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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 43 - Des enfants qui grandissent

Cendre et la Vallée Oubliée


La première année qui avait suivi l’arrivée de Gabin au sein du clan Valrose avait été un peu compliquée pour toute la famille, bien que tous aient acceptés de le rencontrer.


Gabin, le premier, avait senti qu’il n’était pas forcément le bienvenu dans cette famille déjà unie sans lui, et il avait décliné la proposition de Cendre de s’installer à la chapelle.


Après ses deux nuits dans les cellules de Cendre et la confirmation qu’il était bien son fils, celle-ci l’avait libéré et il était retourné habiter dans son petit studio situé en plein centre des catacombes.


Cendre avait voulu voir de ses yeux l’endroit où vivait son fils, un endroit composé d’une pièce unique, très petite et pitoyablement meublée, qui sentait la moisissure.


Gabin avait essayé de décorer son espace avec une plante et quelques tulipes mais l lieu était complètement déprimant, avec des revêtements qui n’étaient pas de toute première fraîcheur.


La première chose qu’elle remarqua cependant était un petit portrait d’elle accroché au mur.

- Tu jouais aux fléchettes sur ma tête ou ce tableau est là pour une autre raison ?

- Il est là parce que vous êtes ma mère.


Elle aurait voulu le prendre dans ses bras mais quelque chose la retenait. Peut-être était-ce trop tôt ou peut-être était-ce simplement difficile de nouer un lien avec un enfant qu’elle n’avait pas vu grandir.


Ils s’assirent tous les deux et Cendre entreprit d’essayer de convaincre le jeune homme de venir à la Chapelle. Son cœur de mère avait du mal à accepter de voir vivre son enfant dans des conditions aussi déplorables.


Mais Gabin ne voulut rien entendre.

- Je ne suis pas à ma place à la chapelle. Je suis bien mieux ici et puis, j’y ai des souvenirs de jeune vampire, pas si anciens que cela et cette maison représente ma liberté.

- Ta liberté ?


Ils n’en avaient encore jamais parlé mais Gabin commença à lui raconter comment il s’était retrouvé dans la Vallée Oubliée.

Peu après ses seize ans, il avait entamé des recherches sur la fille du magnat de la pègre newcrestoise dans le but de la contacter.

A cette époque-là, il s’était émancipé, en avait fini avec les foyers d’accueil et désirait reprendre contact avec sa mère.


 

Dans la crypte, les aînés s’étaient retrouvés autour de Lucas pour spéculer sur l’arrivée possible de Gabin. Alaric était enthousiaste.

- J’espère que Maman va réussir à le convaincre, parce qu’il me parait être une véritable tête de mule celui-là !


- Nous verrons bien. Mais sachez que votre mère fera tout pour le ramener ici, avait dit Lucas.


- Ça, nous le savons, mais je ne sais pas si c’est une bonne idée, après tout... Ok, c’est notre frère mais nous ne le connaissons pas. Il débarque dans nos vies subitement et nous devrions l’accepter en claquant des doigts ?

Isaure n’était pas d’accord avec Blanche :

- Personne n’a dit une telle chose, il me semble.


- Il est notre frère, tu viens de le dire, alors pourquoi ne l’accepterions-nous pas comme tel et n’apprendrions-nous pas à le connaître ? J’ai déjà fait une bourde en le livrant à la milice et je n’ai pas envie d’en commettre une deuxième.


- Pourquoi ? Mais il connait quoi, lui, de nos traditions et des peines qu’on subit lorsque l’on tue un frère dans un combat que l’on a pas voulu ? Il connait quoi, hein ?


- Merci Blanche. Là, tu me portes un coup bas... Je ne te savais pas capable de ça...


Lucas essaya de détendre l’atmosphère.

- Ecoutez, les enfants. Nous pouvons ne pas être d’accord mais évitons que les mots ne dépassent notre pensée.

- Très bien, j’ai compris, soupira Blanche. Désolée Isaure.


 

- J’ai découvert que vous étiez morte neuf ans auparavant et j’ai voulu savoir pourquoi. Tous les journaux de l’époque montraient Oba-san pleurant sur votre tombe, toujours accompagné de son bras droit, un grand blond aux cheveux longs.


- Je n’avais entendu parler d’eux que par l’intermédiaire des médias mais ces gars-là ne m’inspiraient pas du tout confiance. Je crois que l’archiviste de Newcrest n’a vu que moi cette année-là. Elle m’a même aidé dans mes recherches et nous avons tous deux conclu que vous étiez seulement portée disparue. Votre corps n’a jamais été retrouvé.


- J’ai alors pris contact avec l’inspecteur qui était en charge de l’affaire à l’époque. Il m’a confirmé nos soupçons. Le pauvre avait été mis à la retraite anticipée pour excès de zèle, d’après lui. Oba-san avait le bras long. Il m’a fait promettre de revenir le voir si je vous retrouvais... Il doit être mort depuis longtemps à l’heure qu’il est.

- Mais pourquoi as-tu rejoint la Vallée ? Qu’est-ce qui t’a motivé ?


 

- Sans vouloir vous contredire, Lucas, je trouve que ces échanges sont plutôt constructifs et, somme toute, logiques.



- Il nous semble difficile d’aimer et d’accepter ce nouveau frère sorti de nulle part.… sauf pour Alaric, bien sûr, hein Alaric ?


- Que me reproches-tu exactement ? Je connais Gabin depuis le Bal de Épines et c’est un garçon très sympa. Qu’il soir notre frère me ravit et je clame haut et fort le vouloir dans notre famille. Je ne fais que suivre votre exemple à tous : chaque nouveau frère, chaque nouvelle sœur a toujours été accepté en notre demeure. Pourquoi pas lui ? Parce qu’il est adulte ?



- Je ne te reproche rien. Ce que tu dis est très sensé, au contraire. C’est l’essence même de ce qui fait de nous une famille unie.



- Mais Blanche aussi a fait preuve d’un raisonnement juste. Gabin ne connait rien des traditions ancestrales. Il ignore tout de la Tradition de la Descendance et de ce que nous devons endurer... mourir ou tuer... à moins que...

- A moins que ? demanda Blanche



 

- L’inspecteur en charge de votre affaire était persuadé que vous aviez disparu du côté de Forgotten Hollow. Il y a envoyé plusieurs hommes qui ne sont jamais revenus, puis on l’a « écarté » avec cette mise à la retraite. C’était en 2030, j’avais dix-sept ans et j’ai moi-même franchi les portes de la Vallée.


2030... Cendre avait déjà perdu Amandine et Hortense qui avaient été de magnifiques bébés humains. Violette venait de naître... Si seulement elle avait pu savoir cette année-là que son premier né avait foulé le sol de la Vallée.

- Pourquoi ne t’es-tu pas manifesté en arrivant ?


- Je n’en ai pas eu le temps. Vous savez comment sont les vampires... J’étais là depuis deux heures à peine que j’ai été fait prisonnier et jeté dans le garde-manger des catacombes où j’ai servi de nourriture pendant deux ans...Je vous laisse imaginer ma vie.


- Mon Dieu... s’étrangla Cendre. Tu devais être bien vigoureux pour avoir survécu...

Cendre n’ignorait pas dans quelles conditions étaient gardés les humains dans les catacombes et la seule pensé d’imaginer Gabin au milieu de ces pauvres bougres, lui était insupportable.


- J’étais vigoureux, oui... si vigoureux que je fus choisi pour emménager dans le garde-manger personnel du Comte Straud... Tous les prisonniers n’attendaient que ça. On disait que ces cellules étaient confortables et que nous n’y étions pas entassés à plusieurs. Un bel espoir...


Cendre repensa à toutes ces fois où elle s’était rendue chez Vlad, ignorant que son fils lui servait de nourriture. Elle connaissait bien le Comte et elle savait que cet espoir avait dû être réduit à néant :

- Ce ne fut pas le cas, n’est-ce pas ?

- Non...


- J’avais, certes, une cellule pour moi tout seul, j’étais nourri correctement, mais la cruauté du vampire des lieux était innommable. Il m’arrivait parfois de mettre plus d’une semaine à me remettre de ses assauts assoiffés.


- Jamais je n’avais connu telle faiblesse... Je n’étais plus rien mais par je ne sais quelle volonté, j’aspirai à m’en sortir.


 

- A moins que ? demanda Blanche.


- A moins que Gabin ne participe aussi aux combats. Je sais que cela peut paraître fou mais ce serait peut-être la solution pour qu’il soit accepté de la fratrie sans condition. C’est tellement logique ! Il faudrait vraiment y réfléchir.

- C’est clair, tu es complètement fou, commenta Isaure.

- En effet, ça me parait difficilement envisageable, ajouta Lucas.


 

- Ne vous tourmentez pas, Mère. Vous n’y pouviez rien et tout cela est bien loin de moi maintenant.

- Comment as-tu réussi à te tirer de là ?


- Grâce à l’un de mes geôliers, mais il m’a fallu du temps. Deux ans encore. Ils étaient deux à se relayer et j’ai sympathisé avec la femme. Quelques jours après mes vingt-et-un ans, elle a accepté de me transformer. Je fus libéré et elle a fini sur un bûcher en place publique pour avoir failli à son devoir envers le Grand Maître.


Cendre se rappelait vaguement cette histoire mais, à l’époque, Samuel et Isaure venaient de naître et elle avait d’autres préoccupations... 2034...


Gabin lui raconta alors qu’il avait été hébergé par le frère de sa défunte Maîtresse de quelques heures et que celui-ci lui avait ensuite trouvé son studio.

Ses premiers mois en tant que vampires avaient été très difficiles mais il s’était fait de nombreux amis prêts à l’aider. Il était libre et c’est tout ce qu’il avait souhaité après quatre années d’enfermement.


Gabin l’avait raccompagnée sur le pas de la porte :

- Vous voyez, je suis bien chez moi mais vous y serez toujours la bienvenue. Je ne veux pas vivre ailleurs.


- Je comprends. Tout ce que tu viens de m’apprendre me désole. Tu seras toujours le bienvenu chez moi, toi aussi, et si un jour tu changes d’avis, n’hésite pas, viens à la Chapelle.

En attendant, si tu as besoin, je serai là pour toi.


- Merci Mère, je saurai m’en rappeler.


 

- Isaure a raison, tu es complètement fou ! Ce n’est pas parce que Gabin combattra qu’il deviendra l’un des nôtres. Il ne nous connait pas. Il n’aura donc pas la même douleur que nous lorsque nous devons tuer un des nôtres.


- Ça, tu n’en sais rien, grande sœur. Aucun de nous ne peut savoir à l’avance ce qui reste du domaine de la probabilité. Disons... Cinquante, cinquante. Mais ça pourrait être une solution.


Alaric n’était pas de cet avis. Il n’envisageait pas une seconde de voir Gabin se battre à leurs côtés. Il considérait que ce serait le mettre en danger inutilement alors qu’il n’était pas né suite à cette « maudite tradition ».


Mélusine, qui avait débarqué dans le salon alors qu’elle était supposée être occupée avec Jessie, ne put s’empêcher de mettre son grain de sel :

- Père, j’aimerais vraiment que ce faux-vampire combatte. Nous pourrions alors lui montrer que nous sommes les plus forts.


- Lucas... Il faut qu’elle sorte d’ici sinon je ne réponds plus de rien... avait soufflé Isaure.

- Je suis d’accord, retourne avec Jessie. Où est-elle d’ailleurs ?

- Là où je ne peux pas aller à sa place. J’en ai profité pour m’éclipser.


- Et bien, tu as eu tort. Retourne vite à tes cours, autrement c’est moi qui ne répondrai plus de rien.


- Je ne la supporte plus ! Mais quand est-ce qu’elle nous fichera la paix !


Au fur et à mesure que le temps passait, Lucas se rendait compte qu’un petit grain de sable commençait sérieusement à gripper les rouages de cette fratrie unie... un grain de sable qui agaçait à l’unanimité les aînés de Cendre...


... et il ne s’agissait pas de Gabin.


 

Mélusine fêta son anniversaire l’année suivante. Toute la famille était au complet sauf Gabin qui malgré l’invitation de Cendre et Alaric avait jugé préférable de ne pas se montrer. Mélusine et lui avaient un vieux contentieux à régler.


Blanche aurait aimé être dispensée de cette petite fête mais Cendre ne lui laissa pas le choix et elle dut assister au changement d’âge de sa petite sœur.


Mélusine était méconnaissable et tous espéraient que la petite dernière s’assagirait maintenant qu’elle était adolescente.


Mais rien n’était moins sûr...

- Alors, qui m’emmène chasser ? Père... vous m’honoreriez...


- Avec plaisir.

Lucas ayant élevé Mélusine depuis qu’elle était bambinette, était aussi fier que Cendre de voir la belle jeune fille qu’elle était devenue.


Trois mois plus tard, il fut temps pour Blanche de devenir adulte même si elle savait ce que cela impliquait.

« Un vœu... un tout petit vœu pour que tout aille bien... N’écoute pas Clotaire et Mélusine...»


- Fous-moi la paix, Mélusine.

- Je ne vois pas pourquoi tu te braques. Tu devrais être heureux. Votre heure se rapproche.

- Tu es toujours aussi illogique ! Je n’ai pas envie de combattre Blanche.

- C’est toi qui es illogique. Une envie n’a rien de logique, Clotaire. Garde tes discours rationnels pour d’autres.


Isaure félicita sa sœur :

- Ça te va bien la maturité, tu sais !


Puis vint le tour de Clotaire.

- C’est vraiment une peste ! lui dit Blanche. Elle ne respecte rien.


- Clotaire sait que j’ai raison. Il l’a toujours su mais ça le dérange. Vous bataillerez, quoiqu’il arrive, alors ne m’insulte pas, lui répondit Mélusine. Dans un an, tu ne seras peut-être plus là.

- Ne l’écoute pas, Blanche, on a mieux à faire.


Le frère et la sœur s’enlacèrent sous le regard de Mélusine.

- Félicitations. Tu es une belle adulte !

- Oh, Clotaire ! Ne me rejoins pas trop vite.


- Il est bien loin le temps où nous étions bambins et où je grimpais sur ton dos... J’espère une chose, c’est que nous serons aussi forts que Samuel et Isaure.



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