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  • Photo du rédacteurNathalie986

Semaine 12

Troisième année - Printemps


Mathurin et Oliver menaient bien leur barque, et je pensais que, quelque part, dans un autre monde, Papa devait être très fier de son fils.


Tous les deux avaient obtenu leurs diplômes avec mention et avaient trouvé un emploi digne de leurs compétences, qui leur avait permis de s’offrir une somptueuse demeure à Oasis Spring.

Mathurin excellait dans sa profession d’ingénieur en informatique tandis qu’Oliver devenait un avocat privé, petit à petit reconnu, grâce à son réseau de connaissance et à son travail acharné.


En ce premier matin de printemps, la neige avait complètement fondu et je retrouvais plaisir à m’occuper de la ferme.


Nous avions une nouvelle vache pour remplacer Marguerite. Je ne lui avais pas encore donné de nom mais je lui en trouverai un bientôt, je le sens.

En attendant, je m’occupais d’elle et essayais de lui faire sentir qu’elle était la bienvenue dans notre grande famille.


Pendant ce temps, Jeanne s’était mise en tête d’aller pêcher, et Maman l’avait accompagnée pour lui apprendre les rudiments de ce qu’elle considérait être un art.


La nouvelle vache se laissait traire facilement pour une première fois. Elle était vraiment différente de Marguerite, qui m’en avait fait voir de toutes les couleurs, à renverser mon seau ou à meugler son mécontentement.

Il me semblait que tout serait facile avec elle.


Euh... Je crois que j’ai parlé trop vite.

Après plusieurs tentatives, ma vache montbéliarde ne me parut pas disposée à être franchement coopérative.


Très bien... nous verrons cela... mais je saurais t’apprivoiser, crois-moi !

En attendant, j’avais un prénom tout trouvé pour la petite récalcitrante : Caprice.


Maman s’amusait beaucoup avec Jeanne qui était très enthousiaste à l’idée de ramener des poissons pour pouvoir faire de bons repas.

Jeanne était ouverte à la magie de pouvoir se nourrir en autarcie et je ne pouvais qu’approuver son bon sens. Ma petite sœur me ressemblait tant !


Biscuit, heureusement, ne me faisait pas les même misères que Caprice. Il était toujours aussi conciliant et amical lorsque je m’occupais de lui.


Au même moment, mon mari devenait fou car notre fille déployait beaucoup d’énergie à faire des bêtises. Nous avions pensé qu’elle s’assagirait en grandissant, mais ce n’était pas le cas.


Rahul essayait, la plupart du temps, de rester calme et, le sourire angélique de Cyrielle suffisait souvent à le désarmer, mais pas cette fois.


Mon mari perdit le contrôle et se mit à hurler sur notre fille.


Cyrielle sentit que, cette fois, c’était sérieux. Papa ne plaisantait peut-être plus, après tout...


Elle était maintenant assez grande pour nettoyer ses propres bêtises, et Rahul veillait à ce qu’elle le fit correctement.

J’espérais seulement que ses méthodes aboutiraient et que Cyrielle cesserait enfin de mettre le bazar dans toute la maison.


Selon les dires de mon mari, elle eut l’air de prendre conscience de ses actes, mais je m’inquiétais tout de même. Pourquoi se comportait-elle ainsi ? J’avais chaque fois l’impression qu’elle essayait de nous provoquer.


Nous avions, ce dimanche-là, organisé une sortie dans la forêt de Bramblewood.

Jeanne avait initié Cyrielle à la pêche, et nous avions l’impression qu’elle se laissait prendre à cette activité de patience.


Rahul et moi espérions secrètement que cela lui permettrait de canaliser son énergie.


En attendant, nous profitions tous du grand air, et j’avais même réussi à approcher un petit lapin, bien moins farouche que le précédent que j’avais croisé.


Maman avait pris Naya pour l’emmener faire un tour et lui dégourdir un peu les pattes, car notre chienne, qui n’était plus toute jeune, passait maintenant la plupart de son temps, lovée sur son coussin.


J’avais profité de cette sortie familiale pour aller me présenter au nouveau gardien des créatures. Il s’appelait Maxime Sanchez, et c’était un homme tout à fait charmant.


Nous nous étions ensuite tous retrouvés pour prendre un petit goûter et papoter en famille.

Maman s’était chargée de débarrasser nos déchets, et nous avions décidé de prendre le chemin du retour.


C’est là que l’impensable se produisit.


Maman s’éteignit au milieu des siens, dans cette nature qu’elle avait toujours aimée


Nous retournâmes à la ferme pour enterrer Maman auprès de Papa et les réunir dans l’éternité.


La pauvre Naya errait comme une âme en peine dans la maison, ressentant probablement toute notre douleur, et pleurant elle-même la mort de ma mère.


Au même moment, Rahul reçut un appel du Conseil Municipal, lui annonçant le décès de Lavina


Nous étions partis chercher sa dépouille en catastrophe pour la ramener jusque chez nous, et l’enterrer à la ferme, elle aussi.

Nous avions besoin de tellement de courage.


Mathurin et Oliver étaient arrivés en début de soirée, avec Alain, pour se joindre à nous.


Nous passâmes une grande partie de la nuit à évoquer les souvenirs que nous avions avec Maman, mais aussi ceux que nous avions avec ma belle-mère.


Les enfants, de leur côté, essayaient de se consoler comme ils le pouvaient.


Ce sont eux qui nous alertèrent sur le troisième drame de la journée.


Naya avait, à son tour, choisi de quitter la ferme. Elle avait fait son temps, et la perte de Maman avait eu définitivement raison d’elle.


Jeanne avait essayé de supplier la faucheuse de ne pas nous l’enlever, mais son destin était déjà scellé.


Nous avions alors enterré Naya auprès de ma chère Tessie.


Rahul évacuait sa peine chaque jour, en se défoulant sur la machine à cupcakes que je lui avais offerte à Noël.


Nous n’avions jamais eu autant de viennoiseries et de petits gâteaux dans le frigo, mais nous n’avions malheureusement pas encore le cœur pour autant de douceurs.


Claire était venue nous présenter ses condoléances, un matin, alors que je me trouvais dans le poulailler.


Elle avait eu des mots justes et réconfortants qui réchauffèrent mon âme si triste.

Comme c’était agréable de l’avoir pour amie et de savoir qu’elle était toujours là, après toutes ces années.


Heureusement, le temps finit toujours par passer son baume sur nos chagrins les plus lourds et, même si nous n’oublions pas, nous pouvons continuer.


Le train-train avait donc repris avec les devoirs...


...et les projets scolaires.

Et nous retrouvions peu à peu le sourire.


J’étais heureuse d’avoir pris la suite de Maman à la ferme, et de perpétuer ainsi l’œuvre de sa vie.

Je me demandais pourtant si Jeanne ou Cyrielle seraient prêtes, comme moi, à embrasser une vie de dur labeur lorsque le moment viendrait.

Il faudrait que j’en discute sérieusement avec Jeanne, pour commencer. J’aimerais tant que la Bâtisse de Capucine reste dans notre famille.


Le travail à la ferme se poursuivait, inlassablement. Nous avions parfois nos lots de petites peines lorsque nous perdions une de nos poules mais, les deuils qui nous avaient frappés en début de saison, nous avaient permis de relativiser.


Après ses nombreuses fabrications de gâteaux, Rahul s’était lancé à corps perdu dans l’aménagement de la seconde aile de la maison. Il avait écumé les brocantes et les magasins de meuble afin de nous installer un grand salon qui ferait office d’espace détente et divertissement.

Mathurin et Oliver venaient régulièrement l’aider lorsqu’ils sortaient du travail, et les filles avaient accueilli, dans des cris de joie la fin du « chantier salon », comme elles l’avaient appelé.


Afin de remercier mon frère et notre beau-frère de leur aide toujours si précieuse, Rahul et moi les avions invités à déjeuner au nouveau fast food qui avait ouvert sur le port.

Les filles étaient à l’école et c’était une occasion rêvée de nous retrouver tous les quatre, entre adultes.


Malgré tout, nos conversations tournèrent encore autour des enfants. Ils faisaient partie de notre quotidien et nous ne pouvions nous empêcher de raconter leurs progrès ou leurs bêtises.

Nous apprîmes ainsi que les formulaires sur les choix d’orientation avaient été distribués au lycée et que Marie rêvait de s’installer à Del Sol Valley pour poursuivre une carrière d’actrice.

La pauvre se présentait à tous les castings correspondant à son profil, mais elle n’avait toujours pas été retenue et se persuadait que son avenir se jouerait dans la ville des stars.


Oliver et Mathurin étaient très inquiets à la possibilité que Marie puisse un jour partir là-bas, dans cette ville remplie de prédateurs, mais ils étaient également conscients qu’ils ne pourraient pas la retenir contre son gré. Ils lui avaient donc demandé terminer son année de lycée, et de bien réfléchir, avant de faire un choix.


De mon côté, je me demandais pourquoi Jeanne ne nous avait pas informés au sujet des formulaires d’orientation.

Lorsque nous rentrâmes à la ferme, après une petite promenade sur le port, nous trouvâmes Marie avec les filles. Elles venaient de terminer leur goûter et étaient en grande conversation à propos de Del Sol Valley.


Je profitai que Cyrielle soit partie jouer dans sa chambre pour demander à Jeanne pourquoi elle n’avait rien dit à propos de son orientation.


Je sentis immédiatement l’embarras de ma jeune sœur et la mit tout de suite à l’aise pour nous parler franchement :

- Tu te souviens de ce voyage scolaire que nous avons fait à Sulani en début d’année ?


Jeanne y avait rencontré des écologistes qui œuvraient à la préservation de l’archipel, mais également des biologistes marins avec qui elle avait beaucoup discuté.

Je me rappelle qu’elle était revenue enthousiaste de ce voyage dans les îles qui avait permis à sa classe de découvrir les différentes professions liées à l’océan. Elle en avait parlé des jours durant.


Jeanne voulait devenir biologiste marin. Elle avait déjà pris ses renseignements et envisageait de rejoindre, après le lycée, l’école de l’Océan, qui se trouvait dans la ville d’Ohan’Ali, afin d’y être formée à la profession de ses rêves.

Elle en parlait avec beaucoup d’exaltation et je sentis, avec un petit pincement au cœur, que son engouement ne serait pas passager.


Ma sœur n’avait pas osé nous faire part de ses projets car elle n’ignorait pas que j’avais besoin d’aide à la ferme, et que son départ précoce allait m’en priver.

Rahul et moi décidâmes de l’encourager. Elle allait partir très loin et nous ne la reverrions plus très souvent mais j’étais heureuse qu’elle ait trouvé sa voie. Elle travaillait suffisamment dur pour que son dossier de candidature ne soit pas rejeté par le centre de formation de Sulani.

J’étais vraiment très fière d’elle.


En attendant son départ, Rahul avait mis en place un petit tableau centralisant les emplois du temps de toute la famille et, surtout, il avait instauré un couvre-feu à 23 heures pour Jeanne qui sortait de plus en plus souvent le soir, sans se soucier des horaires de cours du lendemain.

Maintenant que son dossier avait été envoyé, nous avions l’impression qu’elle s’endormait sur ses acquis.


Rahul l’avait plusieurs fois prise en flagrant délit de non-respect de son couvre-feu, et les choses ne s’étaient pas très bien passées.

Il faut dire, qu’au lieu de se faire toute petite, ma sœur avait la mauvaise habitude de nous prendre pour des imbéciles en disant invariablement qu’elle « n’avait pas vu l’heure ».

La sanction fut immédiate et, d’un commun accord, nous la privâmes de sortie durant une semaine.


Jeanne mit à profit ses soirées de libre pour s’adonner à son passe-temps favori. Chaque jour, en fin de journée, elle se rendait sur la plage pour aller pêcher.


Elle ne vit pas tout de suite la petite boule de poils, qui l’observait depuis un moment déjà, tout en jouant avec le poisson abandonné sur la jetée.


Ce sont ses petits jappements qui la firent se retourner. Elle abandonna sa ligne pour aller à la rencontre du petit chiot et, à force de douceur et de friandise, elle finit par apprivoiser la petite bête sans collier.


Elle arriva dans le salon, alors que nous regardions un vieux film en noir et blanc.

L’odeur nauséabonde qui l’entourait, nous signala immédiatement sa présence. Elle nous fit son plus grand sourire pour nous supplier de garder la petite créature qu’elle nous avait ramenée.


Après la mort de Naya, j’avais dit que j’attendrai un peu avant d’adopter un autre chien, et il fallait croire que ce moment était à présent venu.

Rahul et moi acceptâmes donc, sans grande difficulté d’accueillir notre nouvel ami dans notre maison, mais mon mari exigea de Jeanne qu’elle lui fasse une toilette sans tarder.


Ma sœur ne se le fit pas dire deux fois et s’empressa de conduire le petit chiot dans la salle de bain avant de prendre elle-même un bon bain.

La petite bête avait tellement gesticulé et éclaboussé partout que Jeanne avait fini par l’appeler Crapule.


J’avais abandonné Rahul à notre film pour ressortir du grenier les affaires de Naya. Cela me réchauffait le cœur de savoir qu’elles allaient servir à notre nouveau petit compagnon, qui avait déjà l’air se sentir à l’aise sur le coussin de Naya.


Crapule s’allongea et s’endormit pratiquement tout de suite. Elle était propre, nourrie, elle avait chaud... Elle était bien.

J’entendis la voix de Cyrielle derrière moi :

- Maman ? Il va rester avec nous le petit chien ?


- Oui, ma chérie. C’est une petite chienne. C’est Jeanne qui l’a trouvée. Elle l’a appelée Crapule, et elle va rester vivre avec nous.

- Oh Maman, c’est super ! Je vais bien m’occuper d’elle ! Je te le promets !


Cyrielle avait bondi de joie et m’avait sauté au cou avant de retourner se coucher en chantant.


 

- Je crois que tu as fait une heureuse aujourd’hui.

- Oui, j’ai croisé Cyrielle dans le couloir. Elle sautait comme un lapin. Je crois qu’elle ne va pas beaucoup dormir, surtout que je lui ai dit que Crapule resterait avec vous lorsque je partirai pour Sulani.


- Tu ne vas pas le regretter ?

- Non. Je la verrai lorsque je viendrai pour les vacances. Elle sera beaucoup mieux à la ferme qu’à Sulani où je n’aurai pas trop le temps de m’occuper d’elle.


Crapule était déjà dans son élément à la ferme. Elle me suivait partout, que je sois au jardin où à m’occuper des animaux. Elle avait très vite trouvé sa place parmi nous.


Ce jour-là, elle eut même le loisir d’assister à la naissance d’un petit poussin qui sortait tout juste de sa coquille.


Mais la personne avec qui elle passait le plus clair de son temps était Cyrielle.

Elle avait compris qu’elle rentrait chaque fois de l’école à la même heure, et elle se postait fièrement sous le porche pour attendre notre fille, cinq minutes avant son arrivée. Elle ne se trompait jamais.

Cyrielle le lui rendait avec une petite friandise qu’elle sortait miraculeusement et son cartable, et plein de gros câlins.


Cette semaine-là, il y eut une épidémie de varicelle à l’école et Cyrielle n’y échappa pas. Elle passa les premiers jours au fond de son lit avec beaucoup de fièvre et d’énormes boutons qu’il nous fallut lui interdire de gratter.


Quelque fois, elle venait s’allonger au salon pour être auprès de nous, et Jeanne lui apportait un jus d’oranges qu’elle venait de presser. Elle était très inquiète pour sa nièce et entendait lui redonner de l’énergie et des forces avec quelques vitamines naturelles.


Au troisième jour, elle finit par se lever, mais avait grand besoin des câlins et de l’attention de toute la famille pour l’aider à se rétablir.


Après sa maladie, et grâce à Jeanne qui lui avait vanté les mérites du grand air pour être moins malade, Cyrielle abandonna plus souvent son ordinateur pour s’intéresser de plus près au jardin, puis aux animaux de la ferme.

A l’observer ainsi nourrir les poules ou m’aider à désherber, je repris espoir de la voir un jour prendre la relève pour s’occuper de notre petite entreprise familiale.


Mais elle restait aussi une petite fille qui aimait jouer à la poupée ou au docteur, en compagnie de notre petite chienne.


A la veille de la foire de Finchwick, nous fêtâmes les anniversaires de Jeanne et de Marie. Les jeunes filles avaient insisté pour passer à l’âge adulte en même temps, car elles savaient qu’elles allaient emprunté des chemins différents et qu’elles ne se verraient plus aussi souvent.


Cette réunion familiale était sans doute la dernière qui nous voyait au complet avant bien longtemps et nous comptions tous en profiter.


 

Le lendemain, la maman de Marie l’accompagna jusqu’à Del Sol Valley où elle emménagea dans un petit appartement avec une jeune actrice de publicité.


Mathurin, lui, avait décidé de nous accompagner à la foire de Finchwick pour faire oublier sa tristesse à Oliver mais aussi, pour lui faire découvrir les joies de la campagne.

Jeanne, quant à elle, ne partirait que le lendemain matin.


En attendant nous profitions joyeusement de cette foire de printemps.

J’y avais présenté un fruit du dragon et une tarte à la citrouille, me demandant si l’un des deux allaient remporter un prix. Jeanne était optimiste et pariait sur le fruit du dragon.


J’espérais que le nouveau maire serait aussi de cet avis.


J’allai me présenter à lui. Il s’appelait Florent Morin. C’était un homme jeune et fort sympathique qui avait été formé par Lavina. Henford-on-Bagley n’avait donc pas de soucis à se faire.

Il me confirma, avec plaisir, que les produits de la Ferme Bellecour, pourraient toujours être vendus lors de la foire de Finchwick.


J’étais vraiment soulagée car c’est ici que nous faisions le plus gros du chiffre d’affaires de la ferme. Les ventes explosaient toujours et j’arrivais à y écouler tout mon stock de jus.


Mon fruit du dragon remporta le premier prix du jury. Monsieur le maire me remit un superbe ruban de satin rouge ainsi qu’une tulipe et une rose. Elles étaient nettement moins jolies que celles de mon jardin mais je les acceptai avec fierté.


En rentrant à la maison, Cyrielle, qui tombait de sommeil, nous embrassa très rapidement et courut se mettre au lit, tandis que Rahul et moi appréciâmes notre dernière soirée avec Jeanne, autour d’une partie de cartes.

Demain, elle s’en irait...


Bonus - La bâtisse au dernier jour du printemps :

On y aperçoit le nouveau salon ainsi qu’une mare que j’ai ajoutée juste avant la foire.


La mare :



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