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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 12

Fantine - Intervention divine


Hier soir, en allant me coucher, j’avais refusé à Amaël toute possibilité de débattre pour savoir lequel de nous deux se rendrait au Pandémonium. Je lui avais promis d’en discuter à notre réveil, mais j’avais très mal dormi et, lorsque je me suis levée, il dormait encore.

Je pris donc une douche éclair, avalait un petit déjeuner sur le pouce, et décidai d’aller m’occuper au jardin. Après tout, la vie continuait, même pour les héros, et nous avions besoin de nous nourrir, et nos animaux aussi. A peine me retrouvai-je sur le pas de la porte, que j’eus la désagréable surprise de me trouver nez à nez avec un Trident de Vénus.


- Ne t’en fais pas. Les vaisseaux vénusiens ont bien été anéantis. J’imagine que Tempérance veut nous faire peur avec ses vieux cadeaux de leur part.

Odely venait d’apparaître au bas de l’escalier, fraîche comme un gardon.


- Je ne suis pas inquiète, tu sais. Je vais shooter cette abomination avec mes vieilles baskets, et il n’y paraîtra plus. J’ai autre chose à faire, tu vois. Il y a des poules, et un jardin, qui m’attendent.

- Ça me fait plaisir de te voir ainsi. Tu t’appliques aux tâches quotidiennes alors que tu as une lourde décision à prendre. J’avais pensé te relever des corvées, pour les donner à Doreen.

Son sourire était bienveillant mais son regard était tourmenté. Je savais qu’elle se faisait du souci pour moi. Elle s’en faisait pour nous tous.


Je lui souris à mon tour :

- Laisse Doreen tranquille. Je suis en paix avec moi-même. J’ai pris ma décision et je vais bien. C’est moi qui descendrai dans cet enfer. Et la seule chose que je veux, à présent, c’est m’occuper du jardin.

Je n’avais pas menti. J’étais sereine, peu importe l’issue de cette mission. J’avais eu toute la nuit pour y penser, et personne ne ferait revenir sur la résolution que j’avais prise.


Elle me regarda, ses grands yeux dirigés sur les miens :

- Et Amaël ? Il est d’accord avec ça ? Hier soir, c’est lui qui envisageait de partir...


- Laisse-moi gérer Amaël. Il n’est pas encore au courant, mais il acceptera ma décision. C’est à moi de le faire, je le sais.

- Fantine... Tu sais que rien ne t’oblige à faire ça. Ni toi, ni Amaël... Je ne vous en voudrai pas, si vous refusiez.

- Tu sais très bien qu’il ne s’agit plus uniquement de l’amour qu’Ancelin a perdu pour toi, Odely. Si on ne le ramène pas, c’est notre monde qui va s’écrouler. L’amour d’Ancelin n’a rien à faire au Pandemonium. Aurora nous l’a dit. Elle fait partie des actes malintentionnés dont nous a gratifié Tempérance. L’amour d’Ancelin doit se trouver dans son corps. Si je ne vais pas là-bas, c’est notre monde qui se retrouvera en péril. Nous devons rétablir l’équilibre.


J’avais eu le temps d’y réfléchir, et je savais que je serais plus motivée qu’Amaël pour accomplir cette tâche. Les avenirs du monde, et de l’au-delà, étaient entre nos mains mais, moi, j’avais encore plus à perdre : un ami. Et Ancelin était pour moi un ami de longue date.

- D’accord ! finit par lâcher Odely, à court d’arguments. Je n’irai pas contre ta volonté. De mon côté, je vais voir où en est Audric avec son sort, et sa potion.


Après le départ d’Odely, je fis valdinguer le trident en mille morceaux, avant de nourrir les poules et les insectes. Toutes ces activités me firent le plus grand bien. J’étais concentrée dessus et je ne pensai à rien d’autre.


Mais, les soins que j’administrai aux plantes, furent encore plus bénéfiques pour mon esprit. Arrosage, désherbage, cueillette... cette occupation était si prenante qu’elle me lavait de toutes les contrariétés qui auraient pu infester mes pensées.


J’étais en train de nourrir les poules lorsqu’Amaël m’appela. Il se tenait, la chemise ouverte, derrière les grilles du poulailler. Je l’avais presque oublié, mais la discussion que nous devions avoir semblait se rappeler à moi, inévitable. Je finis de lancer le grain aux poules, avant de m’avancer vers lui.


- Il serait temps que nous parlions, tu ne crois pas ?

J’osai à peine le regarder mais, oui, il avait raison, nous devions parler.


J’acceptai alors, de m’asseoir près de lui, sachant très bien comment finirait cette discussion, mais je lui devais bien d’exposer ses propres arguments.

- Je tiens à descendre là-bas, Fantine, j’y tiens absolument. Je récupère l’âme d’Ancelin, et je serai de retour auprès de toi en très peu de temps.

Les arguments... Je n’arrivais pas à les déterminer. Seul le regard assuré d’Amaël aurait pu, en d’autres temps, me convaincre.

- Vraiment ? Et pourquoi ce serait toi qui devrais t’y rendre ? En quoi es-tu plus légitime que moi pour cette mission suicide ?


- Je suis plus vieux que toi, Fantine. Si les choses devaient mal se passer, je préfère être celui qui y restera. Tu as encore toute la vie devant toi, tu es jeune. Moi, j’ai déjà vécu une vie. Je me suis marié, j’ai eu un enfant...

Alors, c’était ça son argument ? Mais comment pouvait-il se tromper autant ?


- Tu parles de ta fille ? De Gwen ? Tu lui avais promis de revenir dans deux jours... Voilà douze jours que nous sommes coincés ici. Elle a déjà dû retourner chez sa mère. Elle ne compte pas pour toi ? Moi, je n’ai rien à perdre. Tous mes amis étaient ici, et j’en ai perdu deux. Alors, si je dois sauver le monde, et ramener, en prime, l’âme d’Ancelin, je le ferai. Parce que tous ces gens comptent pour moi.


J’avais espéré toucher une corde sensible chez lui, mais il ne s’arrêta pas à mon discours, que j’avais estimé convaincant :

- Tu oublies une chose, Fantine. Je t’aime. Je t’aime à la folie, et ne voudrais pas qu’il t’arrive quelque chose. Je ne m’en remettrai pas. Et puis, Audric est là. Il me ramènera des Enfers. Je lui fais confiance.


La sincérité d’Amaël me toucha, sa spontanéité à me dire « je t’aime », naturellement, comme ça... Mes sentiments envers lui étaient tout aussi forts. Nous n’avions jamais parlé d’amour et, pourtant, je l’aimais de tout mon cœur, mon cœur qui avait vacillé à l’instant où il avait prononcé ces deux petits mots, mais, à ce moment-là, je me devais d’aller dans une autre direction :

- Amaël... On se connait depuis moins de deux semaines... On a passé de bons moments ensemble, je suis d’accord, mais... l’amour... Je ne ressens pas ça pour toi. On s’est retrouvé coincés ici, tous les deux, et tu as été un super plan « crac-crac ». N’en parlons plus. C’est moi qui vais descendre jusqu’au Pandémonium. Et puis, n’oublie pas, le diamant bleu est à moi. Je le garderai à mon cou, quoiqu’il arrive.


Il m’avait regardée, l’air contrit, et m’avait laissée, libre de mon choix, sur de simples mots. Sa gorge nouée avait réussi à s’exprimer mais, je pouvais deviner, au timbre de sa voix, que je venais de détruire tout ce qui avait pu se construire entre nous deux :

- Fais ce que tu veux, tu as raison. Ce n’est pas une aventure de deux semaines qui va nous dicter notre conduite. Et puis, j’ai une fille qui m’attend.

Sa voix tremblait encore lorsqu’il me salua avant de partir. J’étais tellement triste.


Je m’éloignai, alors, de l’enceinte de l’hôpital pour pouvoir pleurer tranquillement, loin des regards inquiets de mes amis, lorsqu’Aurora apparut devant moi, magnifique dans sa robe de déesse.

- Ne pleurez- pas...

- Je n’ai même pas commencé.

- Mais vous alliez le faire. Ne vous en faites pas ainsi, et croyez en l’amour. Amaël finira par comprendre. Vous avez pris la bonne décision.


- Vous savez déjà que c’est moi qui vais descendre, là-bas ?

- J’entends les pensées et je ressens les émotions. Pour tout vous dire, j’espérais que ce soit vous qui vous rendiez au Pandémonium. Le diamant bleu est à vous. Ce sera beaucoup plus facile. Il faut que nous parlions, maintenant.


- J’imagine que vous allez m’expliquer comment je vais devoir procéder...

- Oui, mais n’ayez aucune crainte. Le diamant vous protègera durant toute la durée de votre passage à Inferno. Le mal y sera omniprésent, et le talisman vous permettra de conserver votre pureté d’âme.

- Super ! Me voilà rassurée.


La déesse poursuivit son discours, sans même relever ma dernière phrase. Elle m’expliqua qu’elle allait ouvrir un portail qui me conduirait directement dans la salle où Tempérance avait entreposé l’amour d’Ancelin. L’âme était dans une boîte marquée d’une tête de mort. Il me suffisait d’ouvrir la boîte, de prendre l’âme, de déposer l’idole d’Audric sur l’autel, et de repartir en sens inverse. Voilà, dis comme ça, c’était une mission super facile ! Sauf qu’il fallait que je meure pour la réussir.

- Hein ? Mais quelle idole d’Audric ?! réalisai-je soudain.

Personne n’avait jamais parlé d’une idole...


- Audric a trouvé une idole, quelques jours après votre arrivée dans l’hôpital. Il la garde dans ses affaires. Cette idole va permettre d’expulser Tempérance des Enfers, et de refermer toutes les brèches. Grâce à elle, nous pourrons enfin reconstruire le monde de l’Au-delà.


- Je sens que je m’apprête à vivre une vraie partie de plaisir !

- Ne vous en faites pas. Tout cela a l’air compliqué, mais ça ne durera que quelques minutes.


Elle me regarda, alors d’un regard bienveillant.

- Et je ne serai pas loin. Je vous accompagne. Par contre, au cas où nous croiserions quelqu’un sur notre route, je préfèrerais que le médaillon reste dans votre poche. Il ne faudrait surtout pas qu’on vous l’arrache.

C’était la meilleure nouvelle du jour ! Aurora allait venir avec moi. J’en aurais presque hurler de joie, tellement je me sens moins seule, tout d’un coup.


 

Aurora avait réuni tout le monde, dans l’après-midi, car le timing devait être parfait pour que l’entreprise réussisse, et que tout le monde se sorte sain et sauf de cette aventure à haut risque.

Doreen avait, finalement, accepté de se joindre à Audric pour l’aider à consolider le sort qui allait me ramener. Il faut dire qu’Audric, son truc à lui, c’étaient d’abord les potions, pas les sorts.


Notre ami sorcier nous avoua avoir dissimulé l’idole, peu de temps avant d’avoir mis le feu aux ordures de l’hôpital. Il nous dit qu’il pensait la statuette bienveillante, mais qu’il avait décelé une aura destructrice émanant d’elle, et il avait préféré la mettre à l’écart, afin que personne ne soit blessé.

- Cette idole ne vous aurait rien fait, affirma Aurora. Elle est destinée à détruire les portes de l’enfer, pour que plus rien n’en sorte. C’est certainement cela que vous avez ressenti.

Audric promit de nous remettre très vite l’idole, pour que nous puissions l’utiliser.


Aurora briefa tout le monde sur ce qui m’attendait en enfer, puis Doreen et Audric nous détaillèrent, point par point, l’ordre à suivre pour me ramener à la vie.


- Vous aurez six minutes pour récupérer l’âme d’Ancelin, et revenir. Six minutes, pas une de plus, sinon, nous ne pourrons pas ramener Fantine.


Ouah, la pression, tout d’un coup... Six minutes ? Mon moral avait pris une grosse claque...

Odely, qui n’avait pas encore parlé, jugea le moment opportun pour le faire :

- Comment ça, six minutes ? Vous n’avez pas mieux à proposer ? Vous êtes des sorciers, non ?

- C’est le temps maximum pour que le sort soit stable, et qu’on ne passe pas du côté obscur de la magie. Doreen a raison, ce serait très risqué, et le remède pourrait être bien pire que le mal.

Aurora appuya les dires d’Audric :

- On ne peut pas avoir recours à la magie noire pour faire le bien, surtout en Enfer. Cela se retournerait contre nous. Six minutes seront largement suffisante pour ramener Fantine.

- De toute façon, j’irai là-bas. Peu importe que j’ai six minutes ou une heure, leur dis-je pour mettre un terme à la polémique.


Amaël me regardait et je pouvais lire beaucoup d’inquiétude, dans ses yeux. Je le regardai alors, à mon tour, essayant de lui faire mon plus beau sourire :

- Et puis, je dois sauver le monde, il ne faudrait pas l’oublier !

J’entendis la voix grave d’Audric :

- Fantine, nous allons juste arrêter ton cœur, et le faire repartir, comme si nous étions des médecins... enfin presque...

- Ok, ça me va.


 

Le soir venu, Aurora, aidée d’Audric et de Doreen, s’apprêtait à ouvrir un portail vers le Pandemonium, et plus précisément, vers la salle où je retrouverais l’âme d’Ancelin. Les voir ainsi unir leur pouvoirs, étaient très impressionnant. La déesse avait fait jaillir de la paume de ses mains, des flammes. Sûrement un avant-goût de l’Enfer.


Je ne sais pas pourquoi elle poussait d’étranges cris, mais je crois que c’était nécessaire pour le sort... Doreen et Audric, eux, étaient là pour stabiliser le portail, pendant qu’Aurora y jetterait son localisateur. Oui, c’est ainsi qu’elle appelait le feu qu’elle tenait dans sa main.


Tout à coup, Doreen se mit à crier :

- Je le sens, il est bientôt là ! Préparez-vous, Aurora !

- Je le sens aussi. Je suis prête.


Aurora envoya le localisateur, sur je ne sais quel point invisible, connu d’elle seule, puis il disparut, laissant la place à un vortex enflammé. Bon sang ! Je ne m’attendais pas à ça du tout.

- Ce sont les flammes de l’Enfer. On l’a ouvert au bon endroit, s’extasia la déesse.

Amaël, lui, n’eut pas du tout la même réaction enthousiaste :

- Je peux encore y aller à ta place, tu sais.

- Oui, je le sais, mais je veux y aller.


J’ôtai mon collier, et mis le diamant bleu, en sécurité dans la poche de ma jupe, comme me l’avait recommandé Aurora. Le moment était arrivé. Mes amis allaient arrêté mon cœur. J’espérais vraiment que leur magie serait aussi efficace qu’un défibrillateur, lorsqu’il s’agirait de me ramener à la vie...


Mais j’avais confiance, et je m’avançai vers eux d’un pas assuré. Ils me ramèneraient, je le savais. Je les avais déjà vu travailler ensemble, et, à tous les deux, ils pouvaient faire des miracles. Je serai le prochain de leur liste, voilà tout.

- Vous êtes prête ? me demanda Aurora.


Je n’étais pas prête du tout. J’avais une trouille bleue et le ventre qui tournait, mais personne ne voulait entendre ça... sauf peut-être Odely.

- Oui, je suis prête. Faites votre magie, qu’on en finisse. Et rappelez-vous que vous m’avez fait une promesse.

- On la tiendra.


Tout se passa très vite. Doreen et Audric se sont tenus la main, et on simplement jeté le sort, grâce à une formule magique de leur cru.

Je sentis, presqu’immédiatement, mes jambes se dérober sous moi. Je me sentais bien, ma peur avait disparu. Je me suis vue tomber sur le sol et, une fois à terre, je fermai les yeux.


Lorsque je revins à moi, j’avais l’impression de flotter. Mes pieds ne touchaient plus le sol, c’était très marrant.

J’entendis la voix d’Audric, juste derrière moi :

- Ça a marché.


Je m’étais assise une seconde, pour me remettre de mes émotions, mais tous mes amis avaient rappliqué autour de moi, et Aurora me pressait de la suivre.

- Nous n’avons que six minutes, Fantine. Vous vous reposerez plus tard.

Amaël et Odely approuvaient la déesse. C’est dommage... C’est très sympa d’être un fantôme. J’aurais aimé avoir plus que six minutes pour pouvoir en profiter. Vous changez de couleur au gré de votre humeur. Je suis passée du violet au rose, en une fraction de seconde, et je crois que c’est à cause d’Amaël. C’est assez cool comme sensation.


Mais Aurora ne semblait pas vouloir attendre davantage, alors, je la suivis.

- Vous vous rappelez tout ce que je vous ai dit, Fantine ?

- Oui, pas de soucis !

- Très bien, parce que nous n’aurons pas une minute à perdre lorsque nous serons « en bas ». Avec vos enfantillages, il ne nous reste que cinq minutes.

Je crois qu’elle n’était pas très contente la déesse...

- Vous passez la première. Je ne serai pas loin derrière vous.

Ah bon ? Ok, de toute façon, je n’ai pas peur. Ma nouvelle condition de fantôme me rend vraiment courageuse, mais j’aurais pu parier qu’elle ne m’avait jamais dit que je passerai la première... J’avançai vers le trou noir et franchit le portail


 

Lorsque j’arrivai à Inferno, je fus tout de suite mise dans l’ambiance. Si je n’avais pas été un fantôme, je crois que mes chairs auraient brûlé sur place, tant la chaleur était intense. Bizarrement, je n’étais pas incommodée par cette chaleur, ni par le souffre qui enveloppait la salle. J’étais juste bien. Peut-être était-ce parce que je savais que je ramènerais son amour, à Odely, ou alors, que je sauverais tous les mondes, qu’ils soient terrestres, ou de l’Au-delà.


Comme promis, Aurora avait ouvert le portail, directement sur la pièce où se trouvait l’âme d’Ancelin. Je reconnus immédiatement la boîte, telle qu’elle me l’avait décrite.


J’allais juste m’en saisir pour l’ouvrir, lorsque je sentis un souffle derrière moi. Guidry venait de faire son apparition.


- Qu’est-ce que tu fais là ? Tu devrais hanter l’hôpital, à l’heure qu’il est, pas les Enfers.

- C’est Aurora qui m’envoie pour t’aider. Elle est allée s’assurer que Tempérance avait bien quitté Inferno, et je suis venu te prévenir que ses sbires arrivent. Ils feront tout pour t’empêcher d’emmener le bout d’amour avec toi, et je ne pourrai rien faire pour t’aider. Pas même elle. Nous nous devons d’être neutres.


- Ouais, ben j’allais ouvrir la boîte quand tu es arrivé, figure-toi. Tu me retardes.

- On ne peut pas ouvrir cette boîte. Elle est scellée. Si tu veux récupérer l’âme qui y est enfermée, comporte-toi comme un fantôme.

- Comme un fantôme ?

- Tu m’as déjà vu faire, non ?


C’est vrai... Je pris quelques secondes encore pour m’en rappeler, mais j’avais vu Guidry, à plusieurs reprises, posséder des objets. Je crois que c’est ce dont il parlait quand il disait que je devais me comporter comme un fantôme. Je fonçai sur la boîte et me retrouvai à l’intérieur, en très peu de temps. Le bout d’amour d’Ancelin était là, si beau et si lumineux. Alors, c’est ça, l’amour, lorsqu’on peut le matérialiser ? Et il ne s’agissait là que d’un tout petit bout, le seul qui restait à Ancelin... J’étais complètement éblouie. Je me demandai, alors, à quoi pouvait ressembler l’amour dans son entier.

De là où j’étais, je pouvais entendre Guidry :

- Il faut sortir de là, tu n’as plus beaucoup de temps.

- Ok, ok, j’arrive !


Je lui montrai fièrement mon trophée :

- Tu as vu ce que j’ai trouvé !

- L’amour d’Ancelin...

Guidry resta bouche bée, un instant. Il savait ce que j’allais trouvé, bien sûr, mais autre chose l’avait surpris :

- Je ne m’attendais pas à ça... Son amour est vraiment pur. Je n’avais jamais rien vu de tel... Et dire que j’ai provoqué ce vampire pour qu’il me haïsse.


Aurora fit une apparition soudaine entre nous deux.

- Claude-René vous l’a dit. Il est temps de partir.

- Oui, j’avais compris.


- Je ne suis pas sûre. Il ne vous reste que quarante-cinq secondes. Ensuite, vous mourrez.

Son regard était perçant, il ne plaisantait pas. Alors, dis comme ça, je n’avais pas intérêt à m’endormir, si je voulais récupérer mon corps, et ma vie. De toute façon, j’avais assez traîné dans cet enfer.


Guidry se dirigea le premier vers le portail. Nous commençâmes à lui emboîter le pas, mais Aurora se tourna vers moi :

- Passez devant, Fantine. Je veux m’assurer que vous rentrerez saine et sauve auprès des vôtres.


- Je n’avais pas l’intention de m’éterniser, vous pouvez me croire ! On emmène Guidry, alors ?

- Guidry n’est pas destiné aux Enfers. Et j’ai d’autres projets pour lui.


Lorsque j’arrivai de l’autre côté du vortex, je sentis mes forces m’abandonner. Tout fantôme que j’étais, ma vie semblait me quitter... Pourtant, je pouvais deviner la présence d’Amaël. Elle s’insinuait au plus profond de moi, tandis que le sommeil m’appelait, de plus en plus puissant.


Lorsque je me réveillai, j’étais dans les bras d’Amaël, et il me semblait être moi. Le portail avait disparu. J’essayai de parler, de rassurer Amaël, mais je n’y parvenais pas. Je n’arrivais pas, non plus, à garder les yeux ouverts. Je sentais les larmes de mon amant, couler sur mon épaule :

- Réveille-toi, Fantine, je t’en prie...


Puis la voix d’Odely...

- Pourquoi ne se réveille-t-elle pas ? J’entends son cœur battre.

- Il faut lui laisser un peu de temps. C’est tout à fait normal, après un tel sort. Elle doit retrouver ses marques, dans son propre corps.


D’après mes amis, il me fallut une bonne heure pour sortir de mon état léthargique. Amaël me serra longuement dans ses bras, et m’embrassa amoureusement. Notre petite querelle était oubliée.


Notre mission n’était pas, pour autant, terminée. Grâce à l’idole, nous avions refermé toutes les failles qui s’étaient ouvertes depuis l’Enfer. Chacun était donc, à sa place, dans le monde qui était le sien. Les fantômes pourraient donc reposer en paix, sauf Tempérance et Guidry.

Tempérance s’était enfuie lorsqu’elle avait senti le vent tourner. Aurora s’en était assurée. Il ne restait plus qu’à trouver dans quel endroit de l’hôpital, elle s’était réfugiée.

Quant à Guidry, la déesse avait des projets pour lui, mais nous ignorions lesquels.


- Et si nous allions rendre son âme à Ancelin, maintenant ? proposa-t-elle.

Nous attendions tous ce moment, fébrilement. L’âme était à l’abri, à l’intérieur du diamant bleu, dans la poche de ma jupe.


Je remis le pendentif à mon cou. Je devais le garder sur moi, jusqu’à ce qu’il soit transmis à Ancelin. Cette fois, il n’y aurait pas besoin de sorciers pour libérer l’âme, juste le pouvoir d’une déesse.

Odely était tendue. Elle savait que c’était sa dernière chance de récupérer son mari, et elle craignait que nos plans ne puissent pas être menés à bien. Après tout, Tempérance était toujours dans la nature...


Nous nous étions rendues, Aurora, Odely et moi, jusqu’à la chambre d’Ancelin. La déesse avait ouvert le cercueil, attaché le pendentif autour du cou de notre ami vampire, puis elle avait apposé ses mains sur sa poitrine, et refermé le cercueil.

Nous attendions, toutes les trois, le résultat de cette manipulation magique. Le bout d’amour devait réintégrer le corps de notre ami, grâce à la puissance du diamant bleu, combiné au pouvoir de la déesse.


Le cercueil d’Ancelin s’était rouvert, à peine quelques minutes plus tard.



Il portait toujours mon pendentif autour du cou.

- Est-ce que ça a marché ? demandai-je à Aurora.

- Bien sûr.


Lorsqu’il ouvrit les yeux, son regard était glacial. Mais il était souvent glacial, même avant la perte de son amour, alors, difficile à dire.

Il sortit de sa boîte, et se dirigea tout de suite vers Odely. Ils se regardèrent un long moment, sans dire un mot, puis Odely brisa le silence :

- Tu es revenu...

Cette fois, j’étais soulagée. S’il y en a une qui pouvait savoir à qui elle avait à faire, c’était bien elle. Et elle avait dit qu’Ancelin était revenu.


Aurora et moi nous étions éclipsées, pour les laisser seuls. Je savais que ces deux-là n’étaient pas adeptes des démonstrations d’affection, en public.

Lorsque la porte se referma derrière nous, j’entendis les premières paroles de mon ami, après cette longue période d’hibernation :

- Je suis désolé.


Je remerciai Aurora pour tout ce qu’elle avait fait pour nous. Elle me dit que son travail ici, était terminé, et qu’elle allait devoir partir pour remettre de l’ordre dans l’au-delà. Maintenant que chaque monde était à sa place, elle pouvoir œuvrer en sachant que l’équilibre allait être rétabli.

Elle me remercia, à son tour, d’avoir pu permettre cet état de chose, grâce à mon courage.


- Il ne vous reste plus qu’à trouver Tempérance, et à la vaincre. Maintenant qu’elle n’a plus accès à l’Enfer, ça risque d’être beaucoup plus facile.


Aurora nous dit au revoir en fin de nuit. Elle nous souhaita bonne chance pour retrouver Tempérance, puis disparut dans un nuage de vapeur. Ancelin me rendit mon pendentif juste après son départ.




Crédits :

La pose de Fantine est de Johanne Bernice

Les poses de Odely et Tempérance sont de Natalia Auditore

Les CC de feu, ainsi que le portail, sont aussi de Natalie Auditore.

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