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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 47 - Une affaire de famille (2/2)

Cendre et la Vallée Oubliée


Lorsqu’elle franchit le seuil de la crypte de la Maison de l’Ail, Cendre reconnut tout de suite l’air qui se jouait sur le phonographe.

- Du tango ?

- Oui, nous allons danser.

- Danser ? Tu es sûr que c’est le moment ?


- Ce ne sera jamais le bon moment, mais nous allons prendre le temps. Ici, nous sommes tranquilles et personne ne viendra nous déranger. Pas de politique, pas d’affaires de famille et pas d’enfants ! Juste toi et moi.


- Alors ? M’accorderas-tu ce tango ?

- Avec plaisir, mon amour.


Le duc la saisit doucement par la taille :

- Il y a une éternité que nous ne nous sommes pas retrouvés ainsi tous les deux.


- Et une éternité que je n’ai pas dansé.

- Je n’ai jamais dansé le tango...


Il enfouit sa tête dans les cheveux de Cendre :

- Suis-moi, laisse-toi guider... c’est aussi simple que ça.

Sa voix était chaude et grisante, un appel à la fièvre. Elle sentit son souffle sur sa nuque.


Lorsque le morceau suivant commença, l’intensité de son regard fiévreux manifesta autant de force que les bandonéons qui emplissaient la crypte.



Elle se laissa guider, envoûtée par le rythme des notes et la puissance de son cavalier. Elle sentit son désir l'envahir alors qu'il la plaqua contre lui.


Les mots se turent, désormais inutiles... leurs corps avaient rejoint leurs esprits. Le désir... rien que lui...


Leurs pensées devinrent une seule et unique, interdite et voluptueuse, manifestation sulfureuse de ce qui les unissait.


Leurs regards se soutinrent et se foudroyèrent. L'envie... la violence de leur passion...


Les bandonéons effrénés accéléraient en fureur et faisaient tourner leurs cœurs endoloris de s'attendre ainsi.


Il se séparèrent et se retrouvèrent...


...dans un vertigineux duel qui les emportait dans les affres d’un tourbillon passionnel ; l'histoire de leurs vies...


Leurs corps endiablés se promettaient... beaucoup... l'inconcevable pour tout profane...


La fusion à perdre la raison, brûlante comme l’enfer... Le bien et le mal... au corps à corps... Son regard la dominait...


Puis les notes ralentirent...


Leurs âmes pourtant peinaient à se quitter... violemment éprises, amoureusement tourmentées...


Toujours... soif de plus... chaud... féroce et cinglant... d'un univers qui n'appartient qu'à eux... implacable...


Les bandonéons ont cessé leurs tourments mais la passion brûle encore... plus vive que jamais...


Elle les consume entièrement, bout dans leurs veines...


Jusqu’à la fin... inavouable...


 

Cendre et Lucas avaient rejoint la chapelle à la tombée de la nuit. La Grande Maîtresse avait immédiatement convoqué Clotaire dans sa chambre et en avait verrouillé la porte après son arrivée, afin de ne pas être dérangée.

- Ça a l’air grave, constata son fils

- Ça l’est. Tu n’as pas une idée de pourquoi nous sommes là ?


- Aucune, mais j’imagine que tu vas m’en faire part.


- Des rumeurs courent sur ton compte. On m’a rapporté que ta petite amie et toi aviez dans l’idée de m’évincer afin de régner sur la Vallée à ma place. J’aimerais savoir ce que tu peux opposer à cela.


Clotaire resta silencieux quelques secondes devant la déception évidente de sa mère, puis il se ressaisit :

- Attends... Qui a pu te dire une chose pareille ?


- Tu ne démens donc pas ?

- Maman... je crois qu’il y a un malentendu.


- De toute évidence, il semblerait que non. Explique-moi ça tout de suite ou je te fais arrêter. Que tu sois mon fils n’y changera rien.


- Maman... je te promets que je ne t’ai pas trahie.

- Tu envisages de le faire, c’est du pareil au même. Alors ? J’attends... Que complotes-tu avec Caroline Boyer ?


- Ce n’était qu’un jeu innocent entre nous... Caroline a imaginé en rigolant que nous étions les souverains de la Vallée. Nous ne faisions rien de mal... et puis...

Clotaire marqua une pause.


- Et puis quoi, Clotaire ? Et puis quoi ?

- Je me suis rendu compte qu’on ne jouait plus... Je ne sais plus quand c’est arrivé mais tout ce qu’on projetait était du domaine du réel. Au début, j’ai essayé de le faire comprendre à Caroline mais elle était si enthousiaste que je me suis laissé entraîner... Son plan était tellement excitant...


- Et moi ? Où me situes-tu dans vos projets ? Tu es donc prêt à me tuer pour les réaliser ?

Devant l’expression à la fois triste et déçue de Cendre, Clotaire laissa échapper une larme :

- Je n’ai jamais voulu te tuer, Maman...


- Pourtant, tu finiras par y venir car c’est le seul moyen que tu as de me détrôner. La mort, Clotaire, il s’agit de cela. Et je peux t’assurer que vous n’êtes pas prêts de parvenir à me tuer, ta belle et toi.


Le verdict était tombé, implacable. Clotaire resterait confiné dans sa chambre jusqu’à son propre combat et serait bien évidemment radié du Conseil. Il se nourrirait de packs de plasma puisqu’il ne pourrait plus chasser et son amie Caroline serait arrêtée.

Cendre lui confisqua séance tenante son talkie-walkie pour éviter qu’il ne la prévienne.



Afin que personne ne soit étonné de l’absence de Clotaire, ainsi que des mesures mises en place, Cendre réunit ses enfants et les informa de la trahison de leur frère et des mesures qu’elle avait prises.


Elle réunit ensuite le Conseil pour leur expliquer la situation et Francis lui envoya un garde affecté à la surveillance du fils déloyal.


Caroline Boyer fut arrêtée et conduite sous bonne escorte jusque dans les geôles des catacombes où elle allait être interrogée. Son sort serait statué lors d’une prochaine délibération du Conseil.


 

C’est dans cette ambiance tendue que Mélusine fêta son anniversaire. Elle surprit tout le monde ce jour-là en insistant pour inviter Gabin.


Cette fois, on y était. En regardant Mélusine souffler ses bougies, Cendre réalisa que son anniversaire serait le dernier qui serait fêté dans la crypte. Dès le lendemain, elle se battrait contre Alaric et les combats suivants s’enchaîneraient.


Il n’en resterait qu’un.

Tous ses enfants avaient bien grandi, certains étaient partis trop tôt et d’autres n’étaient plus là mais, en cet instant, elle pensa à tous ses enfants. Elle ne put s’empêcher de sourire à l’idée que les portes de la Vallée s’ouvriraient très prochainement.


L’atmosphère s’était détendue peu à peu. Mélusine et Gabin s’étaient retirés dans un coin de la pièce et semblaient discuter vivement mais sans heurts.


Mélusine s’était excusée auprès de Gabin pour ses actes passés. Elle avait vieilli et voulait se comporter en adulte mais surtout elle était consciente que si elle devenait l’héritière de Cendre, elle devrait savoir se contrôler en toutes circonstances pour faire honneur à sa mère.

Présenter des excuses avait pourtant été délicat d’autant que Gabin lui en voulait beaucoup et qu’il avait la rancune tenace mais il essaya tout de même d’être conciliant.


Ils convinrent donc que s’affronter en duel serait le seul moyen pour eux de faire table rase du passé et de repartir sur de bonnes bases. L’un comme l’autre sentait que cette étape était nécessaire.


 

Mélusine profita du reste de la nuit pour aller rendre visite à Clotaire et lui dire combien elle était désolée qu’il se retrouvât dans une situation aussi inconfortable pour le fils d’une Grande Maîtresse.


Son frère se méprit cependant sur ses intentions en supposant que Mélusine était de son côté, et la jeune femme eut la surprise de se voir proposer une alliance pour déchoir Cendre de sa souveraineté.


Elle resta sans voix face aux détails de ce marché dont Clotaire pensait qu’elle y adhérerait. Elle n’avait jamais vraiment cru que son frère était le meneur de cette conspiration mais elle commençait à douter... jusqu’à ce qu’il lui dise qu’il avait l’ambition de faire évader Caroline.

- Tu es complètement fou... Oublie cette fille. Elle veut le pouvoir. Elle ne t’aime pas. Je ne te suivrai pas, Clotaire. Je suis loyale envers Mère et tu devrais faire de même.


- Je n’en reviens pas. Tu as toujours semé la zizanie et clamé haut et fort que tu serais l’héritière quitte à nous tuer tous, et maintenant, tu viens me faire la morale ? Je sais très bien que tu n’approuves pas toutes les décisions de Maman.

- Peu importe que ses décisions me plaisent ou non. Nous sommes ses enfants et nous avons le devoir de la soutenir et d’aller dans son sens. Et c’est ce que je ferai. Je ne m’abaisserai jamais à la trahison. Sache que je ne suis pas de ton côté. C’est moi qui aie avisé Mère de ta fourberie. Je vous ai entendu Caroline et toi.


- Sors d’ici. Et prie pour qu’on ne se retrouve pas face à face lors d’un combat car je te tuerai sans scrupule. Tu n’auras même pas le temps d’avaler cette maudite potion.


- Tu as le droit d’y croire. Adieu Clotaire.


 

Mélusine quitta la chapelle et alla s’engouffrer dans les catacombes. Elle avait besoin de réfléchir loin de sa famille. Devait-elle informer Cendre de ce que venait de lui dire Clotaire ? Etait-ce vraiment nécessaire ? Sa mère était déjà suffisamment affectée par la trahison de son fils et elle n’avait pas envie d’en rajouter en lui disant qu’il avait voulu l’enrôler dans son lamentable projet.


Après tout, Clotaire était enfermé jusqu’à son prochain combat et il ne s’en sortirait probablement pas. Alors à quoi bon tourmenter la Grande Maîtresse avec ça ?

Elle s’arrêta sur une petite place et s’assit au bord de la fontaine. Le bruit de l’eau la calmait...


Elle vit s’approcher un beau jeune homme aux cheveux longs. Il marchait d’un pas léger et semblait rejoindre la placette. Mélusine n’arrivait pas à défaire son regard de cet humain. Oui, il était humain, elle le sentait.


Pourtant, étrangement, cela n’avait aucune importance... Le jeune homme s’était arrêté en la voyant et la regardait intensément.


Son cœur battait à tout rompre. Si elle avait un jour été attirée par Ulysse Caron, ce qu’elle ressentait à présent n’avait rien de comparable. Elle avait l’impression que cet homme-là était tout droit sorti de ses rêves les plus fous.


Ils se regardèrent un long moment avant que le beau brun ne brise le silence :

- Bonsoir, je m’appelle Ladislas. Je ne vous avais jamais vue ici. Vous venez d’arriver ?

Elle comprit qu’il l’avait prise pour une humaine.

- Oh... non mais je viens rarement dans les catacombes.


 

Pendant que Mélusine faisait plus ample connaissance avec Ladislas, Alaric passa une partie de ses derniers moments avant le combat dans le jardin des enfants. Il s’était penché douloureusement sur la tombe de sa jumelle en lui disant qu’il la retrouverait peut-être bientôt.


Aurait-il une chance contre Mélusine ? Il l’ignorait mais il gardait un espoir au fond de son cœur, un espoir sorti d’une conversation qu’il avait eu avec sa mère alors qu’il était encore enfant... Le combat ne lui fait pas peur... Soit il vivrait, soit la vie lui rendrait ce qu’il avait perdu. Il en était convaincu. Il décida d’aller se promener un peu dans le jardin.


 

L’attirance avait été réciproque et immédiate. Mélusine avait poussé la porte d’une maison vide de la place et ils avaient investi les lieux.

- Ce moment était magique, lui susurra Ladislas dans le creux de l’oreille en l’embrassant. Tu es sûre que tu dois partir ?


- Malheureusement, je n’ai pas le choix. Embrasse-moi encore.


- Je crois que je t’aime...

- Comment est-ce possible ?

- C’est ainsi, c’est tout...


Mélusine se dégagea de l’étreinte de son amant :

- Je dois vraiment y aller, Ladislas...

- Est-ce qu’on se reverra ?


- Je n’en sais rien. J’ai une chose importante à faire. J’en saurais plus ensuite... Je crois que moi aussi, je t’aime...

- A bientôt alors, jolie vampire... Je ne t’oublierai pas.


 

Mélusine tourna les talons et s’en alla. Elle trouva Alaric dans le jardin.

- Où étais-tu ? lui demanda-t-il. Je t’ai cherchée toute la journée. Tu n’étais pas dans ton cercueil.

- Je suis allée faire un tour hier dans les catacombes et j’ai été coincée là-bas lorsque le jour s’est levé. Tu m’as cherchée ? Tu n’as pas dormi ?


- Non, je me suis inquiété. Nous combattons dans moins de deux heures, rappelle-toi.

- Nous serons sur un pied d’égalité dans ce cas, je n’ai pas dormi non plus. Tu sais, Alaric, j’ai dit des choses... comme par exemple que je vous battrai tous. J’y arriverai, je le sens mais je ne veux de mal à aucun de vous... Bon, sauf peut-être Clotaire... Je veux juste gagner, tu vois. Alors, je voulais te dire que je t’aime bien mais je ne pourrai pas te faire de cadeau.


- Ne t’en fais pas, je sais tout ça. Et je suis certain que tu peux gagner.

- C’est vrai ?


- Oui, mais moi non plus je ne te ferai pas de cadeau. Et moi aussi je t’aime, Mélusine.


- Chouette ! C’est super. Que le meilleur gagne dans ce cas ! Je vais filer me préparer.

- A tout à l’heure. Tu vas être resplendissante, je le sens.


Le combat serait difficile, il le sentait. Comment se battre contre sa petite sœur ? Elle venait tout juste de grandir...



 

- Et voilà ! Tu es magnifique !

- Toi aussi tu étais magnifique lorsque tu as envoyé Samuel à la mort.


Isaure déglutit :

- Ce n’est pas très gentil de dire ça...

- Excuse-moi... Je suis trop directe parfois, je le sais bien.


- C’est que... je crois que j’ai peur de mourir...


Mélusine ouvrait son cœur pour la première fois...


Que répondre à cela ? Mélusine sortait tout juste de l’adolescence et elle devait combattre, sachant que l’issue de ce combat pouvait la mener à sa perte. elle s'ouvrait à elle. Isaure avait connu cette peur elle aussi...


Isaure prit sa jeune sœur dans ses bras :

- C’est bien naturel que tu aies peur mais tu verras, une fois dans l’action, tu n’y penseras plus.

- Merci Isaure. Tu ne répèteras à personne ce que je viens de te dire, n’est-ce-pas ?


- Ce sera notre secret.


- Et si on y allait, maintenant ? Alaric doit m’attendre.


 

Lorsque Mélusine et Isaure arrivèrent dans la salle de combat, toute la famille était en place ainsi que Francis. Clotaire était le grand absent mais il n’avait pas été convié à assister au combat.

- Bonne chance, dit Isaure à sa sœur.


Mélusine se positionna face à Alaric.


Le combat commença sans attendre et tout le monde encouragea les combattants.


Mélusine se laissa surprendre par son frère au début du duel...


...mais prit rapidement le dessus en le mettant, à plusieurs reprises, en fâcheuse posture.


Cendre pressentit que son fils allait perdre.


Mélusine lui porta le coup de grâce.


Elle le regarda retomber, vaincu...


...avant de redescendre à ses côtés


- Je t’avais dit que tu pourrais gagner, lui souffla Alaric.

- Tu t’es bien battu aussi mais, oui, je suis la plus forte.


- J’aurais juste préféré que ça ne se termine pas comme ça. Personne ne mérite de boire cette potion.


- Non, en effet. Prends soin de toi, Mélusine.


Alaric se rapprocha de la table avant que sa mère ne vienne le chercher.


Alors qu’il essayait de rassurer tout le monde, le cœur d’Isaure se serra. Après avoir perdu Samuel et Blanche, voilà que c’était le tour d’Alaric.


Il avala dignement la potion, sans ciller.


Puis la transformation s’opéra, apparemment moins violente et douloureuse, que pour son frère et sa sœur. L’aura de lumière sembla chez lui prendre rapidement le pas sur le voile noir qui l’entourait.


Il se tourna vers Cendre.

- Je t’aime, Maman.


- Vous savez, j’ai l’impression que je ne me suis jamais senti aussi bien de ma vie, mais je vais vous laisser. Je ne veux pas mourir ici devant vous.

- Attends... lui dit sa mère


- Je t’aime aussi, tu sais.

- Je le sais, Maman, ne t’en fais pas. Tu as été une maman formidable.


Elle le serra contre elle :

- Je t’ai fait une promesse, tu te souviens ? Tu la retrouveras... Tout à l’heure.

- Je le sais... merci, Maman... Je sais que c’est grâce à toi.


Personne n’entendit ce que Cendre avait murmuré à l’oreille d’Alaric mais Isaure aperçut un sourire heureux sur le visage de son frère juste avant qu’il ne s’éteigne dans les bras de leur mère


Lucas se chargea une nouvelle fois d’emmener un enfant du clan Valrose et Alaric quitta la pièce dans ses bras dans un silence accablé.




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