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Chapitre 27 - Paroles d'enfants

Cendre et la Vallée Oubliée


Quelques temps après l’anniversaire des jumeaux, Cendre s’aperçut que ceux-ci n’étaient pas en grande forme. Ils avaient mal à l’estomac et leur faim n’était plus assouvie par la nourriture humaine.

- Il faut vous nourrir sur les humains. Vous n’avez pas faim, vous avez soif de sang. Allez-vous servir dans mon garde-manger mais ne touchez sous aucun prétexte à l’humain qui garde le bébé.

- Maman, tu es sûre ? avait demandé Isaure.



Point de vue de Samuel

Je sentais bien qu’Isaure hésitait. Elle ne voulait jamais de mal à personne. Pour cela aurait-il été différent avec des humains ? Je décidai donc de parler pour nous deux.

- Isaure et moi te remercions, Mère. Nous allons de ce pas vers le garde-manger.

- Je vous accompagne.

Je reconnaissais bien là notre mère. Jamais elle ne nous aurait laissés seuls dans son précieux garde-manger la première fois que nous y mettions les pieds, mais la pensée de me nourrir d’humains me réjouissait tout de même. Je sentis le regard désapprobateur d’Isaure mais elle ferait de même, je le savais.


Nous approchâmes tous les trois des cellules. Cet endroit transpirait le sang. L’odeur y était envoûtante et enivrante à la fois. Il me tardait de planter mes canines dans la nuque de ces frêles humains ; j’en rêvais depuis tout petit.

Je savais que ce n’était pas le rêve de ma sœur et, rien qu’à l’observer, j’aurais parié qu’elle aurait préféré être ailleurs, mais elle avait soif, tout comme moi.


Lorsque nous entrâmes dans la cellule de numéro vingt-six, celui était occupé à des « choses humaines » et Mère nous demanda d’attendre qu’il ait terminé.


L’odeur de sang nous emplissait les narines... Isaure et moi nous parâmes sans contrôle de notre forme sombre alors que Mère maîtrisait très bien la situation.

Je regardai la petite pièce dans laquelle vivait l’homme. Les vampires étaient décidément plus forts que les humains. Jamais nous ne nous laisserions enfermer de la sorte. Je ressentis un sentiment de fierté.


L’humain semblait avoir fini ses ablutions et il s’avança vers nous sans crainte. Il me paraissait être quelqu’un de fier, lui aussi. D’ailleurs, c’est moi qu’il fixait de son regard déterminé qui semblait dire « tu ne m’anéantiras point ».


Isaure s’était détournée du prisonnier tandis que celui-ci défiait Mère de son regard.

- Je te le laisse, Samuel. Je sais que tu t’en débrouilleras. Mais ne me le tues pas, n’est-ce pas ?

- Je t’en donne ma parole, Mère. Il sera comme neuf quand j’en aurai fini avec lui.


Mère avait ensuite quitté la cellule, accompagnée de ma sœur. J’avais fait face à l’humain. Il devait comprendre que ma naissance faisait de moi un être plus puissant que lui.


Je bus cette nuit-là, ma première lampée de sang humain et je peux vous dire qu’elle restera longtemps gravée dans ma mémoire. Ce fut un pur délice, bien meilleur que toutes ces nourritures humaines, si vous voulez mon avis.


Ce repas dans le garde-manger de Mère fut une véritable révélation pour moi. Je sentis mes forces se décupler et envahir tout mon être. Un vrai bonheur.

Je me demandais si Isaure vivait la même chose que moi.



Point de vue d’Isaure

Lorsque Maman nous conduisit dans son garde-manger, l’odeur de sang qui flottait dans l’air m’enveloppa tout entière. J’avais faim, très faim... ou plutôt soif. C’était quelque chose que je n’avais jamais ressenti avant.


Sous le joug indompté de mes instincts primaires, je me transformai en vampire sans même en avoir eu conscience. Je savais que Samuel avait fait de même.

L’humain était près de nous mais je préférais détourner le regard car je ne voulais pas qu’il s’aperçoive de mon malaise. Cet humain avait l’air très sûr de lui.

Maman donna son accord à mon frère pour qu’il usât de lui puis elle m’emmena vers une autre cellule.


La cellule de numéro vingt-cinq. Je m’en souviendrai toujours, je crois. C’était un beau jeune homme de mon âge, enfin, j’imagine, car avec nos âges vampiriques, c’était compliqué de le savoir.

L’humain était en train de chercher désespérément du réseau sur son téléphone. J’aurais voulu lui expliquer pourquoi il n’en trouverait pas ici mais je sais que Maman n’aurait pas approuvé.


Elle s’était retirée dans un coin de la pièce. J’entendais le pouls de l’humain battre à cent à l’heure, je voyais sa poitrine se soulever et tout cela cognait contre mes tempes.

Ma soif augmentait et je sentis le regard fier de Maman sur moi bien qu’elle n’intervint pas. J’hypnotisai aussitôt numéro vingt-cinq.


J’avais planté mes canines dans son cou dont la saveur était suave et si agréable puis j’avais lancé un sourire à Maman. Quel soulagement, elle était encore là et son regard semblait m’encourager.


Lorsque j’en eus fini avec l’humain, j’étais rassasiée. Mon âme de vampire me soufflait que je n’avais pas eu d’autre solution mais mon cœur empathique la contrariait.

J’avais fait souffrir cet humain et sa douleur venait me transpercer comme un coup de dague.


Je courus me réfugier dans ma chambre, tourmentée. Maman ne me suivit pas et je la remerciais encore. A ce moment-là, j’avais juste besoin d’être seule.

Cet humain n’avait pas mérité ça... mais j’avais tellement soif ! Qu’aurais-je pu faire d’autre ?


Et comment Samuel s’en sort-il ? Sûrement mieux que moi. Le connaissant, il doit être enchanté... même si ça ne me plait pas du tout.


Je me souviens de l’enfance que nous avons partagée tous les deux, pas si lointaine que ça. Mon frère a toujours eu une vue bien précise de ce que serait notre vie de vampire, une fois l’adolescence arrivée.

Il essayait toujours de me rallier à ses idées, extrêmes parfois, alors que je n’avais pas envie de le croire lorsqu’il me racontait que les humains étaient mauvais et qu’il fallait les détruire à tout prix.


Mais comment lui dire que je n’adhérais pas à toutes ses folles idées ? Je n’ai jamais osé. J’ai préféré le laisser croire, depuis toute petite, que j’allais dans son sens car je sentais bien que Samuel deviendrait vulnérable si je ne le suivais pas.


Je l’avais même laissé m’entraîner au combat, aux combats humains bien sûr car nous n’avions pas encore d’aptitudes vampiriques et, surtout, parce qu’il aurait été interdit de s’en servir pour s’entraîner.


Je n’aimais pas me battre. Ce que je voulais, c’était faire plaisir à Samuel. Il était tellement persuadé qu’il nous fallait un peu d’entraînement si nous voulions devenir l’un ou l’autre l’héritier de notre mère, que je ne le contredisais pas.


Et puis, Blanche est arrivée. Toute mignonne et toute choupinette. Sa compagnie me changeait de celle de mon frère et j’adorais jouer avec elle mais, dès que je passais un peu de temps avec elle, Samuel arrivait invariablement pour me demander de l’accompagner quelque part.

- Allez, viens ! Tu es trop grande pour ces jeux de bébés !

Alors, je laissais ma petite sœur chérie et je m’en allais avec lui.


Deux ans et demi plus tard, Clotaire avait, à son tour, rejoint la fratrie au grand soulagement de Samuel car notre petite sœur passait le plus clair de son temps avec lui et me sollicitait nettement moins.



Point de vue de Samuel

Après l’arrivée de Clotaire, Isaure et moi avons recommencé à nous voir comme avant et nous avions pu reprendre nos conversations de grands sans que Blanche ne vienne se mettre entre nous deux.

Elle était bien gentille, la petite Blanche, mais elle avait un peu trop tendance à me voler mon temps avec Isaure. Et ça, ça m’ennuyait beaucoup.


Nous étions tellement bien ensemble, ma jumelle et moi. Nous n’avions franchement besoin de personne d’autre.

J’adorais tous ces moments privilégiés que nous partagions comme lorsqu’elle voulait me faire des câlins, si fort que je manquais de tomber de ma chaise ! Oh que non, nous n’avions besoin de personne.


Je pensais en avoir fini avec la concurrence mais Alaric est arrivé et a accaparé Clotaire qui n’était plus aussi disponible pour Blanche car il préférait les jeux de garçon. Mais surtout, Blanche avait grandi et elle essayait à nouveau de me voler Isaure.


Souvent, elles s’enfermaient dans la chambre de ma jumelle ou dans la sienne et je les entendais rire sans moi. Isaure m’interdisait de me joindre à elles sous prétexte qu’elles avaient besoin de se retrouver entre filles. Je détestais tous ces trucs de filles !


Mais ce que je détestais par-dessus tout, c’étaient leurs démonstrations de câlins. Je ne supportais pas que Isaure puisse faire des câlins à quelqu’un d’autre que moi... Je sais, ce n’est pas très rationnel mais c’était plus fort que moi. Je n’y pouvais rien.


Et pourtant, elle en faisait des câlins, Isaure, et à tout le monde !

Alors j’avais décidé de faire comme elle et j’ai fait des câlins à tout le monde, et même à Blanche. Il fallait que j’essaye d’être gentil car je savais que mon comportement énervait ma sœur jumelle. Je m’étais même mis à m’occuper de temps en temps des petits...



Point de vue de Blanche

Je me souviens que lorsque j’étais petite, Isaure faisait tout ce qu’elle pouvait pour passer du temps avec moi.

Un matin, elle m’avait dit qu’on irait se promener toutes les deux et j’étais toute contente. Je l’aimais bien, Isaure.

- Tu veux bien me porter ?

- Si tu veux.

Elle était toujours d’accord pour tout.


Mais, ce jour-là, mon grand frère Samuel était encore apparu et je sus qu’il n’y aurait plus de promenade parce qu’il avait demandé à Isaure de venir s’entraîner avec lui. Et elle lui disait toujours oui, Isaure. Alors, je me mis à pleurer. Je ne sais pas si ce sont mes larmes qui ont incité ma grande sœur à prendre une décision mais, cette fois-là, elle ne céda pas à notre frère :

- Je reste avec Blanche pour le moment, Samuel. Va t’entraîner tout seul.


Et elle avait marché vers la porte de la chapelle, me tenant fermement dans ses bras.

- Allez, on y va, Blanche, et arrête de pleurer s’il te plait. Je t’ai promis une promenade. Tu auras ta promenade.

- Tu veux bien me porter dans ton dos, dis ?

- Tout ce que tu veux.


Isaure m’avait prise dans son dos et j’adorais quand elle faisait ça ! Elle était trop bien, ma grande sœur !

Samuel, lui, avait gardé contenance et nous avait souhaité une bonne promenade.

- Amusez-vous bien alors !

- Merci Samuel. A tout à l’heure.


Et puis, un nouveau frère était arrivé, un plus petit que moi mais je l’aimais bien parce qu’il aimait jouer aux mêmes jeux que moi. Alors, on jouait souvent dans ma chambre tous les deux.


Par contre, il n’était pas aussi doué que ma sœur pour me porter. Il n’arrivait jamais à se mettre debout quand j’allais sur ses épaules et, en plus, il se plaignait que je lui faisais mal au cou. Mais qu’est-ce qu’on rigolait bien tous les deux !


Quand Alaric est arrivé, j’avais déjà grandi et je jouais beaucoup moins souvent avec Clotaire. Mes deux petits frères s’entendaient très bien et, de mon côté, je partageais de chouettes moments avec Isaure, entre filles, comme elle disait toujours à Samuel lorsqu’elle voulait que nous restâmes seules.


Nous nous amusions vraiment beaucoup toutes les deux. Une fois, sur les conseils d’Isaure, nous avions même déménagé toutes seules les meubles de ma chambre pour lui donner une autre allure. Qu’est-ce qu’on avait ri !

Mais Samuel pouvait être très envahissant alors que c’est lui qui passait le plus de temps avec ma grande sœur.

J’avais un peu de peine parfois lorsque je le voyais patienter derrière la porte de ma chambre mais je pense que tout aurait été beaucoup plus simple (et je le pense encore aujourd’hui) s’il avait bien voulu qu’on joue tous les trois ensemble.


Mais il était comme ça, Samuel et je l’aimais malgré tout. Je voyais qu’il faisait des efforts, alors je l’aimais encore plus quand il me faisait des câlins, comme il m’en dispensait quelques fois. Je respirais alors la bonne odeur de mon grand frère et je me sentais heureuse.


Mais la plupart du temps, je restais seule dans ma chambre à m’occuper comme je pouvais. Samuel monopolisait Isaure et Clotaire jouait avec Alaric. C’est ainsi que je fis plus ample connaissance avec ma table à dessins.



Retour de la voix off (Cendre)

2048 - Cendre se rappelait ces quelques jours d’août 2047. Clotaire venait de fêter ses sept ans et les jumeaux avait pris leur premier repas de vampires dans son garde-manger...

Quelques jours après, Geoffroy fêtait ses trois ans. Les jumeaux, à présent dans la confidence de cet aspect de la tradition, avaient été conviés par leur mère à assister à cet anniversaire critique pour la descendance de la future Grande Maîtresse. Cendre espérait beaucoup du fils de Don. Isaure appréhendait de voir son frère devenir humain avec toutes les conséquences qui en découleraient. Samuel était honoré d’être là et de participer à ce grand évènement, peu importe l’issue. Quant à Don, il avait les yeux rivés sur le fils aîné de son amante dont il se méfiait beaucoup car il ne le sentait pas trop bienveillant.


Pourtant, lorsque le verdict était tombé, tous avaient l’air décomposés.

- Mais, pourquoi ? avait presque crié Isaure.

- C’est la tragique loi de la descendance, avait répondu Cendre, C’est ainsi. On ne peut pas aller contre.

Samuel, lui, s’était persuadé que tout serait facile. Il ferma les yeux un moment. En réalité il n’avait pas cru une seconde que le bébé pourrait être un humain. Quelle cruauté, s’était-il pris à penser.


Mais il chassa vite cette idée de sa pensée. C’était lui, l’homme de la maison, et il devait faire face à ses responsabilités.

Il s’était approché de sa mère, suivi de près par Isaure.

- Mère, je peux m’occuper de Geoffroy si tu veux... Je m’en sens tout à fait capable.


Cendre savait que son aîné était tout à fait sérieux. Elle le sentait aussi redoutable mais pas au point qu’il le pensait.

Isaure implora sa mère :

- Maman, ne pourrait-on pas le laisser vivre ? Pour une fois... Personne n’en saura rien...

- Isaure... Tu connais aussi bien que nous les lois de la descendance. Tu ne voudrais pas faire offense à Mère, n’est-ce pas ? maugréa Samuel

Cendre avait coupé court à la discussion entre les jumeaux :

- Je suis désolée, Isaure. Nous n’avons pas le choix. Mais je m’occuperai moi-même de Geoffroy. J’ai l’habitude.

- Comme tu voudras, Mère, avait rétorqué Samuel.


Quelle tristesse ! Cendre n’avait pas imaginé à quel point cet anniversaire aurait été dur, avec la présence de ses aînés...

Elle emmena Geoffroy avec elle en espérant qu’ils s’en remettent vite... mais elle ne pouvait pas leur dire...


Isaure approcha sa main de celle de son frère :

- Cette tradition est vraiment injuste...

- Elle est insoutenable, veux-tu dire... mais elle est nécessaire, lui répondit-il d’une voix peu assurée et presque tremblante. Je ne m’attendais pas à cela... Je croyais que je ne ressentirais rien. Il est si petit...


Isaure l’avait alors tenu contre elle pour le tranquilliser comme il l’avait fait pour elle tant de fois par le passé.

- Nous nous y attendions, Samuel. Mais malgré les cours de Jessie et ceux de Maman, nous n’y étions pas préparés. La réalité est trop brutale. Nous ferons face ensemble, je te le promets.

- Je sais, Isaure, je le sais...


Cette nuit-là, Cendre avait ramené Don jusqu’à sa chambre.

- Tu veux me transformer, n’est-ce pas... avait-il dit d’une voix éteinte.

- J’aurais bien voulu mais je ne peux pas. Tu comptes pour moi et je veux que tu me fasses un petit vampire.

- Le pourrais-je seulement ?


Son amant avait besoin d’être rassuré. Elle s’approcha de lui.

- Tu le pourras, j’en suis certaine.

- Alors qu’attendons-nous pour nous amuser ?


Il n’en fallait pas beaucoup plus à Don pour se glisser entre les draps de soie de sa charmante maîtresse, et c’est cela qu’elle appréciait chez lui.


Cette fois-là, Cendre sut très rapidement qu’elle était encore enceinte...


Devant le portrait de Lucas, elle se rappelait combien elle l’avait aimé et combien elle l’aimait encore. Elle savait qu’elle ne le reverrait plus mais elle puisait en lui la force de continuer.

- J’espère que c’est le dernier, Lucas... Je n’en peux plus d’être enceinte... Mon accouchement aura lieu dans quelques jours et j’ai besoin que ce soit le dernier...


Cendre ressentit les première contractions en pleine journée, alors qu’elle dormait profondément dans son cercueil.

Louise, qui était ce jour-là présente pour remplacer Jessie, l’accompagna promptement près du berceau où elles trouvèrent Don qui paraissait vraiment heureux.

Cendre s’était demandé ce qu’il lui arrivait car il n’avait pas eu de comportement similaire pour la naissance de Geoffroy.



- Il a peur de ce qui peut arriver au petit. Il donne le change, avait dit Louise.

- C’est certainement ça. Le pauvre a dû être choqué lorsque j’ai emmené Geoffroy, il y a neuf mois de cela. Je ne pensais pas que cela l’avait autant chagriné.


Louise avait aidé Cendre à mettre au monde son bébé, un bébé qui semblait lui donner beaucoup de fil à retordre.


Grâce à elle, le bébé vint au monde sereinement, une petite fille. Était-ce la magie omniprésente de Louise ?... mais Cendre ne ressentit plus aucune inquiétude quant à l’avenir de cette petite fille nouvellement née.


Elle savait qu’elle serait la dernière... Elle la prénomma Mélusine.

Louise espérait de son côté, qu’avec son geste, beaucoup de souffrances seraient évitées... et, surtout, que ses talents de sorcière avaient réellement gagné en pouvoirs... Cela, seul l’avenir pourrait le dire.







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