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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 21 - Des nouvelles de Riverview

Cendre et la Vallée Oubliée


Cendre était furieuse :

- Le Duc ne te connait pas ! Alors qui es-tu ? Et que viens-tu faire ici ?

- Cendre... lâche-la, s’il te plait, tu lui fais peur. Laisse-la nous dire qui elle est. Nous statuerons ensuite sur son sort.


A la demande insistante de Lestat, Cendre relâcha à contre cœur la jeune humaine.

- Je m’appelle Louise. Je suis votre servante, Maître.

- Ma... servante ?


- Je suis la petite-fille de Radegonde Chevalier et la fille de Gertrude Chevalier, ma mère qui n’a malheureusement pas eu l’honneur de vous connaître.

- Rentrons. Nous allons tirer tout cela au clair à l’intérieur.


Cendre avait ouvert la marche mais à peine étaient-ils entrés chez Lestat que celui-ci immobilisa la jeune femme et se saisit de son poignet gauche.

- Donne-moi ton bras gauche !

« Il veut se faire un festin, on dirait », pensa Cendre.


Mais au lieu de cela, il remonta sa manche, découvrant tout son avant-bras, puis la libéra de son emprise.

Cendre observa la scène, perplexe, puis Lestat s’approcha d’elle.


- Elle est bien ce qu’elle prétend être.

- Intéressant. Je suis curieuse d’en savoir plus. Au fait, tu ne devais pas aller voir le Comte, ce soir ?

- Si, mais étant donné les circonstances, j’irai plus tard.


Louise avait ôté son bonnet et Cendre, quitté sa forme sombre.

Ils s’étaient installés tous les trois près de la cheminée et le Duc avait commencé à expliquer à Cendre les liens qui l’unissait à la famille de Louise Chevalier.


Les femmes de sa famille vouaient leur existence entière à servir le Duc de Riverview.

Lestat avait, il y a plus de six-cents ans, lors d’une visite dans le duché de Savoie, sauvé celle qui devint sa première servante, Gwendoline Chevalier, pourchassée lors de la grande chasse aux sorcières de 1430 et condamnée à être brûlée vive.


Reconnaissante envers son bienfaiteur, la sorcière avait non seulement accepté de le servir mais elle lui jura aussi une loyauté éternelle à travers sa future descendance.

Ce ne fut pas promesse en l’air puisque, lorsqu’elle mit au monde sa seule et unique fille, elle jeta sur elle une malédiction bien complexe qui inscrivait dans ses gênes une loyauté sans faille et définitive au Duc Lestat.


Louise écouta une histoire qu’elle connaissait par cœur et Cendre s’étonna en silence de l’existence des sorcières dont elle n’avait jamais entendu parler, hormis dans les livres d’histoire. Mais les vampires existaient bien, alors pourquoi pas les sorcières...


La malédiction de Gwendoline ne s’était pas arrêtée là puisque chaque descendante ne pourrait mettre au monde qu’un seul enfant, une fille destinée à servir le Duc et qui porterait une tâche de naissance sur l’avant-bras gauche, empreinte visible de ce qu’elle avait étampé dans leurs gênes.


La première servante n’avait rien omis qui aurait pu nuire à la reconnaissance éternelle qu’elle avait envers son maître puisque, même si chacune des servantes à venir naitrait elle aussi sorcière, le philtre qu’elle avait utilisé était si puissant qu’aucune d’elle ne pourrait jamais le briser.


- Est-ce que tu es sûr de ça, Lucas ? Un tatouage, c’est facilement imitable, tu sais...

Louise, qui avait jusque-là laissé s’exprimer son Maître, s’enhardit à parler après la remarque de la blonde vampire :

- Pas celui de l’ancêtre Gwendoline. Il n’est pas fait d’encre... Il se nourrit de notre âme fidèle envers vous, Maître.


- Louise a raison, et notre œil aguerri de vampire peut tout de suite faire la différence entre la tâche de naissance génétique et une pâle copie de tatoueur humain. Regarde-le de plus près et tu comprendras. Ce tatouage est aussi inscrit sous forme d’équation.


Cendre avait regardé la tâche de naissance sur l’avant-bras de Louise.

- Très bien, je suis d’accord avec toi ! L’humaine-sorcière ne ment pas. Mais qu’allons-nous faire si tu as maintenant une servante à domicile ?


- J’ai toute confiance en Louise, comme j’imagine que tu as toute confiance en Jessie. Sa présence ne changera rien pour nous deux, tu as ma parole.

- Notre secret sera gardé à trois... Plus il y a de personnes autour d’un secret, plus celui-ci risque d’être dévoilé...

- C’est ce que tu as dit à Bella quand tu m’as révélé votre secret ?


- C’est un coup bas, ça, Lucas...

- Le même genre de coup que tu es en train de m’assener. A ce petit jeu-là, je peux être aussi fort que toi.


Ils se toisèrent l’un l’autre sans mot dire pendant de longues minutes, amoureux certes, mais au bord du désaccord.


Louise fit comme si elle ne voyait rien et observa la peinture au-dessus de la cheminée :

« Ces roses... elles sont superbes... mais oui, je suis sûre que Vampirella est son Unique, je le sens... Il y a une telle tension romantique entre eux deux... »


Cendre et Lucas se tournèrent vers elle en même temps et déclamèrent de concert :

- Vampirella ?!

Mais, au lieu de se faire toute petite, Louise se mit à rire :

- Oh, je suis désolée, Maître ! J’avais oublié que vous pouviez lire dans les pensées humaines ! Pourtant, Mère me l’a enseigné.

- Ne t’en fais pas. Je suis sûr que tu vas vite apprendre.


Lucas et Cendre s’amusèrent beaucoup, par télépathie interposée de la réaction de Louise et, au fond d’elle, Cendre appréciait déjà beaucoup cette femme tant sa candeur et sa spontanéité lui rappelaient Jessie.


- Lucas, garde ta servante. Elle te sera dévouée, tout comme la mienne, et je sens que je vais beaucoup l’aimer ta Louise.

Lucas regarda alors la descendante de sa première servante.

- Tu penses que tu pourras garder les secrets de cette demeure, Louise ?

- Bien sûr, Maître ! Vos secrets seront les miens.


Le ton de la voix de Lucas Lestat se durcit mais son regard resta bienveillant envers sa servante :

- Si tu veux rester à mon service, il ne faudra jamais mentionner les fréquentes visites de Madame Valrose en ma demeure... C’est une règle essentielle qui ne souffrira pas d’exception. A moins de courir à ta perte. Est-ce bien clair ?


- Maître, si vous choisissez de me faire confiance, vous ne le regretterez pas. Je vous ai observés, votre Unique et vous, et jamais je ne m’autoriserais à trahir le lien qui vous unit, comme jamais je ne trahirais ce qui se passe chez vous.


- Très bien, Louise, je te garde à mon service avec l’accord de Madame Valrose, mais ne me trahis jamais, c’est un conseil.


Le lendemain, Lucas Lestat avait longuement discuté avec sa servante de la situation politique à Riverview.

La jeune femme avait pris la décision de tout quitter pour venir à Forgotten Hollow, contre l’avis de sa mère, afin de prévenir le Duc qu’un coup d’état se préparait depuis plusieurs dizaines d’années mais que les choses étaient en train de s’accélérer.

- Je sais bien que vous aviez laissé la consigne à ma grand-mère de ne pas vous rejoindre ici mais cela fait presque deux siècles que vous n’êtes pas revenu dans votre duché et j’ai pensé que c’était important... En plus, ils voulaient m’arrêter.

- Tu as très bien fait.


La nuit-même, Lestat se rendit chez le Comte pour lui faire part de l’arrivée de sa servante et de ce qui se passait au Duché de Riverview.

Le Comte, ravi de retrouver son ami et, déduisant naturellement que celui-ci avait été sorti de son hibernation par ladite servante, lui exposa à son tour le complot qui couvait dans les catacombes.


Tous deux prirent donc la décision de réunir la milice, ainsi que Cendre Valrose et Timothée Renard, afin de regrouper les informations que chacun détenait sur le sujet.

Lestat demanda expressément la présence de Caleb Vatore, ce que Vladislaus accepta, uniquement pour faire plaisir à son ami.


Lestat rapporta donc à l’assemblée présente ce qui lui avait été relaté par Louise.

Le bras droit du Duc, Blaise Williams, constatant son absence prolongée, s’était mis en tête de remplacer Lestat à Riverview. Il avait été débouté par le grand conseil vampire parmi lequel Lestat avait encore de nombreux partisans malgré son exil forcé.


Sans l’accord du Grand Conseil, le duc de Riverview restait donc Lucas Lestat et, le pouvoir par intérim avait été octroyé à ses vassaux afin qu’ils gouvernent le duché dans le respect des pratiques politiques du duc en place.

Williams n’avait donc aucune chance d’arriver à ses fins à moins qu’il ne soit fait preuve que l’actuel duc de Riverview ait trépassé.


- Voilà pourquoi il tient tant à vous tuer ! S’il y arrivait, aurait-il la garantie d’avoir le duché ?

- Aucune.


- Blaise Williams n’a aucun titre de noblesse, et il n’est même pas Maître Vampire pour y prétendre. S’il prend le duché, ce sera nécessairement par la force.

- Le croyez-vous capable de réussir ?


- Pas tant que je suis en vie. J’ai encore derrière moi la majorité de la communauté vampire de Riverview ; ma servante me l’a confirmé. Par contre, si je venais à mourir, une grande partie pourrait se rallier à Williams, j’en ai bien peur.

- Ce sont des vampires, et nous connaissons bien notre race. Elle se rallie toujours du côté du plus fort, ou, en tous cas, de celui qui a le plus de chance de gagner.

Vladislaus venait d’énoncer une vérité que tout le monde connaissait.


- J’ai une petite question, Monsieur le Duc. Connaissez-vous Valérie Veh, Vincent Pabiz et Nathan Livinghell ? demanda Lilith.

- Oui. Ce sont des petits bourgeois de Riverview. Ils sont ici, d’après ce que m’a dit le Comte.


- Etant donné ce que vous venez de nous apprendre, j’ai de bonnes raisons de penser qu’ils sont aux ordres de votre Blaise Williams.

- C’est très possible. Williams les côtoyait souvent. Ça ne m’étonnerait pas, à vrai dire.


Caleb prit la parole à son tour.

- Ils complotent également contre le Comte et la future Grande Maîtresse, et prévoient de les tuer le jour de leur mariage.

Lestat déglutit avant de répondre :

- Le Comte m’en a informé, Monsieur Vatore, mais ces trois-là ne feront rien si Williams n’avalise pas leur plan. Et nous ne savons pas encore s’il a aussi pour objectif de prendre le Comté de Forgotten Hollow.


Francis Caron assura à tout le monde que les trois individus et leurs complices seraient toujours surveillés de très près par la milice straudienne jusqu’à l’arrivée de leur prochain comparse.

- Et j’ai dans l’idée que ce comparse sera votre Williams, Monsieur le Duc.


Vladislaus leva ensuite la séance.


Puis il se rendit sur le pas de sa porte pour saluer ses convives et il surprit, bien malgré lui, le regard de son ami Lestat sur Cendre Valrose, bien que celle-ci sembla ne pas s’en apercevoir.


Mais ce qu’ignorait le comte, c’est que le duc, au même moment, communiquait avec elle par la pensée :

« On se retrouve dans la forêt, derrière chez moi ? Dans une heure ? »

« Avec plaisir »


 

- J’avais envie de me retrouver un peu seul avec toi.

- Tu as bien fait. Il faut profiter du calme avant que ça ne s’envenime. Cette histoire de double complot ne me dit rien qui vaille.


- Moi non plus. Mais à nous deux, nous les vaincrons.

- J’en suis certaine. Mais j’espère que si affrontement il y a, j’aurai accouché. Je mettrai ensuite le reste de ma descendance en attente jusqu’à ce que cette histoire soit réglée. Je ne tiens pas à me sentir vulnérable en plein combat.


Il la serra contre lui...

- Je pense que tu fais bien. Tu auras ainsi la pleine capacité de ta puissance.

- Merci. C’est important pour moi que tu comprennes et que tu ne crois pas que j’abandonne ma mission de sauver la vallée.


- J’ai toute confiance. Je sais que tu iras jusqu’au bout. Tu es une vampire depuis plus de vingt ans maintenant, et la meilleure de toutes.

- Lucas, tu es vraiment le seul à savoir m’encourager de la sorte. Sais-tu à quel point je t’aime ?

- Tu m’aimes d’une force identique à celle que j’ai pour toi, alors oui, je le sais.


Les deux amants se promenèrent un peu dans la forêt puis, alors que le jour allait bientôt se montrer, Lucas décida de ramener Cendre jusqu’à la place, les autres vampires étant déjà probablement au chaud chez eux, à l’heure qu’il est.

- Ce n’est pas un peu risqué ? On pourrait nous surprendre...

- Tu sais, parfois, j’aimerais que ce soit le cas... Peut-être aurions-nous la chance de vivre heureux, toi et moi...

- Là, tu es en train de rêver, mon amour.


Devant la morosité soudaine de Lucas, Cendre orienta la conversation vers un autre sujet :

- Au fait, Louise... Elle disait que Radegonde était sa grand-mère, mais tu es parti il y a presque deux siècles... Comment est-ce possible ? Elle est humaine, non ?

- Je pensais bien que ce petit détail ne pouvait pas t’avoir échappé.


- Louise est une sorcière, et les sorcières ont une durée de vie plus longue que celle des humains. Elles vivent de cent à cent-cinquante ans. Voilà, tu sais tout !

- Merci pour cet éclaircissement, Lucas. Il va falloir que je rentre maintenant.


Mais Lucas s’était à nouveau laissé envahir par la mélancolie.

- Tu sais, je t’ai dit l’autre soir que nous serions obligés de vivre cachés pour l’éternité...

- Et ce n’est plus vrai ?

- Si, mais j’ai envie d’être aussi optimiste que toi.


- Lorsque les portes s’ouvriront à nouveau, je retournerai à Riverview. Et ce jour-là, Cendre Valrose, tu partiras avec moi.

- Je ne le pourrai pas, tu le sais bien. C’est toi-même qui me l’a dit.


- Je sais ce que j’ai dit mais je ne m’imagine pas te perdre.

Son étreinte lui écrasait presque les omoplates. Elle ressentit le désespoir de Lucas à travers elle, désespoir qu’elle partageait, mais elle dut s’en arracher car le jour allait être bientôt là.


Elle s’éloigna, le cœur alourdi par le même chagrin que celui qui touchait son Unique et elle sentit, malgré le froid ambiant, la puissance du regard et des pensées de l’être aimé, qui la réchauffèrent jusque dans l’âme.






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