’eus beaucoup de chance car Odely m’envoya dans les environs pour explorer et identifier ce qu’il y avait à glaner. Elle espérait aussi que je puisse rapporter à manger. Non pas qu’elle s’inquiétât pour elle-même ou Ancelin (il y avait toujours les plasmafruits du jardin) mais je savais qu’elle se préoccupait toujours de nous tous, comme elle l’avait toujours fait.

Amaël et moi fûmes les derniers à partir.


En montant les marches pour accomplir les tâches qui nous avaient été assignées, nous laissâmes Odely et Ancelin, seuls au jardin. Nous nous trouvions près de Fantine à ce moment-là, et nous pûmes entendre quelques bribes de leur conversation.


La voix d’Ancelin était peu assurée. Je ne l’avais jamais entendu s’exprimer ainsi.

- Elle est encore là... Elle va tous nous anéantir. Tu le sais, n’est-ce pas ?


Il continua en regardant Odely :

- Elle va nous faire payer pour ce que nous lui avons fait et elle nous le rendra au centuple. Comment a-t-elle fait pour ouvrir la porte des Enfers ?

- Je ne sais pas... Elle est très forte, Ancelin, mais cette fois, il ne faudra pas la rater.

Devant nos airs interrogateurs, Amaël nous éclaira, Fantine et moi, sur ce que nous venions d’entendre et nous expliqua que nos deux associés vampires étaient déjà venus ici, il y a fort longtemps pour tenter d’exorciser l’hôpital.

Nous en fûmes vraiment surprises car ils ne nous en avaient jamais rien dit. Pourtant, notre alliance contre les créatures obscures ne datait pas d’hier...


Je décidai de faire fi de ce que je venais d’entendre pour ne pas laisser la colère m’envahir puis avançai d’un pas pressé vers la réception pour quitter l’hôpital au plus vite. C’était une chance pour moi d’avoir été choisie pour trouver dans le village ce que nous n’avions pas ici.

C’est alors que j’aperçus Opaline en pleine contemplation devant le portrait d’un beau jeune homme. Elle avait toujours aimé les beaux garçons. C’était son point faible, mais parfois, elle abusait un peu trop de ses pouvoirs siréniques pour obtenir leurs faveurs... Enfin, celui-là n’aurait pas à subir ses charmes. Il était immortalisé sur une toile depuis bien longtemps sûrement...


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