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  • Photo du rédacteurNathalie986

Chapitre 7 - Impressions sentimentales

Emeline avait ouvert son centre de bien-être, à San Myshuno, au début de l’automne. Elle l’avait appelé le Lotus Blanc. Elle y dispensait des cours de yoga et de méditation, mais s’occupait aussi des activités annexes comme les massages ou les manucures.


La gestion du centre lui prenait beaucoup de temps mais, avec l’aide financière de Brady, elle avait embauché le personnel nécessaire pour que l’établissement puisse tourner correctement : des masseurs, des kinés, des professeurs, un mixologue, et des agents d’entretien pour la piscine et les sources chaudes.

Mais surtout, elle avait embauché Hinata Ikeda, un professeur de yoga, diplômé en comptabilité, qui la secondait dans la gestion du centre, lorsqu’elle était en congé, ou occupée à donner ses propres cours.


Ils travaillaient souvent au Lotus Blanc, après sa fermeture, pour faire le bilan de la journée, ou s’entendre sur la politique d’exploitation à suivre.

Leur collaboration se passait pour le mieux et, parfois, ils se retrouvaient aussi chez Emeline, pour faire le point. Grâce à leurs idées complémentaires, le Centre de bien-être afficha un bilan positif encourageant, dès la fin de son premier mois d’exploitation.


A force de travailler et de s’entraîner ensemble, la relation entre Hinata et Emeline devint plus qu’une simple relation employé/employeur, et évolua rapidement en amitié sincère.


Brady en était très heureux. Il surveillait les comptes du Lotus Blanc de très près et s’apercevait, avec joie, que sa fille menait son entreprise d’une main de maître. Elle avait bien fait d’insister pour qu’il investisse dans son affaire, et il était vraiment très fier d’elle.

Il était aussi très fier de Cendrine, qui travaillait beaucoup à l’école et s’intéressait de plus en plus à la programmation, dont elle avait fait sa matière principale. Evidemment, ses vraies motivations n’avaient pas été dévoilées au reste de la famille, qui s’inquiétait déjà beaucoup des sorties nocturnes du père de famille, et des objets quotidiennement rapportés de l’école par la jeune fille.


Brady avait donc fait installer un bureau, dans son antre, à l’attention de Cendrine. Elle pourrait ainsi s’exercer aux techniques de piratage informatique dont elle lui avait parlé, sans qu’on ne vienne la déranger.


Les jumeaux aussi, avaient leurs petits secrets, des secrets d’enfants dont ils ne parlaient qu’entre eux, parfois, pendant des heures.


Parfois même, lorsque le jour commençait à décliner, Romane s’endormait sur les genoux de son frère, sa journée d’école et les heures passées à sauter dans les tas de feuilles mortes, ayant eu raison d’elle.


Les jumeaux adoraient jouer ensemble mais ils aimaient aussi passer du temps auprès de leurs sœurs aînées. Il n’était d’ailleurs pas rare qu’ils s’installent silencieusement dans la chambre d’Emeline pour faire leurs devoirs, tandis qu’elle analysait ses comptes d’exploitation ou qu’elle promouvait son établissement sur les forums de bien-être.


Romane aimait, par-dessus-tout, faire la cuisine avec Emeline. Elle lui apprenait plein de recettes faciles et elle pouvait même faire des gâteaux qu’elle avait le droit de décorer. Par contre, elle n’avait pas encore l’autorisation de toucher le four, mais ce serait pour plus tard.


Cendrine emmenait souvent Romane et Laurent au parc. Son frère et sa sœur avaient beaucoup d’amis, et ils venaient souvent la solliciter pour qu’elle joue les monstres marins tandis qu’ils s’amusaient sur le bateau pirate qui trônait au milieu du parc.


Heureusement, son copain Thierry la rejoignait parfois et l’aidait à distraire les enfants. Les jumeaux l’adoraient.


Cela avait donc été l’occasion de l’inviter plusieurs fois pour le goûter. Hortense l’appréciait beaucoup. C’était un jeune garçon sympathique.


Brady aussi l’appréciait mais, ce jour-là, il n’avait pas mangé la brioche avec eux car il était en grande conversation avec Emeline à propos du Centre de bien-être, et annonçait à sa fille aînée qu’il se retirerait de l’affaire dans les deux mois.

Brady estimait que Le Lotus Blanc devait appartenir à Emeline dans son intégralité. Elle le gérait avec brio, et elle seule devait en retirer les bénéfices. Il s’inquiétait seulement à propos de Gabriel, son petit ami « bon à rien », et la mit en garde contre lui.

- Ce fainéant serait capable de ruiner rapidement tout ce que tu as mis du temps à construire. Ne lui fais pas confiance.


Emeline avait conscience que son père avait raison. Gabriel vivait aux crochets de ses sœurs et ne gardait pas un emploi plus d’une semaine. Il préférait s’amuser et s’était fait renvoyer, à plusieurs reprises pour des motifs tels que des retards intempestifs, ou des absences injustifiées. On l’avait même surpris à dormir sur son lieu de travail, alors quand il lui donna rendez-vous sur une péniche, dernier endroit à la mode pour passer des nuits agitées, et qu’il lui demanda de l’employer comme masseur, elle refusa.


En plus, son petit ami était accroc aux bulles, et cela lui déplaisait fortement.


Il se retrouvait parfois dans des états qu’elle n’arrivait pas à comprendre, et elle supportait de moins en moins son côté irresponsable. Ils étaient allés au lycée ensemble, avaient eu les mêmes centres d’intérêt et avaient passé du bon temps, mais ils avaient grandi et leurs routes avaient pris des chemins différents, et il faudrait qu’ils en parlent sérieusement.


Maintenant que les enfants étaient autonomes et moins souvent à la maison, Brady et Hortense se surprenaient à se découvrir coquins et inventifs.


Ils avaient eu Emeline très tôt après leur mariage et avaient vécu jusque-là, un amour très fort mais aussi très tranquille, et ils comptaient bien rattraper le temps perdu.


Du pique-nique champêtre au restaurant gastronomique, Brady et Hortense aimaient se retrouver ensemble dès qu’ils le pouvaient.


Mais un sujet revenait régulièrement sur la table : Cendrine.


Hortense se faisait beaucoup de soucis pour elle. Brady avait passé sa vie à voler, et leur fille le prenait pour exemple. Elle était en adoration devant son père et faisait tout ce qu’elle pouvait pour lui suivre ses traces.

- Brady, il faut que tu fasses quelque chose. Je ne veux pas que Cendrine joue plus tard les cambrioleuses, comme tu le fais. Je ne te le pardonnerais pas. Arrête de l’entraîner sur cette voie.


Brady avait rétorqué qu’il était très difficile de renier sa nature profonde, mais qu’il essayerait de faire quelque chose.

- Je ne veux pas que tu essayes. Je veux que tu arrêtes de l’emmener lors de tes excursions nocturnes. Ce n’est pas un jeu. C’est dangereux.

Brady savait que sa femme avait raison mais il ne savait pas comment gérer la situation. Le repas s’était terminé, ce jour-là, dans un silence de plomb.


Hortense avait quitté le restaurant, laissant son mari régler l’addition, et lorsqu’il l’avait rejoint, près de leur voiture, il lui avait proposé une petite promenade.

- Je n’ai pas envie de me promener.

- S’il-te-plaît...


Elle avait accepté, et Brady avait promis de ne plus emmener Cendrine avec lui. Il promit aussi de discuter avec leur fille. Il ne garantissait pas l’issue de cette conversation mais Hortense fut soulagée par les propos de son mari, et s’en satisfit, du moins dans l’immédiat.

Elle devait préparer un concerto qu’elle donnerait au Club Calico le samedi après-midi suivant, et elle allait pouvoir travailler plus sereinement.


 

Depuis bambinette, Emeline avait toujours aimé écouter, et regarder sa mère jouer du piano, et aujourd’hui ne faisait pas exception. Elle avait donc pris une journée de congé et confié les rênes du Lotus Blanc à Hinata, pour l’accompagner à Brindleton Bay et assister au concert.

Ses doigts étaient magiques. Ils volaient sur les touches, les frôlant parfois à peine, pour dévoiler de merveilleuses mélodies dont sa Maman avait le secret. Elle était tellement fière de sa Maman.


Après le concert, elles avaient repris la route pour Willow Creek et s’étaient arrêtées en chemin pour dîner entre filles. La soirée avait été bien agréable.

De retour à l’église, Hortense avait rejoint Brady dans leur chambre, Emeline avait pris sa douche et était redescendue à la cuisine pour se faire un thé détox. Elle reçut l’appel de Gabriel alors que Cendrine venait à peine de finir de vider le lave-vaisselle et de ranger la vaisselle.

Son petit-ami avait craqué pour une autre fille et lui demandait son avis pour savoir ce qu’il fallait faire. Elle en aurait presque pleuré si elle n’en avait pas assez de subir ses enfantillages. Il ne manquait pas d’air.

- Ah oui ? Et bien, si elle est moins barbante que moi, n’hésite pas, sors avec elle !

- ....

- Oui, Gabriel. Ça veut dire que toi et moi, c’est fini.

Cendrine n’avait rien perdu de la conversation.


Elle avait pris sa sœur dans ses bras lorsqu’elle avait raccroché et versé quelques larmes furtives.

- J’ai ce qu’il te faut pour te remonter le moral ! Il parait que ça marche à tous les coups.

- Merci sœurette. J’aurais bien besoin de ton remède.


Cendrine avait alors sorti de la glace au chocolat du congélateur.

- Tu verras, c’est très réconfortant.

- C’est vrai je me sens déjà mieux.

Les deux sœurs avaient parlé une partie de la nuit, et Emeline s’était rendu compte que ce qui la tourmentait le plus, était qu’une page venait de se tourner. Ses années adolescente étaient derrière elle, et Gabriel aussi. Elle pourrait dorénavant se consacrer au Lotus Blanc, sans penser à lui.

Et elle avait apprécié ce moment avec sa petite sœur, devenue si grande et attentionnée envers elle.


Mathieu l’avait appelée le lendemain matin, pour lui proposer une soirée dans un pub de Windenburg. Elle avait tout de suite accepté. Mathieu était son ami, et son confident, et il y avait bien longtemps qu’ils ne s’étaient retrouvés, tous les deux ; depuis que Mathieu s’était pacsé avec sa copine Virginie.


Ils s’étaient raconté leurs vies, leurs réussites et leurs échecs, depuis cette dernière fois où ils s’étaient vus. Emeline ne s’était pas sentie aussi bien depuis longtemps. C’était tellement agréable de discuter avec un homme responsable et qui semblait la comprendre mieux que personne, un homme à qui elle pouvait tout dire. Il avait l’air très heureux avec cette Virginie, même s’il lui reprochait quelques faits sans grande importance. Emeline enviait presque son bonheur.


Après avoir bu quelques verres de bière, ils s’installèrent autour d’un plateau de charcuterie et de fromages, et Mathieu sembla se fermer lorsqu’Emeline lui apprit qu’elle s’était séparée de Gabriel. Il parut soudainement très pensif et son regard se fit lointain.


Heureusement, la situation ne dura pas. Mathieu entraîna Emeline à jouer aux fléchettes. Ils commandèrent d’autres bières, rigolèrent, jouèrent au baby-foot.


Ils ne s’étaient pas amusés ainsi ensemble, depuis le lycée.


Ils n’auraient même pas été capables de dire quand ça avait dérapé...


Mais ça avait dérapé. Était-ce l’ambiance ou la bière ? Quoi qu’il en soit, le placard du pub avait accueilli leur folie et, lorsqu’Emeline avait voulu en ressortir, son grand-père Lucas, ainsi qu’une inconnue, avaient tous les deux les yeux rivés dans sa direction.

Elle avait brutalement refermé la porte et s’était blottie contre Mathieu, dans la pénombre, en attendant une bonne demi-heure avant de vouloir en ressortir. Son ami n’avait pas insisté. Il l’avait prise contre lui et savouré cet instant inespéré qui les unissait, malgré des pensées divergentes qui le renvoyaient vers sa partenaire de vie.


Lorsqu’ils avaient quitté le pub, il faisait jour, et Mathieu était tout retourné.

- Mais qu’est-ce qu’on a fait ? Nous sommes les meilleurs amis du monde...

- Les meilleurs amis qu’ils soient. On ne va rien dire à personne, et cette petite aventure restera entre nous. Ce qui s’est passé au pub, reste au pub. D’ailleurs, c’était plutôt bizarre...

Emeline tentait de rassurer son ami comme elle le pouvait.


- Je suis d’accord. Très bizarre, même... Mais ton grand-père ? Il nous a vus...

- Non, il n’a vu que moi. Et crois-moi, si quelqu’un sait garder un secret, c’est bien lui.

- Virginie n’en saura rien, alors ?

- Non, je te le promets. Toi et moi, nous sommes amis, rien de plus. Cette nuit était une erreur qui ne se renouvèlera pas.


- J’en suis heureux. Je ne voudrais pas te perdre et je ne voudrais pas faire de mal à Virginie.

- Cela n’arrivera pas.

- Tu n’imagines pas à quel point je suis soulagé.

- Mathieu... Dis-moi qu’on restera toujours amis... C’est tout ce que je te demande.


Il l’avait prise dans ses bras.

- Amis pour toujours. Nous nous sommes fait cette promesse, il y a longtemps. Cette nuit n’a rien changé.


Cette nuit n’avait rien changé pour lui, mais pour elle... elle avait certainement tout changé.

Elle était rentrée, exténuée, jusque chez elle et s’était assoupie sur l’un des transats du jardin, auprès de la piscine. Les feuilles mortes tombaient des arbres et allaient s’échouer sur l’eau tandis qu’à son réveil, le vent cinglait sur ses joues, lui rappelant qu’elle avait fait une grosse erreur.

Mathieu était son ami. Que s’était-il passé pour qu’une seule nuit puisse changer la donne ?


Elle avait été obligée de reprendre du poil de la bête car, le soir même, ses parents avaient invité Sarah, la meilleure amie d’Hortense, aussi mère de Mathieu. Elle était venue accompagnée de ses jumeaux, Thierry et Stéphane, les petits frères de Mathieu.


Le repas se déroula dans la bonne humeur. Les enfants s’entendaient très bien, et Sarah était même très heureuse car Mathieu et Virginie lui avaient annoncé qu’ils avaient l’intention de faire un enfant. La perspective d’être grand-mère la ravissait. Emeline était heureuse pour son ami, bien sûr, mais elle eut tout de même un petit pincement au cœur, à cette annonce.


 

Cendrine avait passé une partie de la soirée chez une camarade de classe, pour travailler sur un exposé qu’elles devaient rendre ensemble.

En rentrant, elle s’attela à l’écriture du journal intime auquel elle se confiait depuis quelques temps.


Elle avait pour habitude de le cacher sous son matelas, ou sous une pile de vêtements, dans sa commode mais, un jour, elle l’oublia dans l’antre de Brady, qui ne put s’empêcher de le lire. A la découverte du contenu du petit cahier, ce dernier jugea urgent d’avoir cette fameuse discussion avec Cendrine.

Sa fille avait consigné, dans son journal, toutes les maisons qu’ils avaient visitées ensemble avec des dates et les objets volés. Elle racontait tout cela comme une superbe aventure.


Il lui avait parlé à son retour du lycée. La conversation avait d’abord été houleuse car Cendrine en voulait énormément à son père d’avoir lu son journal intime, mais elle avait fini par comprendre qu’il avait raison ; elle ne pouvait pas mettre par écrit, les délits qu’ils avaient commis, au risque qu’ils soient un jour découverts par les mauvaises personnes.


Le cœur gros, elle avait donc pris la décision de brûler son journal.


 

Les choses devenaient de plus en plus sérieuses entre Emeline et Hinata qui, à force de travailler ensemble, avaient fini par devenir de très bons amis.


De sorties amicales en petites attentions, ils avaient fini par s’apprécier un peu plus intimement et ne se quittaient presque plus.


Hinata avait même été invité plusieurs fois à l’église, et avait fait la connaissance de la famille d’Emeline.

Le jeune homme avait fait l’unanimité et, Brady et Hortense s’attendaient à ce que leur fille aînée leur annonce prochainement qu’elle quitterait leur foyer pour voler de ses propres ailes.


 

Laurent avait créé un petit groupe d’amis avec les fils de Sarah et y avait invité sa sœur et deux de ses copines, Alice et Emma.

De belles amitiés avaient vu le jour et la petite bande envisageait déjà de s’agrandir.


A la fin de l’automne, Brady fêta son anniversaire, entouré de sa petite famille.


Ses cheveux gris ne lui avaient fait perdre, ni son charme, ni son dynamisme, et il régna en maître sur l’ambiance de sa petite fête, toute la soirée, après avoir ouvert ses cadeaux.


La vieillesse est dans la tête et Brady n’était pas encore prêt à se sentir vieux.





Crédits :

La péniche est de Holliye. Elle se trouve sur la galerie sous le nom de "Péniche Carnaval"

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