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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 17 - Amour et vengeance

Cendre et la Vallée Oubliée


- Qu’y a-t-il de si important, Caleb ?


- Je suis amoureux fou de Jessie.

- Ça, j’avais cru le remarquer. Vous n’êtes pas franchement discrets lorsque vous batifolez.

- Tu ne comprends pas... Elle n’est pas une simple amourette pour moi. Je l’aime, je l’aime vraiment.


- Caleb, pas de ça avec moi ! Tu sembles oublier que c’est toi qui m’as parlé de cette histoire d’amour Unique. Alors, n’utilise pas de mots dont tu ignores le sens. Jessie m’est précieuse et je ne tolèrerai pas que tu lui fasses du mal.


- Je ne lui ferai jamais de mal. C’est justement de cela dont je suis venu te parler. Elle est mon Unique, je le sais, je le sens. Je suis venu pour te demander sa main.


- Tu... quoi ?

Cendre s’était interrompue. Elle regardait son ami, et son cerveau réfléchissait à toute vitesse. Caleb n’avait pas l’air de plaisanter, ce qui signifiait que, si elle donnait son accord, Jessie irait vivre chez lui et qu’elle devrait se passer de servante. Cela lui paraissait impensable. Jessie était à son service depuis dix-neuf ans déjà et, de plus, les enfants l’adoraient.

- Tu es sûr ? Tu es sûr de l’aimer ?


- Oh oui ! Je n’ai jamais été plus sûr d’une chose de toute mon existence. Je veux qu’elle soit ma femme et qu’elle passe sa vie auprès de moi.


- Jessie est humaine ; est-ce que tu en es bien conscient ? Dans une vingtaine d’années, elle sera moche et ridée... Et puis, elle va mourir...

- Bon sang, Cendre ! Tu crois que je n’ai pas pensé à tout ça ? Tout ce qui nous importe est de passer les prochaines quarante ou cinquante prochaines années l’un auprès de l’autre. Je n’en ai rien à faire de ses rides ! C’est elle que j’aime !

- Tu seras malheureux lorsqu’elle mourra...


- J’aurais l’éternité pour m’en remettre. Alors ? Tu es d’accord pour que je l’épouse ?

- Non. Je dois d’abord y réfléchir.


Cendre s’était levée. Elle ne tenait pas à poursuivre cette discussion qui la heurtait immensément.

- Rentre chez toi maintenant, Caleb.


- Pourquoi réagis-tu comme ça ? Tu es jalouse parce que ton Unique dort dans un cercueil ? Tu ne veux pas que les autres soient heureux, c’est ça, Cendre ?


Elle n’avait pas répondu. Caleb se trompait. La seule raison qu’elle opposait à ce mariage était qu’elle allait perdre sa servante, une raison certes égoïste, il faut bien le reconnaître, mais une raison qui en valait beaucoup d’autres.


 

Cendre dormit très mal ce jour-là. Elle avait tourné et viré dans son cercueil plusieurs heures durant, si bien qu’elle avait fini par se lever. De toute façon, elle n’aurait pas son quota de sommeil pour la journée... Caleb l’avait trop énervée pour cela.


Elle attendit le lever de la nuit pour se rendre sur la tombe de ses filles, et c’est alors qu’elle le vit... Elle aurait reconnu sa carrure et sa tignasse blonde entre mille autres.

- Ça alors... , murmura-t-elle.


Elle le regarda avancer dans la neige et il s’arrêta net ; leurs regards se croisèrent. Sans doute avait-il senti que quelqu’un l’observait.

- Cendre ? Est-ce que c’est bien toi ?

L’homme était aussi beau que dans ses souvenirs malgré quelques rides qui avaient dû le surprendre à la quarantaine, et sa voix, toujours aussi chaude, faisait remonter à la surface de mauvaises cicatrices du passé. Il inspirait confiance, tellement confiance qu’elle lui avait tout dit et qu’il l’avait trahie de la pire des façons en la vendant à Oba-San.


Axel Gageure ignorait qu’il se jetait dans la gueule du loup en venant à Forgotten Hollow, et Cendre avait enfin une perspective de vengeance qui se profilait à l’horizon.

- Ça se pourrait bien, lui répondit-elle tandis qu’il s’approchait de la grille les séparant.

- Tu n’as pas pris une ride... et tu es toujours aussi belle.

- Arrête de me flatter, je ne suis plus aussi innocente qu’autrefois. Je sais ce que tu as fait.


- J’en suis désolé, crois-moi. Il te soupçonnait depuis un moment déjà et voulait que je lui donne des renseignements... Il ne se passe pas une journée sans que je ne regrette ce qui s’est passé. J’ignorais qu’Oba-San aurait lancé un contrat sur toi... Tu étais sa fille... Cendre, je te croyais morte...

- Je suis bien en vie, comme tu peux le constater... mais il s’en est fallu de peu et je ne suis pas prête d’oublier dans quel état je suis arrivée ici.


- Tu crois que tu pourras me le pardonner un jour ?

- Jamais, j’en ai bien peur.


Au fur et à mesure que Cendre s’entretenait avec Axel, le ton de la conversation s’allégea et elle en vint à penser, qu’au lieu de le tuer, elle pourrait très bien en faire un géniteur.

- Que fais-tu près de cette chapelle ? Tu t’es mise à prier ?

- J’en avais besoin... et puis, j’habite ici.


- Tu me fais marcher !

- Pas du tout. Je t’invite, si ça te dit !

- Bien sûr que ça me dit. J’ai toute la nuit devant moi et je n’ai pas l’impression qu’il y ait beaucoup d’hôtels dans le coin...

- Il n’y en a pas.


Cendre avait enlevé son manteau, revêtu un pull et s’était installée auprès du feu avec son ancien amant. Il se leva lorsqu’ils entendirent Clotaire pleurer. Le pauvre petit devait avoir faim.

- Tu as un bébé ?

- Oui...

- Et où est le père ?

- Il est mort prématurément.


Ces mots semblèrent rassurer Axel qui se rassit aussitôt.

- Je suis vraiment désolé...

Cendre se retint de répliquer car elle devinait que la compassion de ce bonimenteur n’était que façade.


- Alors, dis-moi, comment se fait-il que tu n’aies pas pris une ride ? Tu sembles aussi jeune que la dernière fois que je t’ai vue. Et tu ne portes plus de lunettes ?

- C’est le secret des femmes, figures-toi. Les crèmes et les lentilles de contact.


- J’avais oublié combien tu étais belle.


Axel s’enhardit à passer son bras autour des épaules de Cendre qui le laissa faire. Ce délateur ne doutait de rien mais il ignorait encore que ce n’était pas lui qui menait le jeu mais bien elle.


- Es-tu toujours à la solde d’Oba-San, Axel ?


Il s’écarta, surpris par la question.

- Je travaille toujours pour lui, oui, ce qui ne veut pas dire que toi et moi soyons ennemis. Oba-San est un vieillard maintenant. Il n’a plus sa prestance d’antan. Plus personne ne le craint.


- Et comment pourrais-je te croire ? Tu m’as déjà trahie une fois...


- Nous avons vieilli, toi et moi. Nous sommes trop vieux pour jouer à ces jeux d’enfants. Mais malgré tout, nous n’avons plus besoin de parler pour savoir ce que nous voulons l’un et l’autre, n’est-il pas vrai ?


Ce qu’elle voulait, c’était le tuer, là, tout de suite, de ses propres mains, mais sa fin serait trop douce ; alors que, s’il se voyait réduit au simple statut de reproducteur, Axel l’égocentrique, ne s’en remettrait jamais. Elle abonda donc dans le sens de ses mots séducteurs.


Mais elle s’était levée. Elle avait prévu de laisser sa chambre à Axel pour la nuit et de l’y enfermer. Elle ne se sentait pas de batifoler avec lui pour le moment mais elle ne souhaitait pas non plus qu’il découvrit ses cellules dans l’immédiat. Les parties de jambes en l'air devraient attendre.

C’est alors qu’il lui donna une information cruciale :

- Oba-San sera là demain matin, Cendre.


- Oba-San vient à Forgotten Hollow ? Tu es sérieux ?

- Il sera là dans la matinée. Tu vois, je suis honnête avec toi. Je ne te cache rien mais reste sur tes gardes avec lui.

- Mais que venez-vous faire ici exactement, tous les deux ?


- L’art, toujours l’art... Il paraît qu’il y a un vieux type qui vit ici dans un manoir et qui possède des toiles d’une valeur inestimable. Oba-San veut le rencontrer.

- Je lui souhaite bien du plaisir.


 

Cendre s’était retirée pour se rendre directement chez Lilith en souhaitant une bonne nuit à Axel.

- Il faut que je te parle. Ton frère n’est pas là, j’espère.

- Non. Il est sorti. Nous avons eu une prise de bec à propos de sa Jessie.


- Oh... Tu es donc au courant...

- Tout le monde est au courant. Caleb clame son amour pour l’humaine à qui veut l’entendre ! Je me demande vraiment s’il sait que les vampires n’épousent pas les humaines ! Ils leur font des bébés mais ne les épousent pas ! C’est ainsi depuis des siècles et cela fait partie de nos valeurs.


- Tu comprends mon dilemme alors... Il est venu me voir pour me demander l’autorisation de l’épouser.

- Et que lui as-tu dit ?

- J’ai refusé. Il faut que j’y réfléchisse.


- Tu as bien fait. Mon frère pousse le bouchon cette fois en allant contre nos coutumes. Vlad serait fou si tu acceptais.

- Vlad est aussi au courant ?


- Oui. Caleb avait lui d’abord fait sa demande mais il l’a envoyé vers toi. Il est certain que tu prendras la bonne décision mais ne veut pas t’influencer. Moi, je pense surtout qu’il ne veut pas prendre cette décision lui-même.

- Caleb dit que Jessie est son Unique. Tu crois que ce peut être vrai ?


- Franchement, oui. Je n’ai jamais vu mon frère comme ça et c’est ce qui me désole le plus dans cette histoire mais, on ne peut pas aller contre nos coutumes, surtout pas toi, la future grande maîtresse. Il y aurait bien une solution mais il faudrait que Jessie accepte.

- Dis-moi tout.


- Une transformation. Si Jessie est une vampire, alors le problème n’existe plus... mais je doute que Caleb soit d’accord avec ça. Il ne voudra jamais la transformer.

- De toute façon, si quelqu’un doit transformer Jessie, ce sera moi et personne d’autre. Il va falloir que j’aie une petite discussion avec elle et que je réfléchisse encore à tout ça.


Cendre allait s’en aller lorsqu’elle se rappela la raison initiale de sa visite à Lilith.

- J’ai oublié de te dire... Demain, en milieu de matinée, un humain du nom de Oba-San va arriver dans la Vallée avec l’intention de rencontrer Vlad. Personne ne doit y toucher. Et je compte sur toi pour me l’amener, étant donné qu’il va débarquer en plein soleil.

- Oban-San ! TON Oba-san ?

- Celui-là même.

- Ne t’inquiète. Je m’en charge. Il sera chez toi demain.


A son retour de chez Lilith, Cendre se sentit suffisamment calmée pour mettre en œuvre son projet de bébé avec Axel, qui fut tout heureux de partager son lit sans se douter des conséquences à venir.


 

Lilith arriva, comme prévu, le lendemain dans la matinée, avec Oba-San. L’homme dont elle se souvenait avait beaucoup changé et était devenu un vieillard malgré une volonté évidente (et inutile) de vouloir paraître jeune en essayant de dissimuler ses cheveux blancs.

Elle l’entendit murmurer :

- Cendre Valrose...


Lilith le maintenait d’une main ferme.

- Oba-San ! Quelle joie de te retrouver. Tu as pris un coup de vieux, dis-donc !

- Espèce de sale petite voleuse ! Je vais te tuer !


Lilith le maîtrisa :

- Calmez-vous, Monsieur Oba ou c’est moi qui vais vous calmez. On ne s’adresse pas ainsi à la femme la plus puissante de Forgotten Hollow.

L’homme mésestima cependant l’injonction de Lilith Vatore.

- Je ne sais pas comment tu as fait pour t’en sortir mais je vais te régler ton compte, tu peux en être sûre !


Cendre se délectait. Lilith venait de plaquer son ennemi au sol sans ménagement, et sans aucune considération pour l’âge avancé de celui-ci. Cependant, elle voulait se retrouver face à face avec son père adoptif et n’en faire qu’une bouchée.

- Lilith... Tu peux nous laisser maintenant. Oba-San et moi allons avoir une petite conversation privée, tous les deux.


Lilith relâcha l’homme et quitta la chapelle, laissant à Cendre le soin de s’occuper de lui.

- Cette fille est une vraie tigresse. C’est ton garde du corps ?

- Je n’ai pas besoin de garde du corps.


Oba-San s’était rapproché d’elle, sûr de lui. Ils se firent face.

-Je vais te tuer maintenant, Cendre. Dis adieu à la vie.


Cendre poussa un cri d’outre-tombe puis se transforma sous les yeux du vieil homme qui eut un mouvement de recul.


Il n’eut pas le temps de réaliser que la jeune vampire se jeta sur lui.


Et il ne lui fallut pas longtemps pour s’effondrer aux pieds de celle qui avait été autrefois sa fille.

- Tu vois, Oba-San, c’est moi qui te tue.


Son pire ennemi rendit l’âme quelques minutes plus tard. La vengeance était douce. Il avait payé pour l’avoir fait torturée et laissée pour morte, un jour, dans la Vallée Oubliée... Lui qui était le responsable définitif de son éternelle souffrance... Cendre éprouva, en cet instant, un immense soulagement.


Elle alla ensuite se garantir, le cœur léger, que sa nuit avec son ancien amant, avait porté ses fruits....


... puis elle pénétra dans sa chambre, le réveilla et le conduisit jusqu’à sa dernière demeure, l’une des deux cellules de géniteurs. Il était grand temps qu’il sache à qui il avait à faire.

Axel Gageure découvrit ce jour-là la nouvelle nature de son ex-petite amie ainsi que ce à quoi elle le destinait, et il réalisa bien vite que ce qui les avait unis un jour n’était plus désormais...




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