top of page
  • Photo du rédacteurNathalie986

Semaine 13

Quatrième année - Eté


Ce matin-là, nous nous étions levés à l’aube pour conduire Jeanne jusqu’au quai du bateau qui l’amènerait jusqu’à l’aéroport de Newcrest pour prendre un vol vers Sulani... Mathurin avait tenu à se joindre à nous et avait annulé tous ses rendez-vous pour le début de la matinée.

Tout comme moi, il était triste de voir notre petite sœur partir aussi loin de nous.


Bien sûr, je m’étais renseignée sur l’Ecole de l’Océan, bien sûr, je savais qu’elle avait une réputation extraordinaire, qui en faisait d’ailleurs la meilleure école dans le domaine de la biologie marine.

J’avais inscrit Jeanne à l’internat afin qu’elle ait un suivi sérieux de ses études, car l’école engageait sa réputation sur tous les élèves qu’elle acceptait.

J’aurais alors dû être rassurée, mais j’avais le cœur chaviré et, ni les paroles réconfortantes de Rahul, ni le sourire crispé de Mathurin, et encore moins l’air désolé de Jeanne, ne parvinrent à m’apaiser.

Le bateau était déjà là, prêt à la prendre à son bord...


Elle m’avait regardé avec ses grands yeux gris, sincèrement navrés pour moi :

- Ne sois pas si triste, Thérèse, je reviendrai... C’est ce que j’ai envie de faire, tu comprends ? Même si je t’aime vraiment très fort.


Nous l’avions tous prise dans nos bras, mais elle avait réservé son dernier câlin pour moi. Je lui renvoyai comme un écho, un « je t’aime » étranglé, en lui demandant de nous donner régulièrement des nouvelles.


Puis ce fut l’heure pour elle de partir vers cette nouvelle vie qui n’attendait qu’elle. Mon cœur se serra, au moment où Mathurin frôla ma main...

Nous ne savions pas quand nous la reverrions.


Après le départ de Jeanne, nous avions tous repris nos habitudes. La ferme ne pouvait attendre que l’on se remit de son absence.


Cyrielle s’intéressait de plus en plus au jardinage et elle n’hésitait jamais à me donner un coup de main lorsque le besoin s’en faisait sentir. Elle aimait que le jardin soit beau et elle ne rechignait jamais à mettre ses mains dans la terre.


Elle aimait pêcher aussi, que ce soit en bord de mer ou de rivière, ou dans notre petite mare, au milieu du jardin. Elle avait gardé ça de sa tante.


Notre petite crapule s’adaptait très bien à notre façon de vivre. Elle s’était déjà liée d’amitié avec les poules, et elle passait son temps à se rouler dans la terre ou le sable.


Evidemment, cela signifiait qu’elle avait le droit à un bain quotidien. Cela n’avait pas été facile au début mais, finalement, elle finit par me laisser la plonger dans la baignoire sans se débattre. Je pense qu’elle a vite compris que le jet d’eau en provenance du robinet, pouvait être une jolie source d’amusement.


Nous passions la plupart de nos soirée dehors pour profiter de l’air frais en famille. Le soleil n’était pas de la partie en ce début d’été, mais nous subissions une chaleur étouffante, difficile à supporter, toute la journée durant.


Cyrielle avait même invité, plusieurs fois, son cousin Alain et sa copine de classe Céline, à venir profiter de la piscine après l’école.


Il faisait tellement chaud que les enfants passaient souvent le reste de l’après-midi en maillot de bain.


Cet air lourd et pesant nous conduisit, un soir, à nous rendre jusqu’au festival de l’humour de San Myshuno. Nous y trouvâmes une fraîcheur qui nous fit remettre nos gilets, et une ambiance ludique qui nous accapara tout de suite.


Le principe du festival était simple ; ceux qui souhaitaient y participer devaient choisir l’un des deux camps qui s’affrontaient gaiement, à tour de farces ou de blagues. Nous avions choisi le camp des blagueurs.


Je me découvris particulièrement douée pour raconter des blagues, mais Cyrielle me surpassa amplement.

Je crois que nous n’avons jamais autant ri qu’au cours de cette soirée.


Et ce n’était pas terminé. Claire aussi était venue à San Myshuno pour le festival et, elle aussi, avait rejoint le camp des blagueurs.


Nous avons donc poursuivi notre soirée à quatre, bien déterminés à obtenir un prix pour notre équipe. Et nous avons gagné la belle récompense de cinq cents simflouz, au terme des festivités. Un belle victoire sur l’équipe des farceurs.

Nous avons fait don de notre récompense à une association pour les droits de l’enfance, quelques jours plus tard.


Lorsque nous rentrâmes à la maison, nous trouvâmes Crapule en admiration devant le juke-box. Elle ne s’en détacha que lorsque nous en éteignîmes le son. Nous nous aperçûmes, à mesure que le temps passait, que notre chienne faisait une fixation sur le juke-box, tout comme, en son temps, Tessie en avait fait une sur le frigo de la cuisine.


Le soleil avait fini par montrer le bout de son nez, pour notre plus grand bonheur, et la chaleur, bien qu’encore présente, se fit moins étouffante.

Je prenais soins de mes bêtes, mais plus particulièrement de Caprice, car je comptais la présenter au prochain concours de vaches de la foire de Finchwick.


Mes petits oiseaux également, avaient le droit à toutes mes attentions. Il était hors de question que je les oublie, et ils me le rendaient chaque jour, à renfort de cadeaux.


Les produits de la ferme continuaient à bien se vendre. Notre réputation n’était plus à faire et nous le devions à Maman. Sans elle, et sans son travail, la ferme n’aurait jamais prospéré ainsi.


Un après-midi, j’eus la surprise de reconnaître, parmi mes clients, Romain, le frère de Claire. Cela faisait des années que nous ne nous étions pas revus. Il avait aussi été le meilleur ami de mon frère. Aux dires de sa sœur, il était un homme très occupé.


Il occupait un poste très important à la mairie de Willow Creek en tant que chef de la planification urbaine, et son travail ne lui laissait pas beaucoup de temps libre. Nous promîmes de nous revoir bientôt mais nous savions tous les deux que ce n’étaient que paroles de politesse. Nous avions désormais emprunté des chemins différents.


Ce jour-là, Cyrielle est rentrée de l’école avec sa copine Céline. La petite fille passait de plus en plus souvent à la maison.


Lorsqu’elle ne venait pas pour jouer au baby-foot ou plonger dans notre piscine, elle faisait ses devoirs avec notre fille. Je sentais qu’une belle amitié était en train de naître entre les deux fillettes.


 

Son anniversaire avançait à grands pas, et Cyrielle s’attristait vraiment de ne pas avoir sa tante auprès d’elle pour cette occasion. Malheureusement, le prix du voyage entre Sulani et Brindleton Bay était exorbitant, et nous ne pouvions pas nous permettre de le lui payer.


Nous savions que Jeanne avait garder contact avec Marie, la fille d’Oliver, qui était devenue une actrice célèbre. Jeanne habitait à présent un yacht, que Marie et elle avaient acheté en commun, mais les revenus de Jeanne, n’étaient pas encore extraordinaires et nous devinions aisément que Marie avait dû apporter à cette acquisition, une contribution bien plus élevée que celle de ma petite sœur.

Si Jeanne, habitait dans un yacht, elle ne pourrait malheureusement pas faire le voyage jusqu’à Brindleton Bay.

Ma sœur nous avait récemment envoyé des photos d’elle, et donné des nouvelles. Ses études de biologiste marin à l’école de l’Océan se déroulaient à merveille. Jeanne était la première de sa classe, et cette distinction lui avait permis d’obtenir un stage, à temps partiel, de technicienne de la flore et de la faune, toujours supervisé par son école, au sein du célèbre institut océanographique de Sulani : Oceani. Mathurin et moi, étions vraiment fiers d’elle. Le stage se déroulait en alternance avec les cours et si, à la fin de l’année, Jeanne avait satisfait à toutes les exigences de son travail, Oceani envisageait de l’embaucher.

- Elle a vraiment fait du chemin depuis qu’elle a quitté la maison, tu ne trouves pas ?

- Je suis aussi fier d’elle que Mathurin et toi. Elle se donne les moyens de réussir et je suis persuadé qu’elle réalisera son rêve. C’est une battante.


- Ce qui me désole, c’est de voir Cyrielle aussi triste. Jeanne lui manque. Elle aurait tant voulu qu’elle soit présente pour son anniversaire. Elle m’en a encore parlé quand je suis allée lui souhaiter une bonne nuit.

- J’ai peut-être une petite idée qui lui permettrait de rendre son absence moins insupportable.

- Ah oui ?


- Oui, mais je te raconterai tout ça après m’être occupé de toi.

Mon mari était d’humeur enjôleuse ce soir, et mes questions devraient attendre. Ces moments se faisaient si rares, parfois, que je n’entendais pas passer à côté. Nous avions trop tendance à nous oublier au milieu de toutes nos occupations quotidiennes.


Je revins cependant à la charge, après notre petit intermède romantique :

- Alors, tu m’expliques ?

- J’en parle depuis quelques jours avec Mathurin. Il m’est d’une aide précieuse pour mener à bien mon projet, et Jeanne aussi, bien évidemment !

Rahul m’expliqua en détail ce qu’il comptait faire. Son idée était géniale et j’étais persuadée que cela remonterait le moral de notre fille.


Le jour de son anniversaire, nous installâmes Cyrielle devant l’ordinateur et elle eut la surprise d’y retrouver Jeanne, lui chantant un « joyeux anniversaire » en direct de Sulani. Lorsque nous nous éclipsâmes discrètement pour les laisser seules toutes les deux, notre fille avait les larmes aux yeux.

Rahul avait tout mis au point avec Mathurin. Mon frère et Oliver avaient pas mal de connaissance, notamment un technicien de Simnet qu’Oliver avait défendu, et qui s’était fait un plaisir de le remercier en amenant la fibre gratuitement jusqu’à notre ferme.

Mathurin avait ensuite expliqué à mon mari comment brancher les câbles et installer lnternet sur notre vieux PC. Rahul n’était peut-être pas ingénieur en informatique comme mon frère, mais il était suffisamment doué en bricolage, pour comprendre ce qu’il lui racontait.

Et bien sûr, ils avaient contacté Jeanne pour convenir d’une heure de rendez-vous avec elle, afin que Cyrielle soit présente devant l’écran.

Cyrielle resta discuter avec sa tante jusqu’à l’arrivée des invités.


Aujourd’hui, nous fêtions aussi l’anniversaire d’Alain, qui avait été un peu oublié lors de son dernier. Nous avions donc invité Claire à se joindre à nous.


C’était un bel après-midi d’été. Alain voulut souffler ses bougies le premier, et on lui devait bien ça.


Cyrielle les souffla juste derrière lui.


Leur enfance venait de s’envoler. Cousin et cousine allaient découvrir l’adolescence et vivre de nouvelles aventures. Qu’est-ce qu’elle était belle, ma fille !

J’entendis Claire qui disait la même chose que moi à propos de son fils et, en regardant Alain, je retrouvais Mathurin. Son fils était aussi son portrait craché.


Durant le repas, Oliver nous donna des nouvelles de Marie. Sa carrière lui réussissait, elle était célèbre, avait beaucoup d’argent, mais elle avait aussi gardé ses valeurs et sa gentillesse, tout autant que son amitié pour Jeanne.

Nous regardions souvent ses films à la télé mais, savoir qu’elle allait bien, était un vrai soulagement. Sa carrière n’était pas facile et d’autres s’y étaient brûlés.

Nous en apprîmes également davantage sur le yacht. Jeanne avait déboursé une part infime pour ce bateau, comme nous nous en doutions déjà, et avait insisté pour rembourser Marie, dès qu’elle le pourrait. Mais Marie ne l’entendait pas ainsi. Jeanne était son amie, et elle avait décidé de lui faire cadeau du yacht au prochain Noël, pour qu’elle s’y sente complètement chez elle.


Certes, Marie était devenue fortunée, mais il fallait que Jeanne comprenne qu’elle faisait aussi les cadeaux à la hauteur de ses moyens.

Oliver nous montra quelques photos. Elle avait acheté une grande maison moderne sur les hauteurs de Del Sol Valley et y avait fait emménager Maryse, sa maman.

Entre deux tournages, lorsqu’elle ne se rendait pas à Sulani pour rendre visite à Jeanne, cette maison était son havre de paix.

Marie avait beaucoup changé physiquement. Nous nous en étions déjà aperçus en regardant ses films mais le changement était beaucoup plus flagrant sur les photos qu’Oliver brandissait fièrement. L’adolescente qui était partie n’avait rien à envier à la belle jeune femme que nous découvrions. Elle semblait heureuse et beaucoup plus sophistiquée qu’avant, mais son regard transpirait toujours la bienveillance.

Ici, moins de notoriété, et moins d’argent. Nos soucis se bornaient à tenter d’éduquer, sans résultat, notre chienne qui se complaisait à se salir indéfiniment mais qui nous faisait aussi parfois rire de ses bêtises.


Avec Cyrielle, c’était un peu plus compliqué. Elle passait beaucoup de temps à se plaindre de tout et de rien, que ce soit auprès de nous ou auprès de son amie Céline, qui semblait la comprendre mieux que quiconque.


Cette petite me semblait posséder une patience à toute épreuve. Elle écoutait notre fille, la consolait parfois, l’écoutait encore gémir, sans se plaindre elle-même. J’en étais presque admirative.


Seulement, un jour, Céline a baissé les bras. Je pense qu’elle avait atteint un point de non-retour et qu’elle n’arrivait plus à encaisser les jérémiades de Cyrielle. Alors, elle lui a déballé tout ce qu’elle avait sur le cœur, la menaçant de rompre leur amitié si elle n’arrêtait pas de pleurnicher. Sûrement la menace ultime entre copines d’enfance... Céline ne pouvait visiblement plus en supporter davantage.


Mais ce fut un électrochoc pour Cyrielle. Elle pleura beaucoup car elle ne voulait pas perdre son amie, et elle lui promit de ne plus se plaindre ainsi. Et, surtout, ce jour-là, elles se jurèrent une amitié pour la vie sous mon œil attendri (et soulagé !)... et ma fille retrouva le sourire.


Tout changea alors. Cyrielle qui, depuis son anniversaire, avait complètement abandonné les travaux de la ferme pour se consacrer uniquement à l’ordi portable, moderne et fonctionnel, que mon frère lui avait offert (merci Mathurin !), se remit à participer aux tâches indispensables à notre activité.


Elle emmena même Crapule au parc dans l’idée de la dresser et de lui apprendre des tours. Ces promenades avec la chienne de Jeanne la rendaient enthousiaste, sauf quand notre chienne décidait de faire sa mauvaise tête.


Dans ce cas, Cyrielle s’énervait et se mettait à jurer, faisant fi des passants ou des enfants à proximité. Elle voulait que Crapule lui obéisse et il n’était pas question qu’il en soit autrement.


C’est un jour comme celui-ci qu’elle rencontra Greta. L’adolescente l’avait interpellée en lui demandant pourquoi elle criait ainsi sur son chien alors qu’il était si mignon, puis elles avaient sympathisé.

Greta était originaire de Tartosa, une petite ville de la côte, situé à presque quatre heures de route de Brindleton Bay. Elle était ici pour deux mois dans le cadre d’un échange culturel entre les deux villes, et habitait chez sa correspondante, Amandine.


Les deux jeunes filles se découvrirent de nombreux points communs et découvrirent qu’elles aimaient aussi les mêmes films et les mêmes activités : la nature et les ordinateurs ! Et surtout, Greta rêvait d’avoir un jour sa propre ferme et d’en vivre. Elle ne cacha donc pas sa joie lorsque Cyrielle lui apprit qu’elle vivait elle-même dans une ferme.


Et Cerise sur le gâteau, la Tartosienne adorait Crapule. Elle trouvait la petite chienne trop mimi, trop choupi, trop cuty... Bref, tous les superlatifs bisounours semblaient convenir à Crapule, si l’on en croyait Greta.


Les deux adolescentes finirent par convenir que la vie était trop injuste, que les parents pouvaient être parfois lourdingues et que Charlemagne n’aurait juste pas dû être inventé pour que le lycée n’existe pas.

Si on résume la situation, Cyrielle venait de se faire une nouvelle amie.


Elle se rendit de plus en plus souvent au parc pour y rencontrer Greta et lui raconter ses malheurs d’adolescentes tandis que Greta lui racontait les siens.

Nous voyions donc régulièrement Crapule, revenir de ces escapades, complètement exténuée.


A contrario, Cyrielle s’était lancée à corps perdu dans son travail scolaire. Greta était une très bonne élève, et elle voulait lui faire écho. Peut-être, un jour, ferait-elle aussi partie d’un programme d’échange, comme elle... ou comme Céline qui avait eu l’honneur d’y participer pour se rendre un mois à Mont Komorebi. Notre fille ne voulait pas être mise à l’écart et comptait faire aussi bien que ses amies. Nous saluions, Rahul et moi, sa nouvelle détermination.


Notre fille n’était ni plus, ni moins, qu’une adolescente de son âge. Elle avait ses rêves et ses envies, parfois contrés par les exigences de ses parents, mais elle venait souvent se confier à moi. Et ce soir-là, je ne m’attendis absolument à ce qu’elle m’ouvrit un cœur d’ado amoureuse.

- Il est tellement beau, tellement gentil !

Elle avait rencontré le garçon à la médiathèque du lycée. Ils utilisaient des ordinateurs voisins et avaient discuté un moment sans se donner leurs noms, mais ma fille ne semblait pas se remettre émotionnellement de cette rencontre.

J’essayai alors de la mettre en garde contre les sentiments amoureux de l’adolescence.


En la regardant, je sus que c’était peine perdue. Elle me souriait bêtement, faisant semblant d’acquiescer à chacune de mes paroles, mais son petit cœur fondait déjà pour le bel inconnu de la médiathèque.


Cyrielle était heureuse. Durant plusieurs jours, je l’entendis siffloter en arrosant les plantes ou chanter en prenant sa douche, jusqu’à ce qu’elle s’attriste car elle ne le croisait jamais dans les couloirs du lycée.


Un après-midi, elle reçut sa copine Greta à la maison et lui confia ses doutes, et sa peine.


Greta réussit à lui transmettre sa bonne humeur. Il y avait forcément un explication logique au fait que Cyrielle ne revoit pas son béguin de la médiathèque. Lui aussi faisait peut-être partie du programme d’échange, après tout. Il fallait être patiente.

Après lui avoir fait visiter la ferme, Cyrielle emmena sa nouvelle copine sur la plage pour lui faire découvrir les environs.


Greta était enchantée par tout ce qu’elle voyait. Elle habitait à quatre heures de route de chez nous, sur la même côte, et elle s’émerveillait de voir combien les paysages ou la végétation étaient différents de ce qu’elle avait l’habitude de voir chez elle.


Elle s’enthousiasma encore lorsque Cyrielle lui apprit que l’on pouvait visiter le phare de l’île des herbes mortes, et y grimper. A Tartosa, le phare était habité par le gardien de phare, et il n’était pas question de visite.


 

Ce soir-là, je reçus un appel de Mathurin.

Oliver et lui avaient pour projet de se rendre à Sulani pour rendre visite à Jeanne et Marie, qui serait aussi présente pendant leur séjour.


Les garçons me demandaient de m’occuper d’Alain pendant qu’ils seraient là-bas, car Claire devait s’absenter, aux mêmes dates, pour une formation professionnelle.

J’étais ravie car ce serait l’occasion de profiter un peu de mon neveu.


Cyrielle était toute guillerette à l’annonce de cette nouvelle. Elle s’entendait très bien avec son cousin, et la perspective de passer deux semaines avec lui la rendait particulièrement joyeuse.


Elle m’aida encore plus que d’habitude aux travaux de la ferme et nous doublâmes, cette saison-là, notre production de jus de fruits.


Alain arriva un vendredi après les cours, ravi lui aussi de passer quelques temps avec nous, mais il avait un projet pour le soir-même, celui de se rendre au festival des épices avec un copain. Il en parla tout de suite à Cyrielle pour qu’elle l’accompagne. Ils prendraient le train ensemble jusqu’à San Myshuno.


Cette idée nous avait d’abord fait bondir, Rahul et moi, car nous trouvions Cyrielle un peu trop jeune pour sortir le soir, mais elle serait en compagnie de son cousin, et nous finîmes par donner notre accord. Mais il y avait une condition.


Rahul et moi les emmènerions en voiture. Ainsi, nous ne serions pas loin en car de problème. Nous avions décidé de passer un peu de bon temps tous les deux et le bar à cocktails du quartier chic serait parfait pour un tête à tête amoureux, en attendant que le festival se termine.


 

Point de vue de Cyrielle

Papa et Maman sont vraiment super ! Je pensais qu’ils allaient refuser notre escapade au festival des épices, mais ils ont dit oui. J’suis trop contente ! C’est la première sortie que je fais sans eux, juste avec des gens de mon âge.


Quand Alain me présenta son copain, j’ai cru que j’allais m’étouffer. Le beau gosse de la médiathèque se trouvait devant moi, et il avait l’air aussi surpris que moi.

- Cette fille est ta cousine Cyrielle ? demanda-t-il

- Ben ouais, pourquoi ?


Apparemment, Jérôme, c’est comme ça qu’il s’appelait, avait parlé de moi à Alain, tout comme j’avais parlé de lui à ma mère.

- Alors comme ça, la fille super canon de la médiathèque, c’était ma cousine ! Purée, quelle coïncidence !

- Et si on allait plutôt se faire un défi de curry épicé, hein ? Ça t’évitera de dire trop de bêtises !


Jérôme avait l’air aussi mal à l’aise que moi, mais j’étais très heureuse parce que je savais qu’il me trouvait super canon.


Evidemment, Alain fit plein de blagues à notre encontre tout au long de la soirée, mais j’avoue que ça a mis une bonne ambiance, même si parfois, Jérôme ne savait plus quoi répondre.


Je ne l’avais pas revu au lycée car il avait attrapé la grippe du lama et était resté cloué au lit par la fièvre. En plus d’être beau gosse, Jérôme était un garçon vraiment sympa.


J’ai passé avec lui une super soirée. Je suis vraiment contente qu’il soit un bon pote à mon cousin. Au moins je sais que je le reverrai.

En attendant, il a trinqué à la plus jolie fille de la soirée, en me mangeant des yeux.


Et au moment de nous séparer, il m’a même enlacée pour me dire à bientôt. C’était trop, trop chouette !


Le lendemain matin, au p’tit déj, il a fallu qu’Alain ouvre la bouche et raconte tout aux parents. Evidemment, Papa est parti en live parce qu’un garçon m’a serrée dans ses bras. Hou la ! J’ai eu droit à un super discours moralisateur, merci Alain !


Il a fallu lui expliquer qu’il ne s’était rien passé. Heureusement, mon cousin a confirmé.

Maman avait l’air de beaucoup s’amuser de cette petite discussion.


- Tu sais, pour ton père, tu seras toujours un bébé. C’est difficile pour lui de te voir grandir.

Ouais bon... mais il faudrait pas oublier qu’il a grandi quand même, le bébé !


Point de vue de Thérèse

Voilà un peu plus d’une semaine qu’Alain est chez nous. Il s’est vite acclimaté au travail de la ferme et semble prendre plaisir à nous aider. Et même si parfois, certains de nos pensionnaires ne lui facilitent pas la tâche, il ne se laisse pas décourager et continue quand même. Il nous a d’ailleurs avoué qu’il adorait participer à l’entretien des plantes et aux soins des animaux.


Ce matin-là, nous étions tous levés de bonne heure. C’était le jour de la foire de Finchwick et toutes les besognes devaient être bouclées avant que nous partions.


Evidemment, la reine de la journée allait être Caprice, et elle devait être la plus belle de toutes avant d’être présentée au village.


Je venais à peine de l’installer dans l’étable qu’on lui avait attribuée, que Madame avait déjà deux admiratrice, qui la prirent en photo. Ça commençait fort.


Pendant ce temps, Rahul avait décidé d’aller saluer Kim. Il était loin le temps où mon mari travaillait pour elle comme garçon-livreur.


Alain et Cyrielle, eux, dansait sur de la musique champêtre et semblaient beaucoup s’amuser.


C’est alors que je vis s’avancer vers ma fille, un jeune homme blond portant des lunettes. Son pas était assuré et il avait l’air très heureux de voir Cyrielle.


- Jérôme ! Mais qu’est-ce tu fais là ? sembla-t-elle s’étonner.

- Tu as vaguement évoqué que tu viendrais à cette foire, l’autre jour... alors je suis là !


L’adolescent invita alors ma fille à danser. Elle hésita un peu mais finit par se laisser tenter. Elle paraissait totalement sous le charme.


Ils étaient vraiment mignons à danser ainsi tous les deux, et j’espérais secrètement que Rahul serait suffisamment occupé avec Kim pour ne pas gâcher leur instant.


Mon mari les avait cependant remarqués et avait abandonné sa conversation avec l’épicière pour se diriger vers eux.

Alain alerta les danseurs :

- Tonton en approche ! Je te conseille de lâcher ma cousine.


Rahul s’était avancé, un sourire amusé sur les lèvres, vers le jeune couple. Cyrielle et son cavalier ne savait plus où regarder. Je pouvais sentir leur gêne, uniquement à les regarder.


- Bonjour, jeune homme. Je suis de père de Cyrielle. Je peux savoir à qui j’ai à faire ?


- C’est Jérôme, Tonton, lui dit Alain, pensant venir au secours de son ami. C’est mon pote. Il est très sympa.

- Et il ne sait pas répondre tout seul, ton pote ?

Malgré un début tendu, la conversation se fit plus légère et se termina dans des éclats de rire.


J’en profitai alors pour m’éclipser et aller vendre mes jus de fruits. J’avais un gros stock à écouler.


A la nuit tombée, Cyrielle put enfin profiter d’un moment tranquille avec Jérôme...



...car Alain avait entraîné Rahul dans une danse endiablée. Mon mari ne perdait, cependant pas une seconde, notre fille de vue.


De mon côté, je m’étais rapprochée de Caprice pour entendre les résultats du concours annoncés par Monsieur le Maire. Elle avait gagné la troisième place du concours, comme Marguerite en son temps.


Lorsque nous rentrâmes à la maison après cette belle journée, Rahul admit devant notre fille que son copain Jérôme avait l’air d’être quelqu’un de bien. Il lui recommanda, malgré tout de faire attention à elle pour ne pas être déçue, ce à quoi elle objecta que Jérôme n’était pas son petit copain.

Mais nous savions, mon mari et moi, que ce n’était plus que question de temps.


Bonus - la bâtisse au dernier jour de l'été :


4 vues0 commentaire

Posts similaires

Voir tout
bottom of page